L’eau en Bretagne, comme partout, est polluée par des métabolites. Malgré des moyens considérables alloués par les collectivités locales et la Région, la persistance de ces résidus de pesticides risque de plomber encore longtemps la qualité de l’eau potable… Et les factures des consommateurs.
Été 2022. En pleine sécheresse, Gilles Hellard, le maire de Saint-Mayeux, dans les Côtes-d’Armor, est contraint de fermer le point de captage de sa commune de 500 habitants. Alors que le niveau d’eau du captage baisse, le taux de métabolites ESA-Metolachlore (un résidu de l’herbicide S-Metolachlore, utilisé pour les cultures de maïs), déjà proche du seuil autorisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses), grimpe en flèche. Pire: la dilution avec l’eau puisée dans une retenue voisine ne suffit plus à le faire baisser. Face à la pression d’une partie de la population, qui s’est constituée en collectif, la commune doit se fournir en eau auprès de la retenue d’eau voisine.
Dans toute la Bretagne, au même moment, la sécheresse impose la fermeture de points de captages d’eau potable comme celui de Saint-Mayeux. Partout, le taux de métabolites de S-metolachlore est en hausse et l’eau n’est plus considérée comme conforme. Et puis, soudainement, à la fin de l’été, miracle : l’Anses annonce relever le seuil autorisé de résidus de S-metolachlore de 0.1 µg/L à 0.9 µg/L. Du coup, la plupart des captages repassent dans le vert et sont rouverts. « L’Anses dit que l’eau est potable malgré les résidus de pesticides qu’on y trouve. C’est ridicule ! On parle de produits dangereux dont on ne connaît pas encore les conséquences sanitaires. Si on veut que les gens aient confiance, il faut zéro pesticide », plaide Thierry Burlot, président du comité de bassin de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne.
Des agriculteurs difficiles à convaincre
À la suite de cette décision de l’Anses – prise à partir des études de Syngenta, l’entreprise qui fabrique et commercialise le S-metolachlore – le point de captage de Saint-Mayeux rouvre aussi, sur décision du conseil municipal. Mais la tension cristallisée autour de la qualité de l’eau reste vive. Fin 2022, la municipalité décide de demander l’élargissement du périmètre de protection autour du point de captage. Jusqu’ici, il était constitué de 34 hectares, dont 15 en zone sensible, propriété de la commune. Le reste des parcelles, appartenant à plusieurs agriculteurs, est cultivé, l’usage de produits phytosanitaires y est autorisé.