Où va l’argent récolté avec les amendes des radars automatiques ? Il y a vingt ans, au moment de leur mise en place, l’État s’était engagé à ce qu’il finance les dépenses de sécurité routière. Mais on est loin du compte : l’exécutif réattribue ces fonds comme bon lui semble.
En 2003, c’est un Nicolas Sarkozy prudent qui inaugure le premier radar automatique de France, à la Ville-du-Bois (91). Quelques heures plus tard, la cabine est vandalisée. Bien conscient que les Français n’apprécient guère ces mouchards qui prolifèrent au bord des routes, l’exécutif cherche à rassurer : en 2006, un compte d’affectation spéciale (CAS), c’est-à-dire une niche au sein du budget général de l’État, est mis en place pour gérer l’argent récolté. Le dispositif est destiné à apporter de la transparence : les recettes de ce compte « Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route » sont censées ne provenir que des amendes radars, et ses dépenses doivent être exclusivement consacrées à l’amélioration de la sécurité routière.
Dix sept ans plus tard, le produit des amendes pour excès de vitesse et infractions au code de la route a explosé : 1,5 milliards d'euros ! un pactole si gigantesque que l'État s'en sert souvent pour autre chose que renforcer la sécurité routière. La Cour des comptes a chiffré le phénomène en avril dernier : « Les dépenses de sécurité routière du compte d’affectation spéciale ne représentent […] que 54 % des recettes des amendes de la circulation ». En clair, contrairement aux promesses de l’exécutif, près de la moitié de l’argent que nous payons à l’État à cause des radars sert à autre chose qu’à améliorer la sécurité routière. Du coup, la Cour des comptes réclame depuis plusieurs années une suppression pure et simple de ce prétendu « compte d’affectation spéciale ».
Hervé Mariton, ex-député Les Républicains et autrefois rapporteur spécial du budget des transports à l’Assemblée, explique : « La motivation initiale était politique. Si l’on veut renforcer l’acceptation des radars, il faut tordre le cou à l’idée de la “pompe à fric”. Mais, ajoute celui qui est aujourd’hui président de la Fédération des entreprises d’outre-mer, « l’État fait le choix de financer la sécurité routière avec d’autres budgets que les amendes radars, et prélève le compte d’affectation spéciale pour des choses qui n’ont rien à voir avec la sécurité routière. C’est un peu curieux ».
Financement de la dette
C’est qu’au fil du temps, il est devenu tentant pour l’exécutif de se servir dans les centaines de millions d’euros générées par les radars.
En 2011 est apparu le « programme 755 » dont l’intitulé, « Désendettement de l’État », ne laisse que peu de place au doute quant à son absence de lien avec la sécurité routière. Ce sont 5,4 milliards d’euros de recettes des amendes qui ont été directement détournés pour financer la dette publique entre 2011 et 2022. L’an dernier, le désendettement a représenté 40 % (plus de 611 M€) des crédits de paiement du CAS.