Comment Macron a failli ne pas dormir à Mayotte

Conférence de presse d’Emmanuel Macron à Mamoudzou (Mayotte) le 19 décembre 2024 (Photo Ludovic MARIN / POOL / AFP)

EXCLUSIF Suite au cyclone Chido qui a dévasté Mayotte, la visite d’Emmanuel Macron dans la région a tourné au fiasco. Il a été hué par de nombreux mahorais, puis a du annuler un projet d’escale à la Réunion, ou des images de lui en pleine fête locale promettaient d’être dévastatrices…

Emmanuel Macron a prolongé sa visite à Mayotte ce vendredi dans l’archipel dévasté par le cyclone Chido en « signe de respect et de considération », selon lui. « J’ai décidé de dormir ici parce que je considérais que compte tenu ce que vit la population », repartir le jour même aurait pu « installer l’idée qu’on vient, on regarde, on s’en va », a expliqué le  chef de l’Etat, jeudi soir, à la presse.

Ce scénario n’était pas prévu dans son emploi du temps. En réalité, l’Elysée voulait faire dormir le président de la république sur l’île de La Réunion, pour des raisons de sécurité et surtout, de confort, comme l’a appris Off Investigation. Les deux îles se situant à 2 heures et demi d’avion, le président aurait fait un somme réparateur dans la splendide préfecture de Saint-Denis, situé au cœur du quartier historique du Barachois, comme les ministres démissionnaires de l’Intérieur Bruno Retailleau et celui des Outre-Mer, Jean-Noël Buffet.

Lire aussi

|

Macron hué à Mayotte

De « nouvelles critiques » au chef de l’Etat

L’« hypothèse » envisagée un temps par l’Elysée a provoqué la stupeur à Saint-Denis, et notamment à la mairie où la socialiste Ericka Bareigts et son cabinet ont déconseillé au palais une telle visite. Et pour cause, le 20 décembre, l’île est à la fête pour la « Fet kaf », un jour férié propre au territoire qui célèbre l’abolition de l’esclavage. « C’est une grosse teuf », précise une source locale à la préfecture. Il y a une cérémonie officielle le matin mais ensuite c’est défilé d’associations, concerts, et de la bonne bouffe à profusion ». Bref, des images de fiesta qui auraient violemment contrasté avec l’actualité dramatique vécue par les Mahorais… et probablement valu de nouvelles critiques au chef de l’Etat, déjà visé par la colère des habitants de l’île tout au long de sa visite.

Emmanuel Macron a en effet dû répondre aux accusations des Mahorais, qui considèrent que la puissance publique les a depuis longtemps abandonnés. Lorsque le président de la République a rejoint la petite commune de Pamandzi, dans la soirée, une foule de femmes l’attend aux cris de « Macron, démission ! ». La séquence, filmée par plusieurs médias, fait le tour des réseaux sociaux. Elle fait suite à d’autres échanges non moins tendus qui ont jalonné le parcours du président sur place pendant ces deux jours de visite. Au point que le chef de l’Etat a montré des signes d’impatiences voire de fébrilité, faisant la leçon aux habitants: « N’opposez pas les gens ! Si vous opposez les gens on est foutu, parce que vous êtes contents d’être en France. Parce que si c’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! », s’est époumoné le président. « Il n’y a pas un endroit de l’océan Indien où on aide autant les gens », a-t-il encore plaidé sous les huées.

Les mots, d’une grande violence, ont choqué sur place. Stupéfaites, des habitantes lui ont répondu : « Il ne faut pas s’énerver contre nous, on n’a rien fait, on a mal, on a tout perdu ». La vulgarité de la réaction présidentielle a également été dénoncée en métropole, et notamment par les oppositions. « Un président ne peut pas dire ça », a réagit le patron du PS Olivier Faure sur X, tandis que Sandrine Rousseau a fustigé une « réaction pas à la hauteur ». « On a la plus grande catastrophe humaine depuis la Seconde Guerre mondiale et on est en train de faire un show de Macron », déplore la députée écolo sur France 2. Cet échange « se passe de commentaires », a pour sa part estimé le député LFI Eric Coquerel. Côté RN, le député Sébastien Chenu a estimé, sur RTL, que ces mots n’étaient pas de nature à « réconforter nos compatriotes mahorais qui, à travers ce genre d’expression, ont toujours le sentiment d’être traités à part ».

Des images « désastreuses » après Mayotte ?

En parallèle de ces tensions et maladresses, les Réunionnais ont dissuadé le palais de faire venir le président de la République passer sa nuit sur l’île en pleine fête, en lui expliquant que les images seraient désastreuses pour lui après le drame de Mayotte. Une hypothèse qui avait pourtant été sérieusement envisagée par l’Elysée. « Son entourage et la préfecture ont voulu le faire dormir à La Réunion, il a dit non », confirme un membre de la délégation présidentielle sous le sceau de l’anonymat. « Comme le président allait à Djibouti, c’est à 6h de Mayotte, il aurait pu dormir à La Réunion et participer aux festivités du 20 décembre, il a bien fait de ne pas le faire, s’il s’était barré de l’île (Mayotte pour dormir à la Réunion, ndlr), ça aurait été une catastrophe pour sa réputation », reconnaît notre source.

Le ministre démissionnaire des Outre-Mer, François-Noël Buffet, a eu moins de scrupules que le président de la République. Le ministre, qui suit les évènements positionné à La Réunion depuis sa visite à Mayotte lundi dernier, s’est offert un moment de répit à Saint-Denis entre deux interviews aux médias pour le « Fet kaf ». « Il veut être visible », le défend un soutien. Reste que pour lui comme pour Emmanuel Macron, Mayotte semble n’être jamais qu’un territoire de passage, où les dirigeants de métropole viennent sermonner les habitants au lieu de les aider.

Nous dévoilons les dérives de la politique et des médias, grâce à vous.

Fondé fin 2021 en marge du système médiatique, Off Investigation existe grâce au soutien de plus de 6000 personnes.
Résultat : des centaines d’enquêtes écrites déjà publiées sans aucune interférence éditoriale et douze documentaires d’investigation totalisant plus de 7 millions de vues !
Cette nouvelle saison 2024-2025, nous faisons un pari : pour maximiser l’impact de nos articles écrits, TOUS sont désormais en accès libre et gratuit, comme nos documentaires d’investigation.
Mais cette stratégie a un coût : celui du travail de nos journalistes.
Alors merci de donner ce que vous pouvez. Pour que tout le monde puisse continuer de lire nos enquêtes et de voir nos documentaires censurés par toutes les chaînes de télé. En un clic avec votre carte bancaire, c’est réglé !
Si vous le pouvez, faites un don mensuel (Sans engagement). 🙏
Votre contribution, c’est notre indépendance.