Interrogé par Off-investigation, Kristinn Hrafnsson, actuel rédacteur en chef de WikiLeaks, est revenu sur le passé houleux entre la structure fondée par Julian Assange et ses anciens partenaires médiatiques. Après avoir travaillé deux décennies au sein de médias traditionnels, ce journaliste islandais remet en cause le professionnalisme de certains d’entre eux.
Le 1er octobre au Conseil de l’Europe, Julian Assange a témoigné publiquement, pour la première fois depuis sa libération, devant les membres de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Lors de son audition, le fondateur de WikiLeaks a notamment répondu à la question du parlementaire croate Ivan Racan : « Si vous pouviez revenir dans le passé, referiez-vous tout de la même façon ? Sinon, que feriez-vous différemment ? »
Soulignant que cette question renvoyait à celle du libre-arbitre, le journaliste australien a tout d’abord expliqué que ses actions avaient toujours été déterminées d’une part par les nombreuses précautions à prendre en matière de protection de ses sources, d’autre part, par les moyens limités de WikiLeaks. Il a ensuite estimé qu’il y avait « plusieurs partenaires médiatiques » qu’il aurait « peut-être pu choisir différemment », sans donner plus de détails.
Présent à cette audience historique qui s’est déroulée à Strasbourg, Off-investigation a interrogé le journaliste islandais Kristinn Hrafnsson (actuel rédacteur en chef de WikiLeaks) sur ces propos de Julian Assange. Pour rappel, au cours de la précédente décennie, plusieurs grands journaux occidentaux ayant collaboré avec WikiLeaks s’en sont désolidarisés au moment où la structure et certains de ses membres se sont retrouvés dans le viseur de l’administration étasunienne.
Kristinn Hrafnsson, actuel rédacteur en chef de WikiLeaksJ’ai passé 20 ans dans les médias traditionnels […], j’ai été frappé de voir à quel point [certains de nos partenaires médiatiques] étaient plus laxistes que Julian Assange.
« Je pense que je ne vais citer aucun nom… Ceux qui connaissent l’histoire de WikiLeaks depuis 14 ans et ses collaborations houleuses avec des médias traditionnels, savent probablement à qui la critique [de Julian] s’adressait », a tout d’abord répondu le journaliste d’investigation islandais, avant de dénoncer ce qu’il a décrit comme « un faux récit » entretenu par certains des médias en question.
De gauche à droite : Stella Assange (la femme de Julian Assange) et Kristinn Hrafnsson, actuel rédacteur en chef de WikiLeaks.
« Le discours selon lequel [les médias traditionnels] apportaient du professionnalisme [à WikiLeaks] est un faux récit. J’ai passé 20 ans dans les médias traditionnels avant de rejoindre WikiLeaks et d’y prendre part pleinement. J’ai été frappé de voir à quel point [ces médias] étaient plus laxistes que Julian. À un moment, nous avons dû retarder la publication de documents sur la guerre en Irak de deux semaines parce que nous n’avions pas terminé notre processus de rédaction, qui était extrêmement précautionneux et professionnel. Nos partenaires médiatiques, parmi les plus connus, comme The Guardian, s’y sont opposés. Ils estimaient en avoir fait assez [mais] Julian a insisté ! », a entre autres déclaré Kristinn Hrafnsson.
💥AFFAIRE ASSANGE : WIKILEAKS DÉNONCE «LE FAUX RÉCIT» DE CERTAINS MÉDIAS
— Off Investigation (@Offinvestigatio) October 3, 2024
👉Nous avons interrogé @khrafnsson, actuel rédacteur en chef de @wikileaks, sur le passé houleux entre la structure fondée par Assange et ses anciens partenaires médiatiques.
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Le laxisme du célèbre journal britannique ici dénoncé par le journaliste islandais, avait déjà été signalé en 2011, après la divulgation par The Guardian de mots de passe permettant d’accéder à certains télégrammes de la diplomatie américaine, non expurgés et non publiés par WikiLeaks.
L’intervention de Julian Assange au Conseil de l’Europe a fait l’objet d’une retransmission traduite en français sur la page YouTube des mutins de pangée, une coopérative de production audiovisuelle impliquée depuis plusieurs années dans la couverture de la persécution du fondateur de WikiLeaks. Au lendemain de son audition par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, le journaliste australien s’est vu accorder par l’institution le statut de prisonnier politique au Royaume-Uni, où il a passé plusieurs années dans une prison de haute sécurité, alors qu’il n’avait aucune peine à y purger. Cet événement a été relaté plus en détails sur le site du comité français de soutien à Julian Assange.
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