Emmanuel Macron l’idiot (pas si utile) de la politique internationale

Emmanuel Macron
Le président français Emmanuel Macron, le 1er février 2024 (Photo Ludovic MARIN / AFP)

Ces derniers mois, le locataire de l’Élysée a snobé les diplomates du quai d’Orsay, quitte à multiplier les “bourdes” à l’international. Résultat : il est devenu peu audible en Afrique, mais aussi au Proche-Orient.

La langue française a cela de bon qu’elle dispose d’un vocabulaire riche qui permet une grande précision dans l’expression. Le mot « fatuité » fait partie de ces bijoux. Il décrit l’état de ceux qui se font une haute idée d’eux-mêmes tout en ignorant les rires que cette prétention provoque tout autour d’eux. 

    Le président Emmanuel Macron incarne parfaitement cette ridicule satisfaction de soi-même notamment quand il s’agit de politique internationale. Elle appartient au domaine réservé du chef de l’exécutif selon notre Constitution. Mais le locataire de l’Elysée n’est pas censé agir en loup solitaire. Il dispose, pour l’aider à comprendre les enjeux planétaires, du troisième réseau diplomatique mondial après ceux de la Chine et des Etats-Unis. Pourtant, il le néglige, le contourne, semble le mépriser. Tout paraît se décider au sein du cabinet présidentiel sans que les professionnels de la diplomatie, acteurs et observateurs de terrain, déjà fortement ébranlés par la récente réforme du corps diplomatique, ne soient consultés. 

Pantalonnade présidentielle

     Les résultats de ce contournement sont consternants. La dernière pantalonnade présidentielle concerne le dossier sénégalais : les 9 et 10 novembre derniers, se tenait dans la capitale française, comme chaque année,  le Forum de Paris sur la Paix. Le président Sénégalais Macky Sall faisait partie des invités. Emmanuel Macron l’a particulièrement mis à l’honneur en rendant hommage à sa bonne gouvernance : « Dans quelques mois, le président Macky Sall terminera son second mandat et je veux vraiment saluer son courage, son engagement et l’exemplarité qu’il porte sur le continent africain. Il a décidé que la démocratie s’exercerait comme elle doit s’exercer et qu’il y aurait des compétiteurs, ils sont multiples. Quand il y a des hommes d’État et d’engagement, ils avancent et protègent leur pays des troubles et vicissitudes du moment. » 

Emmanuel Macron ne pouvait cependant rien ignorer de ce qui se déroulait alors dans ce pays ami : les élections présidentielles à venir se présentaient déjà sous de mauvais auspices. Plusieurs responsables de l’opposition avaient vu leur candidature au poste suprême refusée par le Conseil Constitutionnel. Parmi eux, Ousmane Sonko, homme politique africaniste et anti-impérialiste, est emprisonné depuis le mois de mai 2023 pour « dépravation de la jeunesse » après avoir été acquitté d’une accusation de viol. Son parti, le Pastef, a été dissous par le chef de l’Etat sénégalais le 31 juillet dernier. De nombreuses manifestations des partisans de Sonko avaient déjà, quelques années auparavant, déclenché une violente répression du pouvoir. Elle aurait fait plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés. Entre 500 et 1000 prisonniers politiques seraient actuellement en détention.

Pourtant, le chef de l’état français profitait de cette réunion internationale à Paris pour nommer Macky Sall “envoyé spécial du Pacte de Paris pour la Planète et les Peuples”. Même si cette nomination ne devait devenir définitive qu’à la fin de son mandat en avril prochain, le procédé est, pour le moins, rare et audacieux. 

Une jeune française incarcérée au Sénégal

     Le 25 novembre dernier, une jeune Française, Coline Fay, était arrêtée, incarcérée et menacée de détention à perpétuité au Sénégal pour « association de malfaiteurs avec une entreprise terroriste ». Son crime ? avoir tout simplement manifesté aux côtés de l’opposition. 

L’Elysée n’a jamais réagi, n’a apparemment rien tenté pour obtenir sa libération. Il a fallu qu’Elisabeth Borne, durant ses derniers jours à Matignon, appelle la ministre de la Justice sénégalaise pour que Coline Fay soit libérée et expulsée.  

       Le 3 février dernier, Macky Sall, le protégé de Macron, annonçait un report sine die des élections présidentielles du 25 février. Sans préciser quand elles seraient re-organisées. Il omettait également d’expliquer ce qui se passera, le 2 avril, à la fin de son mandat. Le jour même, les Etats-Unis se sont déclarés ”profondément préoccupés” par l’annonce du report sine die de l’élection présidentielle au Sénégal et ont pressé les autorités de fixer ”rapidement et dans le calme” une nouvelle date. 

