Thierry Vincent
Seule membre du gouvernement a avoir été mise en examen par la Cour de Justice de la République (CJR) en septembre 2021 pour « mise en danger de la vie d’autrui », Agnès Buzyn était omniprésente ces derniers jours sur LCI, RTL ou France 5 pour défendre sa vérité sur sa gestion de la crise Covid (150 000 morts en France). Dans un journal écrit a posteriori, qui a été communiqué à la CJR et au Monde, elle affirme avoir alerté, en vain, Emmanuel Macron et Edouard Philippe sur la gravité de la situation, sans être entendue. Un récit accablant pour le pouvoir, mais qui ne dédouane pas l’ex ministre de la santé de ses propres errements.
C'est un pavé de 600 pages qu'a pu consulter le Monde et qui éclaire la gestion gouvernementale particulièrement désinvolte des trois premiers mois de la pandémie Covid 19.
Présenté comme un « journal de bord » rédigé par Agnès Buzyn « à postériori » (sic), il est censé relater au jour le jour les différentes actions et alertes de la ministre de janvier à mars 2020.
Précis et détaillé, ce document transmis à la Cour de Justice de la République révèle l’incroyable désinvolture qui prévalait à l’Élysée et à Matignon au début de la pandémie de Covid 19.
" J'ai prévenu, mais tout le monde s'en foutait "
Agnès Buzyn, ex ministre de la santé au début de la pandémie Covid 19
Agnès Buzyn raconte en effet avoir alerté les deux principaux personnages de l’état, Emmanuel Macron et Edouard Philippe, dès début janvier 2020. En vain. Avant tous ses collègues européens, affirme-t-elle, avant même que l'OMS ne commence à s'inquiéter, elle aurait tiré la sonnette d'alarme : " Non seulement j'avais vu mais prévenu. J'ai été, de très loin en Europe, la ministre la plus alerte. Mais tout le monde s'en foutait. ", écrit-elle.
E. Macron et E. Philippe aux abonnés absents
Dès le 11 janvier, elle envoie un premier texto au président de la République, demandant à s'entretenir avec lui de l'émergence d'une épidémie en Chine: " L’information ne figure pas encore dans les médias, mais ça peut monter ", lui précise-t-elle. Aucune réponse.
Le 25 janvier, elle envoie un nouveau message à Emmanuel Macron, inquiète de l'attitude trop "rassuriste" des institutions internationales : " l'OMS a pris la mauvaise décision de ne pas déclencher une alerte mondiale ", écrit-elle. Elle demande aussi à Edouard Philippe à pouvoir lui faire " un point dans la journée ". Lui non plus ne réponds pas.
A l’évidence, le sommet de l'état ne mesure pas la gravité de la situation. Emmanuel Macron ne prend même pas le temps de recevoir sa ministre de la santé. Après plusieurs relances, il finit par la rappeller, le samedi 8 février. Ce jour là, depuis une salle de cinéma, elle l’alerte sur un risque de fermeture des frontières, d’arrêts des vols, de perte de 10 points de PIB, et d’une mortalité importante, et ce durant plusieurs mois. Selon la ministre, il faut confiner la population, sinon, les hôpitaux français ne pourront pas absorber les cas graves qui risquent de se présenter.