Florence Autret
Sous la présidence Macron, les subventions publiques aux journaux ont pris des proportions inédites. Menée au nom du « pluralisme », cette mise sous perfusion de titres comme Les Échos ou le Parisien (Bernard Arnault), Libération ou l'Express (Patrick Drahi), Le Monde, L'Obs ou Télérama (Xavier Niel) ou le Figaro (Groupe Dassault) se fait au mépris des principes élémentaires de transparence et d’équité. Quant aux " États généraux du droit à l'information " promis par le président, ils semblent remis aux calendes grecques.
C’était une promesse de campagne du président-candidat Macron : les « États généraux du droit à l’information » seraient l’occasion de garantir « une presse indépendante qui puisse offrir une information de qualité ». Mais les mois passent, et cet « exercice ouvert », annoncé pour « novembre », puis décembre, puis « bientôt », commence à prendre des allures d’arlésienne. En attendant, OFF s’est penché sur l’un des tabous de la presse française : les aides considérables que lui verse l’État au nom, soit disant de "l’indépendance" et du "pluralisme".
“Libé”, “L’Huma” et “La Croix” captent la moitié des aides au pluralisme
Aux racines de ce système, les ordonnances de 1944 – adoptées à la Libération par un gouvernement qui comptait des gaullistes comme des communistes – devaient arracher la presse aux « puissances de l’argent » et garantir indépendance et qualité de l’information, y compris par des avantages fiscaux. Quelques décennies et une révolution technologique plus tard, cette politique se traduit par un flux annuel de subventions qui s’élevait en 2021 (derniers chiffres publiés par le ministère de la Culture) à 91 millions d’euros, 390 millions pour la période 2015-2021. Avec les aides à la distribution, proportionnelles aux ventes papier, on parle d’un demi-milliard d’euros de subventions en sept ans, auquel s’ajoutent la TVA à taux réduit et la compensation des tarifs postaux réduits directement versée à la Poste.
Sur ce pactole, 116 millions doivent garantir le « pluralisme ». Sauf que sur les centaines de titres de presse aidés, trois seulement ont reçu 55% de cette enveloppe : Libération (20,7 millions), La Croix (20,6) et l’Humanité (21,7).
En mai 2017, alors propriété de Patrick Drahi, Libération appellait explicitement à voter pour Emmanuel Macron (photo DR)
Si on ajoute le jeune quotidien L’Opinion (5,7) et l’hebdomadaire Marianne (2), cette proportion dépasse 60%. Comment une telle concentration de l’effort budgétaire est-elle possible au nom du « pluralisme » ? L’explication se trouve dans la clé de répartition.
Le très libéral “l’Opinion” subventionné à outrances
Historiquement, « ces aides étaient conditionnées au fait que les recettes publicitaires étaient inférieures à 25% des recettes générales » pour les quotidiens nationaux, explique Valérie Robert, maîtresse de conférence à la Sorbonne Nouvelle et spécialiste et spécialiste du secteur de la presse en France et en Allemagne. Dans le jargon, on parle de « QRFP » (Quotidiens à Faibles Recettes Publicitaires). Le ministère de la Culture ne fournit pas le détail du calcul de ces dotations faites à l’euro près. Mais, malgré la réforme de 2017, leur extrême concentration perdure.