Dans l’ouvrage « Cher Canard », Christophe Nobili, qui officie depuis 2005 au sein du Canard Enchaîné, dresse un portrait peu flatteur du célèbre volatile, qui aurait mal vieilli. La direction de l'hebdomadaire satirique n’a pas aimé : le journaliste a été mis à pied et son salaire gelé, puis il a été l'objet d'une procédure de licenciement (refusée le 17 mai dernier par l'inspection du travail). Amis de la liberté d’expression, bonjour !
C’est avec un certain malaise que l’on referme « Cher Canard », le livre-témoignage du journaliste du Canard Enchaîné Christophe Nobili. Non parce que le livre a parfois l’expression un peu facile ou parce que l’on peine à croire aux coulisses de l’enquête sur les emplois fictifs de Pénélope Fillon. Plutôt parce qu’on a l’impression que Nobili, un gars de toute évidence droit comme un i est en train de se faire hara-kiri sous nos yeux.
Il commet en effet un crime de lèse-Canard en, pardon pour l’expression, chiant dans les plumes du volatile le plus connu de France. Comment ? En lançant l’alerte sur un croquignolesque fait divers interne : flingueur de François Fillon en 2017, le Canard Enchainé abritait en réalité une Pénélope en son sein ! En l’occurrence l’épouse du dessinateur et châtelain nonagénaire André Escaro. Payée des décennies durant pour des tâches que l’on peine à identifier, la Pénélope du Canard n’a rien à envier à celle de la Sarthe. Tout au long de sa ‘carrière’, elle a empoché un peu plus 1,5 million d’euros. Ce qui, charges incluses, a coûté la bagatelle de 3 millions d’euros au Canard.
« Poutine et Medvedev » font la loi
Tout au long de ses 247 pages de témoignage, Christophe Nobili dresse le portrait de l’intérieur d’un titre de presse emblématique qui a mal vieilli. On découvre qu’il est dirigé d’une main de fer par deux hommes ayant largement dépassé l’âge de la retraite même après la réforme de Macron : Michel Gaillard (79 ans) et Nicolas Brimo (72 ans).
Nobili situe en ces termes leur exercice du pouvoir, figé depuis des lustres : « il [le vrai pouvoir] est surtout articulé autour de trois postes : celui de président, celui de directeur et celui d’administrateur délégué. Gaillard occupe le premier, Brimo cumule les deux autres. Depuis ses trois fauteuils, le tandem pilote l’ensemble du Volatile, contrôle la totalité de ce qu’une entreprise traditionnelle appelle les directions financière, administrative, juridique, des ressources humaines et du patrimoine.(…) A l’été 2017, lors d’une assemblée générale, Gaillard a solennellement cédé son siège de directeur à Brimo, pour s’installer dans un nouveau trône de pédégé. » Un fonctionnement autocratique qui avait alors arraché ce cri du cœur à l’ancienne journaliste du Canard et actuelle contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simmonot : « Ah, c’est comme Poutine et Medvedev en fait ! ».