2027 : le clan Attal pactise avec Magali Berdah

De gauche à droite : Prisca Thevenot, Magali Berdah et Gabriel Attal  | Photomontage d’illustration (Off Investigation)

Abandonnant le vouvoiement formel de sa série consacrée aux candidats à la présidentielle de 2022, Magali Berdah tutoie désormais les parlementaires. Pour le premier épisode de sa nouvelle websérie, la sulfureuse « reine des influenceurs » a suivi la députée Prisca Thevenot pendant une journée. L’occasion pour le clan Attal de se rapprocher d’un public dépolitisé, mais à quel prix ?

Le passif judiciaire de Magali Berdah et la sulfureuse réputation qu’elle s’est forgée dans le monde des influenceurs n’ont pas empêché le clan Attal de lui ouvrir ses portes. En effet, dans le premier épisode de sa nouvelle série de vulgarisation politique, diffusé le 12 février, l’entrepreneuse quadragénaire qui a souvent été présentée comme « la reine des influenceurs », propose une immersion de « 24 heures avec Prisca Thevenot », une des plus proches camarades de Gabriel Attal.

Sur la forme, on retiendra de ce format de 50 minutes les flatteries que Magali Berdah multiplie à l’endroit de la députée des Hauts-de-Seine, ainsi que le tutoiement constant entre les deux femmes.

Du placement de produits à celui de politiques

Sur le fond, on notera que cette vidéo, qui se veut pédagogique pour un public éloigné de la politique, compte pas moins de six références élogieuses à Gabriel Attal, qui va même jusqu’à apparaître lors d’une courte séquence capturée dans les couloirs de l’Assemblée. Visiblement une aubaine pour le patron des députés du groupe Ensemble !, qui cherche alors à saisir les codes d’une jeunesse dépolitisée. « Prisca, c’est le S… C’est le sang ! », lâche-t-il devant les caméras de Magali Berdah dans l’enceinte du palais Bourbon.

Apparition imprévue ou tentative de placement de « produit politique » ? Contactée par nos soins, Magali Berdah n’a à ce stade pas répondu à ce sujet. Fait notable, si elle a fièrement été repartagée par certains soutiens officieux de Gabriel Attal (post ci-dessus), la séquence est singulièrement absente de son compte officiel ainsi que de celui sa très proche camarade. Comme nous l’apprendrons en coulisses, l’initiative a été à l’origine de retours mitigés au sein du groupe parlementaire.

Qu’à cela ne tienne, selon les propres mots de Magali Berdah dans Paris Match, l’objectif de son immersion à l’Assemblée n’est autre que de « donner accès à ce monde […], à des gens qui n’y ont pas accès, qui connaissent les politiques mais pas forcément le cadre, les codes, qui ne comprennent pas forcément la manière dont ils s’expriment ». Elle s’enthousiasme : « Moi-même j’apprends plein de choses depuis ce matin, à 43 ans, c’est passionnant ! ».

Après son épisode consacré à Prisca Thevenot, Magali Berdah a renouvelé l’expérience avec le député RN de l’Yonne Julien Odoul (voir encadré en fin d’article) et l’écologiste Sandrine Rousseau, dont la vidéo n’a pas encore été diffusée mais qui nous a confirmé qu’elle s’était d’ores et déjà prêtée à l’exercice. La députée EELV-NFP nous explique en effet avoir accepté cette initiative d’une femme qu’elle a, dans le passé, soutenue face à une campagne de cyberharcèlement très éprouvante pour elle et sa famille. Par ailleurs, malgré les controverses autour de Magali Berdah dont elle souligne ne pas être une proche, Sandrine Rousseau a vu un intérêt à ce projet : « Les gens qui suivent les influenceurs, pour certains, ne connaissent strictement rien à la politique, à un point qui dépasse l’entendement. Et moi, je ne connais absolument rien des influenceurs. Il y a quelque chose à travailler de l’ordre de la rencontre indispensable entre ces deux mondes », a-t-elle accepté de nous expliquer, contrairement à Prisca Thevenot qui n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Thevenot, Berdah, une solidarité qui pourrait se comprendre ?

