Pour « libérer l’information », une centaine de médias indépendants (dont OFF Investigation) et d’organisations de défense de l’info travaillent d’arrache pied depuis des semaines pour organiser des « États généraux de la presse indépendante » (EGPI). Répartis dans quatre groupes de travail, ils ont tiré de leur réflexion 59 propositions, avec pour objectif de « libérer l’information des milliardaires, des pouvoirs politiques et des médias de la haine ». Voici les 16 propositions les plus populaires et en PDF, la liste complète qui sera présentée lors d’une dizaine de soirées organisées le 30 novembre dans toute la France.
Difficile de choisir entre 59 propositions de réforme de la presse, élaborées par quatre groupes de travail puis discutées et amendées collectivement. Nous avons tenté de le faire en procédant à une consultation numérique durant trois jours, du 24 au 27 novembre, de la centaine de médias et organisations qui participent aux États généraux de la presse indépendante. Peu de désaccords s’étaient exprimés (voir notre document général). Cette fois, il s’agissait de choisir les propositions préférées du plus grand nombre. Les voilà, découvrez-les en ayant en tête qu’elles s’inscrivent dans un projet de réforme plus large de notre système d’information.
I. Concentration, actionnariat, droits des rédactions
1 – Refondre complètement la loi de 1986. Renforcer, en les abaissant, les seuils de concentration des médias. Intégrer pour leurs calculs l’ensemble des supports papiers et numériques et supprimer le critère de périodicité.
3 – Ces seuils limitant la concentration des médias doivent s’appliquer au niveau national, mais aussi au niveau régional pour assurer un pluralisme de l’information locale.
6 – Doter l’équipe rédactionnelle d’un média d’une personnalité juridique, qui lui confère un droit d’opposition en matière éditoriale lorsque son indépendance est mise en cause par un actionnaire, par la direction ou par un annonceur. Ce droit collectif complète les droits individuels des journalistes : clause de conscience, de cession.
9 – L’accès aux aides publiques est conditionné au respect du droit d’agrément donné aux équipes rédactionnelles (sur la nomination de la direction de la rédaction ou de la rédaction-en-chef).
11 – Publication des noms et liens d’intérêts des actionnaires directs et indirects, des dirigeants et des personnes physiques qui les contrôlent. La publication des pactes d’actionnaires doit être encouragée. Ces informations doivent être facilement accessibles au public.
II. Renforcer le droit à l’information
17 – Le délit de presse n’a pas sa place devant les tribunaux de commerce. Il faut prévoir des immunités de poursuites civiles (notamment dénigrement commercial, secret des affaires) et empêcher les poursuites en référés visant à censurer avant toute publication des contenus journalistiques.
21 – Consacrer et élargir un droit d’accès aux informations d’intérêt général, y compris lorsque celles-ci sont détenues par des acteurs privés.
25 – Redéfinir la notion de secret des affaires et restreindre son champ d’application en élargissant le champ des exceptions au secret, et en prévenant clairement son utilisation contre des journalistes.
27 – Limiter le champ des exceptions au secret des sources (« l’impératif prépondérant d’intérêt public » de la loi de 2010, ou le motif de « sécurité nationale » du projet de European Media Freedom Act).
III. Contre la précarisation des journalistes
31 – Contraindre les entreprises de presse à respecter le droit du travail (paiement en retard, recours à l’auto-entreprenariat ou au CDDU, recours à l’intermittence…), notamment en alourdissant les amendes pour les entreprises qui pratiquent ces formes de travail dissimulées. Exiger, dans le cas d’un usage de plus de quatre mois, la requalification en CDI d’office.
34 – Se pencher sur la situation des pigistes correspondants à l’étranger. Appuyer le travail en cours à la suite du séminaire qui s’est tenu au Sénat et voter l’amendement proposé à la suite de ce travail.
35 – Augmenter les tarifs minimums de pige dans toutes les branches de la presse et imposer des minimums décents dans les branches où aucune grille n’existe, notamment le web. Pour la presse magazine, une première proposition évoque un tarif minimum à 65 € -70 € brut le feuillet contre 53€ brut aujourd’hui.
43 – Rendre obligatoire pour tous les responsables hiérarchiques les formations sur les discriminations racistes, LGBTphobes, sexistes (sur le modèle de ce que fait le CNC). De nombreuses associations ressources existent comme l’AJAR, Prenons la une, Association des Femmes Journalistes de Sport et l’AJL.
IV. Réformer les aides publiques à la presse
46 – Les médias qui ne respectent pas les obligations légales (les sanctions sont aujourd’hui légères ou inexistantes) ne peuvent en bénéficier.
51 – Suppression des aides à la presse pour un média condamné pour propos sexistes, racistes, LGBTphobe, discriminatoires.
57 – les aides publiques directes à la presse doivent être fléchées exclusivement vers les médias indépendants, c’est-à-dire des médias contrôlés par leurs équipes ou n’étant pas la propriété d’un groupe dont l’activité principale n’est pas l’information.
Le livret numérique des 59 propositions des EGPI pour réformer la presse
Le streaming de la soirée des états généraux des médias indépendants organisée à Paris le 30 novembre 2023.