Craquage de Hanouna face à Boyard : « une volonté de censure »

Louis Boyard et son avocate, le 17 décembre au Tribunal correctionnel de Paris | photographie Lalo Ponni

Le procès pour injures publiques de Cyril Hanouna, absent, a eu lieu le 17 décembre au Tribunal correctionnel de Paris. Un peu moins de trois heures d’audience se sont écoulées pour revenir sur le flot d’insultes que l’animateur vedette de C8 avait adressé fin 2022 au député insoumis du Val de Marne, Louis Boyard. Le jugement sera rendu le 20 février 2025.

Invité le 10 novembre 2022 sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste pour débattre du sort de migrants bloqués dans un bateau humanitaire, Louis Boyard avait décidé de pointer les causes, selon lui, de cette immigration. Entre autres, le député insoumis avait désigné comme responsable Vincent Bolloré, propriétaire de la chaîne C8 sur laquelle l’émission était diffusée en direct. Cette position lui avait valu un déversement de haine de la part de Cyrill Hanouna, dont cinq injures ont été retenues pour ce procès. Au cours de l’émission, Cyril Hanouna avait notamment insulté son invité d’« abruti », de « tocard », de « bouffon » ou encore de « merde », noyés dans une ambiance asymétrique : une dizaine de chroniqueurs derrière Hanouna et un public enjoué par la scène.

« Rappelle-moi tu étais chroniqueur d’où ? » Dans cette séquence, l’animateur mettait en cause à plusieurs reprises Louis Boyard en sa qualité d’ancien chroniqueur de TPMP au cours de l’année 2021, suggérant qu’il était mal venu pour lui de critiquer Vincent Bolloré.

Intérêt de la plainte

Le député, lui, assume « d’utiliser TPMP comme une tribune politique » depuis le début. Pour lui, là n’est pas la question. Si il porte plainte, c’est « qu’une question démocratique est en jeu ». Un argument développé par Jade Dousselin, avocate de Louis Boyard : « C’est au moment où il a fait de la politique que ça a choqué Monsieur Hanouna. Ce n’est pas le collègue ou l’ami que l’on vient insulter, il insulte celui qui vient nommer les choses, parce que l’on a pas le droit, on doit prêter allégeance », a-t-elle plaidé au cours de l’audience du 17 décembre, à laquelle Off Investigation a assisté.

« Il y a eu une volonté de censure, je n’ai pas pu expliquer mon raisonnement »

Louis Boyard, député insoumis du Val de Marne

Le député déplore quant à lui le manque de liberté d’expression dans un espace médiatique très majoritairement détenu par neuf milliardaires. « J’ai été surpris. Je crois que ça se voit à mon regard. Il y a une volonté de censure, je n’ai pas pu expliquer mon raisonnement ». Son second avocat, Me Arié Alimi, abonde en ce sens. Pour lui, dans une démocratie saine, il y a le « député qui va s’exprimer »,  « une contradiction et une bonne foi ». » Là, « on vient leur casser les jambes ». Louis Boyard estime avoir « été humilié et insulté devant la France entière » et déplore que Cyril Hanouna ne soit pas là pour s’expliquer. 

Hanouna ne visait pas son invité en tant que député… Vraiment ?

L’enjeu de ce procès pour la défense des prévenus n’est pas de savoir si oui ou non les injures ont eu lieu. Elle cherche à prouver que les insultes d’Hanouna visaient louis Boyard en tant qu’ancien chroniqueur TPMP et non en tant que nouveau député. La procureure précise que « cela ne fait pas de doute qu’il s’exprime en tant qu’élu », le nom et sa qualité étant inscrits dans un bandeau à l’image. « Mais Cyril Hanouna nie à [Louis Boyard] sa qualité d’élu pour revenir sans cesse à son passé. » Elle précise que la remettre en cause tout en l’insultant paraît discutable et que la Cour devra se poser cette question centrale : l’insulte-t-il en tant qu’ancien chroniqueur ou nouveau député ? 

Selon la défense des prévenus, cette altercation n’aurait pas eu d’impact sur le député. « Regardez le, il ne bronche pas. Ne pas répondre c’est l’accepter », affirme l’avocat de Cyril Hanouna, Me Stéphane Hasbanian. Pour lui, cette séquence serait « préméditée par Louis Boyard » qui n’en serait pas à son premier « coup d’éclat ». Même discours pour l’avocat du directeur de C8, Me Olivier Chappuis « [Louis Boyard] a bu du petit-lait quand il a vu à quel point Hanouna est sorti de ses gonds. »  Celui-ci considère qu’il « faut prendre de la distance avec le vocabulaire populaire et jeune de Cyril Hanouna ». Selon lui, « en aucun cas le propos «tocard» utilisé par Hanouna ne peut faire référence à cette pseudo action sociale de Louis Boyard. » 

En outre, MM. Hasbanian et Chappuis se vantent de ne pas être des « supplétifs de l’ARCOM » qui auraient « apprécié les propos sans tenir compte du contexte et des différentes parties ». Pour rappel, cette séquence a fait l’objet d’une sanction historique de 3,5 millions d’euros par l’autorité de régulation audiovisuelle.

Louis Boyard et ses avocats réclament 10 000 € de dommages et intérêts à Cyril Hanouna, déjà condamné pour diffamation, et au directeur de la chaîne, Franck Appietto. Il assure que cet argent sera « reversé à la voix de ceux [les Camerounais] pour qui il s’est fait insulter ce jour-là. » Le jugement sera rendu le 20 février 2025.

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