Un concept emprunté à « Vis ma vie » ? Une pédagogie inspirée de « C’est pas sorcier » ? En visionnant Prisca Thevenot à la sauce Magali Berdah, on retient surtout que cette dernière prend soin de ne pas écorcher l’image d’une députée souvent confrontée à la critique. En mai 2024, Politis révélait par exemple l’atmosphère de travail « toxique » que Prisca Thévenot aurait imposé à certains de ses collaborateurs à coups de « violence verbale », de « chantage affectif » ou encore d’« humiliations répétées ». Si elle est brièvement évoquée « à la cool, dans la voiture » par Magali Berdah, l’affaire semble surtout amenée pour permettre à Prisca Thevenot de la résumer à sa façon.

Entre personnalités sulfureuses, on s’entraide ? « Travailler avec Magali Berdah, c’est un enfer. Elle crie quotidiennement, insulte et rabaisse les collaborateurs », confiait fin 2024 à Capital un ancien commercial l’ayant côtoyée, et qui se ­souvient avoir vu « des employés tomber en dépression et partir du jour au lendemain ». Rémunération élevée mais rythme de travail « infernal », témoignera un autre ex-collaborateur de l’agence.

Berdah : un passif judiciaire qui fait pourtant tâche

Magali Berdah est devenue une figure médiatique dès 2017, lorsqu’elle fonde une agence spécialisée dans la mise en relation entre marques et influenceurs, qu’elle baptise Shauna Events. Cet univers, elle l’a rejoint après s’être fait la main dans le monde des assurances, du courtage et pas que ! Comme le révèle L’Informé en 2022, Magali Berdah a été condamnée pour « abus de faiblesse » et « blanchiment » en 2018, dans une affaire qui remonte au milieu de la décennie. C’est en 2015 que la femme d’affaires a en effet commencé à « emprunter » de l’argent à un ancien « haut fonctionnaire au parcours prestigieux » alors âgé de 96 ans. « La businesswoman lui parle d’abord de mutuelles, puis d’un investissement immobilier… et lui soutire, surtout, de l’argent. En six mois, elle recevra 221 556 euros, répartis en 17 chèques. », rapporte notamment L’Informé.

La condamnation de Magali Berdah avait alors été assortie d’une interdiction d’exercice. Sur son compte Instagram, elle relativisera une affaire qui date « d’il y a dix ans » et n’est « absolument pas liée au monde de l’influence » (Capital, novembre 2024). Elle assure également avoir tout remboursé, avec intérêts.

Une figure de l’influence controversée

L’entrepreneuse est à nouveau dans la tourmente à partir de 2022, quand le rappeur Booba commence à dénoncer le business des « influvoleurs », en ciblant entre autres Magali Berdah. Le rappeur quadragénaire va jusqu’à porter plainte en juillet de la même année pour « pratiques commerciales trompeuses ». L’enquête ouverte sera finalement classée sans suite deux ans plus tard par le parquet de Paris, qui estimera que « les éléments apportés au soutien de la plainte étaient trop imprécis ou inexploitables ». Mais le bras de fer Booba-Berdah n’en sera pas moins éprouvant pour la femme d’affaires qui s’est retrouvée la cible, pendant des mois, d’insultes et de menaces en ligne. Fin 2022, elle est par ailleurs épinglée dans un Complément d’enquête intitulé « Arnaques, fric et politique, le vrai business des influenceurs », particulièrement à charge contre l’entrepreneuse.

« Arnaques, fric et politique, le vrai business des influenceurs », Complément d’enquête, septembre 2022.

Confrontée à la remise en question de certaines de ses pratiques – ses tentatives de s’en défendre seront parfois laborieuses et à l’origine de moqueries –, la femme d’affaires a également fait face à des partenaires commerciaux en perte de confiance. « La société Shauna Events que j’ai fondée a fait une chute libre de 30 millions d’euros sur une année ! », déclarait la cheffe d’entreprise fin 2023 à l’antenne de C8, sur le plateau de TPMP.

En pleine dégringolade, Magali Berdah a été cette année-là jusqu’à s’en prendre à Bruno Le Maire, alors ministre de l’Economie, après qu’il avait affirmé vouloir lutter contre les « dérives des influenceurs ». « Je déplore qu’un ministre de la République, représentant du gouvernement et de ses combats, à savoir la lutte contre le cyberharcèlement, les violences faites aux femmes, l’antisémitisme, prenne ouvertement, à l’antenne d’une matinale du service public, le parti d’un homme qui dénigre ces mêmes causes », s’était-elle insurgée (BFMTV, 14 mars 2023).

