La gauche en tête des législatives
Vive la République !

partisans du Nouveau Front Populaire
Rassemblement de partisans du Nouveau Front Populaire, Place de la République, à Paris, le 7 juillet 2024 (photo Clarisse Feletin)

Contre toute attente, l’union de la gauche, sous la bannière du Nouveau Front populaire, domine les élections législatives. Elle est suivie par le camp présidentiel regroupé sous l’étiquette Ensemble.  Le Rassemblement National, le grand gagnant du premier tour, n’arrive qu’en troisième position. Reste à voir si dans la période de cohabitation qui s’annonce, la gauche pourra mettre en oeuvre son programme, faute de majorité absolue. 

Les Français se sont massivement mobilisés ce dimanche pour le deuxième tour des élections législatives : 67 % de votants selon les instituts de sondages Ipsos et OpinionWay, 67,1 % selon Elabe, 67,5 % selon l’IFOP, contre 66,7 % enregistrée au premier tour. Une participation record depuis les législatives anticipées de 1997.

Résultats législatives à 23h23
Résultats à 23h23, avec 537 résultats sur 577 circonscriptions (Source ministère de l’intérieur, infographie Le Monde)

Selon les premières estimations publiées par le ministère de l’Intérieur, c’est l’union des partis de gauche (LFI, PS, PCF et Écologistes), sous la bannière du Nouveau Front populaire, qui arrive en tête du deuxième tour des élections législatives avec 167 sièges. Le camp présidentiel regroupé sous l’étiquette Ensemble suit en deuxième position avec 149 sièges. Le Rassemblement national (RN) et ses alliés (la fraction du parti Les Républicains qui a suivi le président contesté du parti, Eric Ciotti, dans son alliance avec le RN)  totalisent 140 sièges: une nette augmentation par rapport aux 88 députés qui siégeaient dans le groupe RN de l’Assemblée sortante. Mais une troisième place déçevante au regard du triomphe annoncé du parti de Marine Le Pen. Le 5 juillet, par exemple, un sondage d’Ipsos-Talan pour Radio France et France Télévisions prévoyait 175 à 205 sièges pour le Rassemblement National. Les Républicains, pour leur part, n’arracheraient que 44 sièges.

Premières réactions politiques

Jean-Luc Mélenchon, leader historique de La France insoumise (LFI), a pris la parole tout juste après l’annonce des premiers résultats. Peu après 20 heures, il a salué la mobilisation électorale pour «arracher un résultat que l’on disait impossible », soit une victoire de la gauche. Il a ensuite appelé le président Emmanuel Macron à nommer un nouveau premier ministre issu de l’alliance des partis de gauche : « Le premier ministre doit s’en aller (…). Le président a le devoir d’appeler le Nouveau Front populaire à gouverner, celui-ci y est prêt. »  Manifestement conscient que sa personnalité clive une partie de la gauche, Jean-Luc Mélenchon s’est néanmoins bien gardé de préciser qui, selon lui, devrait prendre la tête d’un gouvernement de gauche.

De son côté, Jordan Bardella, le président du RN, voit ses chances de diriger un gouvernement d’extrême droite se dissiper brutalement. Dans sa première prise de parole en réaction aux premier résultats, il a dénoncé, visage fermé, “l’alliance du déshonneur et les arrangements électoraux passés par Emmanuel Macron et Gabriel Attal avec l’extrême gauche” qui seraient, d’après lui, responsables de la défaite de son parti.

De fait, à l’issue du premier tour du 30 juin, jusqu’à 306 triangulaires étaient annoncées au second tour. Mais soucieux de construire un « Front républicain », de nombreux candidats de la gauche et d’Ensemble se sont désistés, quand ils étaient en troisième position, en appelant à voter pour le candidat concurrent faisant face au RN. Finalement, ce dimanche se sont tenus 409 duels et seulement 89 triangulaires et deux quadrangulaires, d’après les estimations de nos confrères du Monde.  Une stratégie de barrage au RN qui s’est donc révélée payante. 

La démission annoncée de Gabriel Attal 

Vers 21h30, ayant constaté que son camp n’avait pas obtenu la majorité, le premier ministre Gabriel Attal a annoncé qu’il remettrait demain matin sa démission au président de la République :  « Je sais qu’à la lumière des résultats de ce soir, bon nombre de Français ressentent une forme d’incertitude sur l’avenir, puisqu’aucune majorité absolue ne se dégage. Notre pays connaît une situation politique sans précédent et se prépare à accueillir le monde dans quelques semaines ». a-t-il ajouté en référence au début imminent des Jeux Olympiques de Paris.  Il a néanmoins garanti qu’il assumera ses fonctions « aussi longtemps que le devoir l’exigera ». 

L’Elysée a annoncé qu’Emmanuel Macron attendra de voir la nouvelle Assemblée nationale « se structurer » avant de “prendre les décisions nécessaires”. Comme l’a expliqué Le Monde, si aucune force politique n’obtient la majorité absolue à l’Assemblée Nationale (289 sièges), le risque d’un blocage institutionnel est réel.

Les scénarios possibles pourraient être la formation d’une coalition qui soutiendrait un gouvernement d’union nationale, la nomination d’un gouvernement « technique» avec des ministres sans affiliation partisane, sur le modèle de celui dirigé par Mario Draghi en Italie de 2021 à 2022 ou encore un gouvernement minoritaire, qui vivrait sous la menace d’une motion de censure à l’Assemblée nationale. 

Les défis de la gauche au gouvernement

Au sein du Nouveau Front Populaire, LFI voit sa position dominante fragilisée. Selon les estimations, le parti socialiste est en passe de doubler ses effectifs, avec entre 63 et 69 sièges (entre 68 et 74 députés pour les insoumis). Les autres groupes de gauche restent minoritaires au sein de la coalition: les Écologistes pourraient envoyer de 32 à 36 députés siéger dans l’Hémicycle, tandis que les élus du Parti communiste français seraient entre 10 et 12.

Néanmoins, Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France Insoumise, a promis que  «NFP appliquera son programme, rien que son programme mais tout son programme.»  Pour cela, il est indispensable que toutes les forces de gauche soient capables de gouverner ensemble. Et même ainsi, rien n’est certain concernant la capacité du NFP de s’imposer dans l’hémicycle face aux autres forces politiques.

Sur France 2, Marine Tondelier, la cheffe de file des écologistes qui s’est montrée particulièrement efficace et déterminée sur les plateaux de télévision durant la campagne, a annoncé qu’elle allait rencontrer Manuel Bompard, Olivier Faure et Fabien Roussel vers 23h pour discuter de la suite. Clémentine Autain a pour sa part suggéré que les députés du NFP se réunissent dès lundi pour s’accorder sur le nom d’un premier ministre.

Mais sous la Vème République, c’est au président que revient de désigner un chef de gouvernement. De la même manière qu’il n’est pas acquis que la gauche reste unie, les décisions d’Emmanuel Macron, dont va dépendre l’avenir du gouvernement, sont imprévisibles. Ces derniers jours, tout indiquait qu’il se préparait à cohabiter avec Jordan Bardella. Mais les français en ont décidé autrement, déstabilisant les plans présidentiels. Alors qu’une prise de parole de sa part était envisagée ce soir, Emmanuel Macron est finalement resté silencieux. Comme sonné par la « grenade dégoupillée » qu’il avait lancée en dissolvant l’assemblée suite aux élections Européennes…