Le quai d’Orsay en mode « langue de bois »

Du côté de Paris, il a fallu attendre le lendemain pour qu’un communiqué du ministère des Affaires Etrangères appelle à “lever les incertitudes autour du calendrier électoral pour que les élections puissent se tenir dans le meilleur délai possible et dans le respect des règles de la démocratie sénégalaise”. Emmanuel Macron porte-t-il aujourd’hui un regard différent sur « la bonne gouvernance » de son homologue ? On sait désormais que Macky Sall restera au pouvoir bien au-delà de son mandat et pour le moins jusqu’au 15 décembre, nouvelle date fixée par l’assemblée nationale sénégalaise pour la présidentielle. 

     Il faut avouer que les contrées africaines sont loin de réussir à « Jupiter ». Le 4 mars dernier, il se faisait recadrer en public, au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, par son homologue congolais, Félix Tshisekedi. Et voici dans quelles circonstances : Emmanuel Macron venait, comme il l’avait plusieurs fois déjà fait, de se vanter de tenir un « discours de vérité » sur les rapports entre la France et l’Afrique. Selon lui, la Françafrique, c’est terminé. Rebondissant sur ce thème, une journaliste de l’Agence France Presse, Valérie Leroux, lui posa cette question: « Vous êtes aujourd’hui à Kinshasa dans un pays qui se prépare à une échéance électorale importante à la fin de l’année. Craignez-vous, comme l’un de vos ministres des Affaires Etrangères a pu le formuler dans le passé, qu’il y ait de nouveau “un compromis à l’africaine” ? » 

Félix Tshisekedi et le « mépris » de Macron

Le chef de l’Etat français tente alors de faire diversion : « Quand un ou une journaliste française pose une question, ça n’est pas le gouvernement de la France. Et c’est bien comme ça. Mais faut pas tout confondre. »

Mais son alter ego congolais,  le président Félix Tshisekedi, ne le laisse pas “noyer le poisson” : « Elle faisait référence au propos de Le Drian [ancien ministre des Affaires Etrangères] le compromis à l’africaine, c’est Le Drian, c’est pas la journaliste…»
Macron tente une dernière parade : « Mais il n’y avait pas de caractère de mépris dans la formule de Le Drian…»
Félix Tshisekedi l’achève avec un simple : « Si, si! » qui déclenche les applaudissements dans la salle et la confusion de Macron. 

C’est aussi durant le quinquennat de ce président français qui a sans cesse à la bouche des expressions belliqueuses comme le fameux « Nous sommes en guerre » pendant le COVID ou le plus récent « réarmement » mis à toutes les sauces (civique, économique, démographique…) que les militaires de l’Opération Barkhane ont dû quitter successivement le Mali, le Burkina Faso puis le Niger. 

« Bouche trou » à New Delhi

     L’Asie ne réussit pas mieux à Emmanuel Macron. Le 26 janvier dernier, il assistait, aux côtés du Premier ministre Narendra Modi, aux célébrations de la fête de la République indienne. Ce pays constitue, pour les ventes d’armes françaises, un des meilleurs débouchés et, suite à un contrat récent de vente d’avions de combat Rafales, ses achats sont en constante progression. Bien que connu pour son autoritarisme, le chef de l’Etat indien avait été l’invité d’honneur d’Emmanuel Macron lors du défilé militaire du 14 juillet 2023 durant lequel il avait pu prévoir ses prochaines emplettes. Pourtant, Modi n’avait pas prévu de rendre la pareille à son homologue français. C’est le président américain Joe Biden qu’il avait convié à sa propre fête nationale. Et ce n’est que quand Washington avait décliné que Narendra Modi s’était rabattu sur un « deuxième choix » : Emmanuel Macron

    Au Proche-Orient, ce fut encore pire : le 24 octobre dernier, quelques jours après l’attaque du Hamas sur Israël, Emmanuel Macron, en visite à Jérusalem, avait fait cette surprenante proposition au Premier ministre Benjamin Netanyahu : “Bâtir une coalition régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes qui nous menacent tous”. La consternation fut générale et le flop assourdissant. L’occupant de l’Elysée s’est ensuite évertué à faire le grand écart entre un soutien sans faille à Israël et une molle condamnation des bombardements de Tsahal sur la population de Gaza. 

Sans vouloir glorifier à l’excès un certain Charles De Gaulle, on est loin du temps ou la France exerçait une réelle influence internationale, notamment grâce à une politique arabe non alignée sur celle des Etats-Unis…

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