Voilà presque dix ans qu’une timide possibilité de « recours collectifs » a été introduite dans le droit français. De nature à gêner les industriels et autres acteurs du monde économique, ces procédures aussi appelées « actions de groupe » sont un échec cuisant. Une proposition de loi censée les rendre opérationnelles est aujourd’hui bloquée au Sénat. Dans le scandale des "casse moteur" chez Renault et Stellantis, le salut pour les consommateurs viendra-t-il de l’étranger ?
Désormais retiré de la politique au niveau national, le socialiste Benoit Hamon a laissé son nom à l’un des plus beaux échecs de la vie législative française : la fameuse « loi Hamon » du 17 mars 2014. Cette loi sur la consommation, connue pour avoir autorisé les consommateurs à changer d’assureur au bout d’un an, était également censée favoriser l’émergence d’actions de groupe « à la française » (c’est à dire plus restrictives que les très efficaces « class-actions » autorisées aux Etats-Unis).
De ce point de vue, la loi Hamon n’a en réalité servi à rien ou presque : en France, seulement 32 actions de groupe ont été tentées en 9 ans ! La plupart de ces actions n’ont mené à aucun résultat tangible. Seules 6 procédures ont débouché sur un résultat positif tandis qu’en décembre 2022, la Cour de cassation a définitivement entériné la défaite de l’UFC Que Choisir face au réseau immobilier Foncia. Tout un symbole.
Porteuse d’une proposition de loi rédigée avec son collègue LR de la Manche Philippe Gosselin visant justement à remettre en selle l’action de groupe, la députée Modem de Clermont-Ferrand Laurence Vichnievsky confirme : « le bilan était et demeure décevant ». En cause : une trop grande « complexité juridique » mais aussi le fait qu'en France, « seules 16 associations sont agréées pour mener des actions de groupe et certaines d’entre elles n’en ont toujours pas les moyens ».
Un point de vue partagé par Maria José Azar-Baud, avocate et maître de conférences spécialiste des actions de groupe, qui avait signé une tribune collective dans Le Monde en mars dernier : « Les budgets des associations de consommateurs ont diminué de 40% entre 2010 et 2020. Elles ne disposent pas des capacités financières pour assumer des contentieux longs, complexes et risqués » avait alerté celle qui est aussi la présidente de l’Observatoire des actions de groupe.
Voilà qui explique en partie les raisons pour lesquelles dans le scandale des milliers de moteurs Renault et Stellantis défectueux, l’avocat Toulousain Christophe Lèguevaques ne poursuive pas Renault –et sans doute bientôt Stellantis- via une action de groupe, mais au moyen d’une « action collective conjointe ».
Voir aussi : Moteurs défectueux : quand Renault et Stellantis lâchent leurs clients
Selon lui, l’action de groupe ne fonctionne pas car « la procédure mise en place est une double procédure. Il faut d’abord démontrer la faute, ce qui prend environ 10 ans. Mais une fois que celle-ci est bien déterminée, il faut effectuer un retour au tribunal pour évaluer le préjudice : c’est de nouveau 15 ans de procédure » fait-il observer, avant de lâcher ce que tout le monde pointe à propos des class actions à la française: « L’action de groupe est conçue pour ne pas fonctionner ».