Marc Endeweld
Yamina Benguigui, productrice, ministre de la francophonie sous François Hollande, et désormais proche des Macron (photo DR)
Dans le chaos libyen, la productrice Yamina Benguigui s'active, en relation avec le lobbyiste Tayeb Benabderahmane et parfois en lien avec le président du Congo Denis Sassou Nguesso, pour trouver la voie d'un apaisement. Mais leur entrisme auprès de l'Élysée se fait dans le dos du quai d'Orsay.
Avant d'être mouillé dans l'affaire du PSG, Tayeb Benabderrahmane avait laissé traîner chez lui un document attribué à l’ex-femme de Mouammar Kadhafi, Safia Farkash. Adressé à Emmanuel Macron, ce courrier demandait au président français d'intercéder pour favoriser la libération de l’un de ses fils, Hannibal Kadhafi, actuellement détenu au Liban. Daté du 7 septembre 2021, le courrier de la veuve Kadhafi devait, selon des éléments de l’enquête judiciaire, être transmis à Emmanuel Macron par… Yamina Benguigui.
Aujourd’hui, pourtant, personne ne semble s’en souvenir. Interrogée par Off Investigation, la productrice n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet, pas plus que sur ses relations avec le lobbyiste franco-algérien Tayeb Benabderrahmane. l'entourage de la célèbre productrice nous précise toutefois qu’elle n’a jamais été " informée par Tayeb Benabderrahmane d’un quelconque projet de courrier " et qu'elle " dément toutes les allégations rapportées par la presse qui cherchent à établir un lien entre elle et les affaires du lobbyiste Tayeb Benabderahmane ".
Ce dernier assure pour sa part à Off qu’il n’a « jamais eu pour mission de transmettre ce courrier. Ceci relève d’une pure invention ». À l’automne 2021, il a toutefois envoyé le message suivant à Ludovic Chaker : « Pour info, la veuve Kadhafi m’a demandé de m’assurer que son courrier a bien été reçu. Ci-dessous, sa lettre au pr ».
À Médiapart, Yamina Benguigui avait fait savoir qu’elle ne connaissait même pas l’existence de Hannibal Kadhafi ! Étrange explication, alors que dès l’automne 2016, dans les mois qui suivent sa rencontre avec Brigitte Macron, et à quelques semaines de l’élection présidentielle, Yamina Benguigui s’active pour prendre de nombreux contacts en Libye, pays, il est vrai, qu’elle connaît assez mal. À l’époque, à certains de ses interlocuteurs, elle n’hésite pas à se présenter comme travaillant pour Emmanuel Macron. « C’est par elle qu’est passée l’invitation de Macron à Alger durant la campagne. Elle a annoncé qu’elle serait la grande manitou de Macron en Algérie et en Libye après les élections », assure l’une de ses connaissances.
Vent de panique à l'Élysée
La productrice et femme d’affaires s’est-elle poussée du col ? Quand je l’avais interrogée le 13 février 2019, soit quatre jours avant la projection privée des " Invisibles "à l’Élysée, elle disait n’avoir joué aucun rôle et ne pas avoir de relations avec Brigitte Macron. Tout au plus concédait-elle alors connaître Emmanuel Macron du fait de ses anciennes fonctions ministérielles sous François Hollande. Après avoir répondu à nos questions, elle s’est pourtant empressée d’alerter Brigitte Macron sur notre enquête comme nous l’indique alors un conseiller de l’Élysée. Ce qui provoque un vent de panique au Château et l’« inquiétude » du président. C’est un fait encore méconnu, mais Yamina Benguigui fait partie dès 2016 du premier cercle du couple Macron comme nous l’avons déjà expliqué dans notre premier article.
Lors de la campagne présidentielle de 2017, comme d’autres acteurs, la productrice apporte son aide pour l’organisation du voyage du candidat Macron en Algérie les 13 et 14 février. À cette occasion, le futur président évoque sa volonté d’intervenir avec les Algériens pour améliorer la situation malienne et libyenne, annonçant des « axes de développement stratégique », parmi lesquels le renforcement de la coopération « sur le plan diplomatique et sécuritaire », notamment en « Libye d’une part [...] et au Mali d’autre part ».
Dès la campagne présidentielle, le futur président cherche donc des contacts pour s’investir sur le dossier libyen. Car la Libye est une véritable pétaudière depuis l’intervention armée occidentale de 2011 décidée par Nicolas Sarkozy, David Cameron et les Américains. Intervention qui a abouti à la chute du dictateur Mouammar Kadhafi, au prix d’une fragmentation du pays, pour le plus grand profit des milices djihadistes. De son côté, l’Algérie surveille ce dossier comme le lait sur le feu, mobilisant secrètement des forces armées en Tunisie pour aider ce jeune voisin démocratique à protéger ses frontières communes avec la Libye.