Depuis septembre 2023, la CGT a recensé 132 plans de licenciements, en bonne partie dus à des délocalisations. Mais pour lutter contre le chômage, pas question de conditionner les aides publiques aux entreprises (170 milliards en 2023) à la continuité de leurs activités en territoire français. Le gouvernement vient de dévoiler sa solution miracle pour le plein emploi : affaiblir davantage les droits des chômeurs.
Soixante mille. Ceci est le nombre d’emplois supprimés ou fortement menacés par 132 plans de licenciements en cours dans toute la France, selon la CGT. « Ce qui est inédit, c’est que tous les secteurs économiques sont concernés », explique Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT. Dans un communiqué, le syndicat dirigé par Sophie Binet mentionne les analyses du groupe privé Altares, qui publie régulièrement des statistiques concernant les entreprises françaises. Ce dernier estimait récemment que la somme des défaillances (qualifiées par l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire) de 2023 et 2024 pourrait atteindre le niveau record de la crise économique de 2008.
« Toutes les prévisions disent la même chose : le chômage va augmenter cette année », s’inquiète Denis Gravouil. D’après lui, les cotisations patronales qui financent le Fond de Garantie des Salaires (AGS) risquent de doubler cette année pour garantir le paiement de salaires, et d’éventuelles indemnités aux salariés concernés par ces défaillances. C’est dans ce contexte que Gabriel Attal a annoncé, le dimanche 26 mai, un énième durcissement des règles de l’assurance chômage. C’est le troisième de ce quinquennat. À partir de décembre 2024, la durée d’affiliation (période de travail nécessaire pour bénéficier des allocations) augmentera de 6 à 8 mois, et la période indemnisée sera réduite de 18 à 15 mois.
Un manque de stratégie de long terme pour l’emploi
Parmi les causes des 132 plans de licenciements en cours : des délocalisations. Dans le secteur automobile, deux des sous-traitants du groupe Stellantis sont concernés. En avril dernier, MA France et Valeo ont annoncé respectivement la suppression de 400 et 235 emplois. En raison de la délocalisation de sa production d'embrayages en Turquie, Valeo avait déjà supprimé 89 postes sur son site d’Amiens en 2023. Cet équipementier automobile prévoit d’embaucher 3000 ouvriers en Inde dans les cinq prochaines années. En parallèle, il prévoit de supprimer près de 1150 postes ailleurs dans le monde.
D’après Denis Gravouil, les donneurs d’ordre (comme par exemple les constructeurs automobiles) préfèrent laisser tomber leurs sous-traitants français, plutôt que d’investir dans l’adaptation de leurs usines à la transition écologique. Par exemple, de nombreuses fonderies qui produisent des pièces pour des véhicules diesel sont en train de fermer. Elles auraient pu être converties dans la production de pièces de voitures électriques.
La création en 2023 d’une méga-usine de batteries pour véhicules électriques dans le Pas-de-Calais (l’usine Automotive Cells Company) ne suffira pas à compenser les emplois supprimés par les délocalisations, selon le syndicaliste. Il dénonce l’absence d'engagement du gouvernement dans une stratégie de relocalisation et de création d’emplois durables dans l’hexagone : « La transition écologique nécessite un plan d’investissements de long terme, notamment pour modifier les compétences des salariés. On est très critique de la vision de court terme du gouvernement », explique Denis Gravouil.