Arcom : Les « impuissants » de la République

L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) auditionnait publiquement du 8 au 17 juillet à son siège parisien 24 chaînes de télévisions candidates aux 15 fréquences de la Télévision Numérique Terrestre (TNT).  CNews et C8, propriétés du milliardaire Vincent Bolloré, sont particulièrement scrutées pour avoir violé à de nombreuses reprises leurs conventions de diffusion. Mais bien que l'audition de C8 se soit tenue dans une ambiance tendue, le passé politique du président de l'Arcom (voir encadré), ainsi que ses récentes prises de parole incitent à penser que le "gendarme de l'audiovisuel" va renouveler les fréquences TNT des télés Bolloré. Quitte à adouber également le MediaTV ?

En 2023, suite au refus de l’Arcom de mettre en demeure la chaîne Cnews pour manquement à ses obligations d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme, l'ONG Reporters sans frontières saisissait le Conseil d'Etat. Jusqu’à présent, le pluralisme dans les médias était "contrôlé" en se limitant à l’analyse des personnalités politiques interviewées. Le 13 février dernier, la plus haute juridiction administrative demandait à l’Arcom de réexaminer le respect du pluralisme et de l’indépendance par Cnews. Désormais, le Conseil d’État demande au gendarme de l’audiovisuel d’élargir le contrôle du pluralisme à tous les intervenants des émissions. 

Le Conseil d’État enjoint l’Arcom à "mieux contrôler le pluralisme" 

Dans une longue interview à La Tribune Dimanche le 18 février 2024, Roch-Olivier Maistre analysait cette décision du Conseil d’État, véritable coup de tonnerre dans le landerneau médiatique parisien, comme une « lecture renouvelée » de la loi de 1986. Cette loi sur la liberté de communication, impute aux chaînes de télévision d’ « assurer l’honnêteté, le pluralisme et l’indépendance de l’information ».

Mais l'Arcom ne précisait pas comment elle allait appliquer concrètement cette nouvelle jurisprudence du Conseil d'Etat. Pour beaucoup d'observateurs, ce pourrait enfin être l'occasion d'imposer le respect du pluralisme politique aux médias du groupe Bolloré (C+, Cnews, C8, ...), connus pour leur ligne éditoriale favorable à l'extrême droite. Pointant pour leur part la difficulté d'application de la décision du Conseil d'Etat, les médias Bolloré ont dénoncé sans nuance durant plusieurs jours "une entrave à la liberté de la presse et d’expression".

Une "Police de la pensée ?"

Dans son interview à La Tribune-Dimanche, Roch-Olivier Maistre se voulait rassurant : « Il n’y aura pas de catalogage des journalistes et invités. L’Arcom n’est ni la police de la pensée, ni un tribunal d’opinion ». Il ajoutait que les temps d’intervention des diverses opinions politiques seraient mesurés dans le respect de la ligne éditoriale des médias. Il y aura, selon lui, un faisceau d’indices : quelles sont les thématiques traités ? Qui sont les intervenants ? Y a-t-il une pluralité ? 

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