En septembre de la même année, Magali Berdah a été placée en garde à vue et mise en examen pour des malversations financières qui auraient été commises du temps où elle était directrice commerciale de la société de courtage BA & CO. Celle-ci a été placée en liquidation judiciaire, pour un passif de 2,5 millions d’euros. Un feuilleton judiciaire qui s’est partiellement soldé par une relaxe des accusations de banqueroute et blanchiment, par le tribunal de Nice, le 25 novembre 2024, rapporte France 3 Provence Alpes Côte d’Azur. En revanche, sa mère, gérante de BA&CO et à ce titre déjà condamnée par le tribunal correctionnel à rembourser plus de deux millions d’euros, a été condamnée à 18 mois de prison avec sursis.

Des dizaines d’affaires en cours

Actuellement en redressement judiciaire, l’agence Shauna Events est en difficulté, avec de nombreuses dettes desquelles il semble difficile de se dépêtrer. « Il y a beaucoup de gens qui ont signé des contrats mirobolants et qui n’ont jamais été payés. Beaucoup, beaucoup », assure à Off Investigation l’avocat Tom Michel en charge de plusieurs affaires opposant ses clients à Magali Berdah. Plusieurs dizaines de créanciers auraient ainsi entamé des démarches vis-à-vis de cette dernière. A la base de ces ennuis, un système de type « minimum garanti » proposé par Magali Berdah aux influenceurs, qui leur assure un retour financier de base, avec ou sans placement de produit. « Absolument contraire à tout sens d’économie », pointe l’avocat, pour qui le destin de Shauna Events « va être réglé dans les prochaines semaines ». Contactée à ce sujet, l’entrepreneuse ne nous a pas répondu.

« La galaxie Berdah est beaucoup plus large que le simple Shauna Events qu’on lui connaît », explique l’avocat Tom Michel. « Il y a par exemple une entreprise qui s’appelle Sublim Talent. C’est en fait vraiment l’établissement qui fonctionne ». Créée en 2018, cette société est là aussi au centre de plusieurs batailles judiciaires. Après des plaintes de deux influenceurs, Emma Paris et Vlad Oltean, le tribunal de commerce de Paris a condamné, en janvier 2023, Sublim Talent et Shauna Events à verser 1,8 million d’euros pour « rupture abusive de contrat » et « non-paiement des factures émises », selon L’Obs. C’est Magali Berdah elle-même, d’après les deux influenceurs, qui aurait été à la manœuvre sur le dossier, au mépris de l’interdiction d’exercer prononcée en 2019. Au mois de juillet 2023, ils dénoncent à nouveau des faits d’« escroquerie », de « violation de l’interdiction de gérer », d’« abus de faiblesse », de « présentation de comptes infidèles », et d’« escroquerie au jugement ». Ce qui pousse le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire le 30 janvier 2024, qui a été confiée à la brigade financière.

Magali Berdah entend aujourd’hui concréti­ser un objectif de longue date, qui n’est autre que de s’étendre à l’international. En octobre 2024, l’agence revendique un ­catalogue de 990 créateurs de contenu à travers le monde. Si la fondatrice incarne toujours Shauna Events dans les médias, c’est son époux, entré à l’agence en 2019 pour se charger des relations commerciales, qui la gère désormais. Depuis fin 2022, l’entreprise est contrôlée par MB CONSEIL, une société là aussi fondée par Magali Berdah et présidée par son époux, Stéphane Teboul. Des affaires de famille dont les ramifications ne semblent pas prêtes de s’éteindre. « Procédure collective en cours », peut-on lire sur la page Pappers entreprises de la société MB CONSEIL.

MB CONSEIL
Le site pappers.fr mentionne une procédure collective en cours pour la société MB CONSEIL.

Magali Berdah pressentie au gouvernement ?

Pour compléter cet étonnant curriculum vitae, Magali Berdah se rêverait-elle en ministre ? Le 21 avril 2022, en pleine campagne présidentielle, l’influenceuse diffusait sur sa chaîne YouTube des interviews exclusives de différents prétendants au palais de l’Élysée. Dont celle du président sortant Emmanuel Macron. L’échange se termine par cette question, posée l’air de rien : « Je pourrais peut-être être votre ministre des réseaux sociaux ? » « Pas avant l’élection », éludait son interlocuteur, rappelant le rôle de Cédric O, alors secrétaire d’État chargé du numérique.

