Décès à l’hôpital de St Avold
Le « pape Macroniste » de l’économie sociale accusé de carences

Léo Le Calvez

A l'hôpital privé de Saint Avold (Moselle) au moins trois patients sont décédés dans des conditions problématiques (image Yves Kreil, France Télévisions)

Dans l’hôpital privé de Saint-Avold, qui appartient au groupe SOS de Jean-Marc Borello (ex délégué général d’En Marche), deux patients sont décédés à l’été 2021 dans des conditions à des années lumières d’un système de santé français longtemps envié dans le monde entier. Suite à la plainte d’une famille, une instruction est en cours. Selon des représentants du personnel, qui avaient alerté la direction sur des pratiques contestables, ces décès auraient pu être évités.

Il s’appelait Azzouz Chennouf, il est décédé dans la nuit du 25 au 26 juin 2021 à l’hôpital de Saint-Avold. Sans antécédent médical, il devait être opéré en chirurgie ambulatoire. Comprendre, passer seulement la journée à l’hôpital et rentrer le soir à son domicile. Son opération ? Une hernie inguinale. Il restera quatre jours à l’hôpital avant de ne jamais en ressortir. Dès le lendemain de sa mort, la famille décide de déposer plainte contre X à la gendarmerie de Creutzwald (Moselle).
Après une enquête préliminaire d’une année, le procureur Olivier Glady a révélé à Off Investigation que le 5 septembre 2022, une information judiciaire avait été ouverte du chef d’homicide involontaire. Le dossier a été confié à une juge d’instruction. Parallèlement, trois procédures administratives sont en cours. L’une devant le conseil de l’ordre des infirmiers et deux autres devant le conseil de l’ordre des médecins. Elles seront jugées en chambre disciplinaire pour de potentiels manquements déontologiques. Ces instances ordinales se solidarisent de la famille d’Azzouz Chennouf à propos de la plainte au pénal. Selon plusieurs témoins interrogés par Off investigation, certaines pratiques en cours au sein du groupe SOS, mastodonte de l'économie sociale qui gère notamment l’hôpital de Saint-Avold, seraient de nature à aggraver les risques d’accidents.

Des pratiques contestables

A Saint-Avold, certains chirurgiens travaillent en libéral avec des honoraires payés par la direction. C’est le cas du docteur Achraf Sahyoun, le chirurgien ayant opéré Azzouz Chennouf. Pour le groupe SOS, ce n’est pas un problème: « certains praticiens exercent en libéral dans nos établissements. Cela ne change rien à nos obligations et procédures, ni aux sanctions qui pourraient être prises à leur encontre. Les règles de déontologie (et en cas d'erreur médicale en particulier) sont les mêmes quel que soit le statut des patriciens qui travaillent à nos côtés. » 
Autre particularité du praticien ayant opéré la victime: il est urologue de spécialité. Problème: les hernies inguinales ne rentrent pas dans son champ de compétence. Du coup, il n’aurait pas été assuré ce jour-là car il était sorti de son champ de compétence. « Ce médecin était spécialiste de l’urologie, nous a expliqué Sarah Palermo, la fille de la victime. Dans le cas de mon père, cette opération relevait du domaine du digestif. Il a surestimé ses compétences et notre père en a payé le prix. De base, son opération était prévue avec un chirurgien digestif. Ce spécialiste l’a envoyé chez le docteur Sahyoun pour un bilan préalable à l’opération et c’est ce dernier qui a incité mon père à accepter qu’il l’opère. Le tout, sans prévenir le praticien initialement prévu.  ».
Le docteur Sahyoun, lui, « Réfute toute forme d’amateurisme »: « Ce sont des opérations que je maîtrise et c’est Azzouz Chennouf qui voulait absolument que ce soit moi qui l’opère », nous a-t-il fait savoir. Mais sans s’appesantir sur l’absence de jugement que peut avoir un patient sur les compétences d'un chirurgien.
Le jour de l’opération, le 21 juin 2021, Azzouz Chennouf va perdre du sang. Environ 800 millilitres. Est-ce la cause du décès? « Il y a des chirurgies où l’on perd 2 litres de sang et ça se passe très bien. On ne connaît pas la cause du décès mais pour moi ce n’est pas un saignement », estime le docteur Sahyoun.

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