Séverine Charon | Florian Espalieu
Depuis une dizaine d’années, Bernard Bensaid, président du groupe "Avec" (une nébuleuse de l'économie sociale et solidaire) et ancien camarade de promotion d’Elisabeth Borne à Polytechnique, rachète à tour de bras structures hôtelières ou de santé au risque d’accumuler les procédures judiciaires. Alors qu’il est défendu notamment par l’avocate Tiphaine Auzière, la belle-fille d’Emmanuel Macron, les autorités ont fait preuve d’attentisme, jusqu’à sa mise en examen le 11 janvier dernier pour « prise illégale d’intérêts » et « détournement de fonds publics ».
Lundi 9 janvier, avenue du Château à Vincennes, banlieue cossue de l’Est parisien, un immeuble anonyme à côté d’une salle de sport. Le groupe « Avec », qui réalise un chiffre d’affaires de 630 millions d’euros avec près de 12.000 salariés dans les domaines de la santé, de l’aide à la personne et de l’immobilier, tient son comité exécutif… Celui-ci va tourner court. En pleine séance, le président et fondateur du groupe, Bernard Bensaid, est arrêté par la police.
A l’issue de deux jours de garde à vue, il est mis en examen pour “prise illégale d’intérêts” et “détournement de fonds publics”. Libéré sous contrôle judiciaire, il doit s'acquitter d’une caution de 1 million d’euros. Dans l’immédiat, il est interdit à l’omnipotent président du groupe « Avec », qui détient une centaine de mandats, de gérer une partie de ses établissements – les Espic (Établissement de santé privé d'intérêt collectif, soit le secteur privé non lucratif, ndlr). Cette interdiction sera levée quelques jours plus tard en appel, sauf pour le nouveau vaisseau amiral du groupe "Avec", le Groupe Hospitalier Mutualiste (GHM) de Grenoble, par lequel le scandale est arrivé.
Questionné sur cette situation, le groupe « Avec » s’est contenté de nous signifier par le biais de son service de communication que “ pour l'heure, [il ne donnerait pas] suite aux demandes d’interview ”. Le 9 janvier, jour du placement en garde à vue de Bernard Bensaid, le groupe avait indiqué par communiqué : “ Tous les éléments souhaités seront fournis aux autorités de police afin de démontrer que les accusations contre X ne sont pas fondées en droit et qu'elles s'inscrivent dans un combat procédurier d'opposition au Groupe Avec ”. Un refus de communiquer que le groupe avait aussi opposé à la lettre confidentielle l'éclaireur des Alpes, qui avait publié une première série d'enquêtes sur cette affaire fin 2022.
N’empêche, l’arrestation d’un col blanc en plein comité exécutif n’est pas fréquente, et la procédure a donné pour quelques jours une notoriété inédite au groupe « Avec », un acteur du secteur de la santé habituellement absent des radars des médias nationaux.
Une nébuleuse incontournable de la santé
Avec 400 établissements dans toute la France, la "nébuleuse" de Bernard Bensaid fait pourtant partie des dix plus gros acteurs dans le secteur des soins de ville et hospitaliers, mais aussi dans l’aide à domicile et les Ehpad (Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), et le tourisme, à travers des hôtels et des résidences de vacances. Tous les ans, environ un million de personnes sont prises en charge à un titre ou à un autre par un établissement du groupe « Avec » (anciennement Doctegestio).
Pour Bernard Bensaid, c’est dans la région de Grenoble (Isère) que les nuages se sont subitement accumulés au-dessus de son groupe. En 2020, il y effectue son plus gros coup : le rachat d’un Groupe Hospitalier Mutualiste, pilier du système de santé grenoblois avec notamment une clinique de 430 lits, une maternité et un centre de traitement anticancéreux.