La femme d’affaires avait fini par répondre aux rumeurs sur C8. « J’ai un travail qui est prenant. Quand on est ministre, il faut s’y consacrer à 100%. J’ai ma boîte qui tourne bien. Pourquoi j’ai dit ça ? Parce que je savais que ça allait faire rire tout le monde et je voulais mettre la lumière sur cette cause ». Le président lui aurait également vaguement promis de la recevoir, « pour discuter de la création de quelque chose ». Selon nos informations, le nom de Magali Berdah aurait effectivement circulé au sein du gouvernement comme secrétaire d’État. Étonnant à la suite de tels déboires judiciaires ? Pas forcément. « Si des gens trouvent un intérêt à passer à travers des influenceurs, qui ont une capacité à monnayer, la part de responsabilité des hommes politiques dans ce jeu-là est de choisir des influenceurs qui ont une éthique, la plus proche de celle des journalistes », rappelle Christophe Reille, maître de conférences en techniques de communication à l’Institut d’études politiques de Paris. Un code moral qui semble trouver ses adeptes à Matignon. « Elle a quand même beaucoup de casseroles mais elle s’en sort à chaque fois », conclut de son côté Tom Michel, l’avocat qui défend toujours plusieurs clients face à Magali Berdah. Là encore, ni Magali Berdah, ni Prisca Thevenot (ex-porte-parole du gouvernement) n’ont donné suite à nos sollicitations.

De Sandrine Rousseau à Julien Odoul, les controverses autour de « la reine de l’influence » n’ont pour l’heure pas refroidi les députés qui ont participé à cette nouvelle websérie, inaugurée par l’entourage de Gabriel Attal. L’apparition de ce dernier dans l’épisode de Prisca Thevenot fait écho à la fabrique médiatique d’un homme présidentiable, soigneusement alimentée par différentes marques de presse privées, ainsi que par le service public de l’information. Des unes et des sondages flatteurs, un documentaire sur C8 consacré à son ascension, des journalistes conquis par son énergie politique… A l’approche de 2027, Gabriel Attal fait en effet l’objet d’un véritable engouement médiatique.

Berdah à Odoul : « T’es quand même très beau gosse »

berdah odoul
Magali Berdah félicite Julien Odoul pour son physique  | Capture d’écran YouTube

Partagé le 20 février sur YouTube, l’épisode « 24H AVEC JULIEN ODOUL » présente, comme avec Prisca Thevenot, une conversation où chacun se tutoie. Les brouilles du passé laissent place à de généreuses flatteries, y compris sur le physique. « T’es quand même très beau gosse », ira jusqu’à lâcher la femme d’affaires à son interlocuteur, après avoir accroché au mur, sous un écusson de CRS, une photo de Julien Odoul à moitié dénudé (un cliché réalisé dans sa jeunesse, à l’époque où il s’était essayé au mannequinat), se délectant de son « beau torse ».

Fait notable, lorsqu’il est invité à s’exprimer sur ses pairs, Julien Odoul montre une attention toute particulière à… Prisca Thevenot, avec qui il confie pouvoir « rigoler ». A quel propos, on ne le saura pas. Mais s’il y a bien un sujet qui rallie les deux élus, c’est leur haine assumée pour la France insoumise, qu’ils s’accordent tous deux à considérer comme « le parti politique le plus dangereux » de l’Assemblée nationale. L’engagement de LFI pour la cause palestinienne pousse ainsi Julien Odoul à qualifier le parti d’« antisémite » ou encore d’« ennemi de la République », sans que ces accusations ne soient reprises ou nuancées par son interlocutrice.

La complicité affichée entre Julien Odoul et Magali Berdah dans cet épisode fait écho à une photo partagée fin 2024 par le député RN, aux côtés de la femme d’affaires, à l’occasion d’une soirée organisée dans le très cossu VIIIème arrondissement de Paris, en présence d’autres personnalités comme Meyer Habib, pour la cause d’un orphelinat israélien juif orthodoxe.

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