En France, le système d’accueil des naissances repose sur l'idée que les femmes et leurs bébés risquent de mourir si l’accouchement a lieu en dehors du contrôle médical. Une logique patriarcale en vigueur depuis cinq siècles, insinuant que la capacité des femmes à donner la vie dépendrait d’une élite médicale dominée par les hommes. Cette croyance insidieuse a si bien infusé dans notre société qu’elle nous fait presque oublier que les femmes sont biologiquement faites pour donner la vie.
Dans l’inconscient collectif, le corps médical accouche les femmes. Il les sauve, tout comme il sauve leurs bébés. Pourtant, en France, environ 80% des accouchements sont à "bas-risque". Cette surreprésentation du danger lié à l’accouchement n’a pas toujours existé. Elle émerge vers la fin du Moyen-Âge, lorsque l’Église et l’État, alors en pleine chasse aux sorcières, décident d’encadrer les naissances sous prétexte de lutter contre les infanticides. Les accoucheuses – des sœurs, des mères, des tantes expérimentées – sont soupçonnées de connaître des techniques d’avortement et des remèdes contraceptifs. Elles sont accusées de sorcellerie par les autorités au pouvoir, qui s’appuient sur la morale religieuse pour justifier leur besoin d’encadrer les pratiques périnatales.
L’accouchement, qui est jusqu’alors exclusivement une affaire de femmes, devient celle des hommes qui se mettent à l’étudier, à en faire une science écrite et à l’enseigner. Les accoucheuses qui ne peuvent suivre ces enseignements faute de maîtriser le latin sont soit jetées au bûcher, soit mises à l’écart, moquées et considérées comme ignorantes malgré leur longue expérience. Elles sont placées sous surveillance de sage-femmes assermentées par l’Église, elles-mêmes supervisées par des médecins.