
Depuis le 1ᵉʳ avril 2025, les allocations chômage ont une nouvelle fois été réduites et rendues moins accessibles. Un virage amorcé depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron en 2017, et diverses réformes qui se sont succédé. France Travail, anciennement Pôle Emploi, participe largement à l’idée selon laquelle le chômage est une responsabilité individuelle. Mais quel est le véritable le rôle de cette institution ?
Sur le site de France Travail, le service public indique sa mission d’indemniser les personnes au chômage et de les accompagner pour chercher du travail. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, quatre réformes de l’assurance chômage ont été mises en place. La dernière en date, signée le 15 novembre 2024, réduit encore plus les droits des personnes en situation de précarité.
Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, les bénéficiaires du RSA ont été inscrits automatiquement à France Travail, et se retrouvent soumis à un « contrat d’engagement » qui leur impose de réaliser au moins quinze heures d’activité hebdomadaire, sous peine d’être sanctionné. Les personnes en situation de handicap qui sont à Cap Emploi et les jeunes suivis par les missions locales sont aussi concernés.
Des réformes contre-productives ?
L’argument qui revient sans cesse dans la classe politique et les médias mainstream est le besoin de faire des économies. Ce discours a été alimenté en entretenant l’idée que les bénéficiaires du chômage ne cherchent pas de travail ou bien se payent le luxe de vouloir un travail qui leur correspond, tout en rechignant à se lever et en profitant des aides sociales. Pourtant, comme le relève Mediapart, « le comité d’évaluation de la première réforme, menée entre 2019 et 2021, a rendu son bilan. Censée lutter contre les contrats courts, elle a maintenu les travailleurs dans des emplois précaires tout en diminuant leurs allocations » (avril 2025).
Dans son dernier épisode « En Off », Lumi déconstruit l’idée du « chômeur-profiteur », rappelle que les gens ont besoin d’un salaire pour vivre, et que des personnes travaillent même si elles n’ont pas d’emploi. C’est d’ailleurs ce qu’explique le sociologue et économiste Bernard Friot depuis de nombreuses années. Selon lui, le travail est omniprésent dans la société, même s’il n’est pas lié à une logique d’emploi. Il serait donc plus juste de rémunérer toute activité, plutôt que de répartir la richesse produite par le travail. Libération souligne également qu’avec 13 chômeurs pour une offre d’emploi, il est mathématiquement impossible pour tout le monde d’avoir un poste.
France Travail, une machine au service du patronat
Serait-ce un choix politique assumé que de maintenir un niveau de précarité élevé pour exercer une forme de pression visant à la fois employés et chômeurs, au lieu de réformer le partage du travail ? « Mettre la pression sur les chômeurs, c’est ainsi perpétuer l’ascendant des employeurs dans le rapport de force qui les oppose aux salariés en matière de revenus et de conditions de travail », résume la quatrième de couverture du livre Chômeurs, vos papiers ! (paru le 15 septembre 2023 aux éditions Raisons d’agir) écrit par un groupe de chercheurs et de sociologues.
A droite de l’échiquier politique, le fait de travailler est globalement associé à une valeur morale. Travailler même sans salaire, même pour une boite néfaste, c’est avoir de la dignité. C’est en tout cas ce que défend le député macroniste Alexis Izard qui parle des gens en « stocks » (LCP, mars 2024). Ou encore François Bayrou, qui allait en 2024 recueillir la parole d’un patronat désespéré (France Inter, mai 2024).
Opération stigmatisation et rentabilité
Pour combattre le chômage et lutter contre la stigmatisation de ses bénéficiaires, France Travail n’y va pas de main morte. En 2017 déjà, l’agence proposait une vidéo consacrée à la journée type d’un chômeur efficace : séance de sport matinale, une douche brainstorming, puis s’atteler à répondre à des offres d’emploi en dehors de ses aspirations – « mais qui nous permettront de gagner de l’argent ! » (Franceinfo, mai 2017). Surtout, rester dynamique et changer son mindset. France Travail propose également une formation « Valoriser son image professionnelle » (VSI), qui coûte 254 millions d’euros à l’opérateur, consistant à développer le « savoir-être » des demandeurs d’emploi : « Ces prescriptions concernent le plus souvent la présentation de soi et prennent la forme de conseils sur la manière de “prendre soin” de son apparence physique, notent les auteurs : être propre, “ne pas être trop maquillée” et “pas de jupe trop courte”, pour les femmes, être rasé, pour les hommes, etc. » (L’Humanité, juin 2024)
Parallèlement, France Travail dégrade aussi les conditions de travail de ses employés, dont chaque rencontre avec un usager, chaque coup de téléphone, est chronométré. L’utilisation de l’intelligence artificielle explose pour orienter les personnes, mais aussi pour les contrôler. L’agence publique a augmenté de 60% son recours à la sous-traitance, qui devrait représenter un marché d’un milliard d’euros pour le secteur privé, selon Médiacités. Dans son article, L’Humanité fait était de témoignages de « pressions intenables exercées par des prestataires, tenus de remplir des objectifs de taux de retours à l’emploi, pour que les usagers acceptent sans broncher n’importe quel job ». Le tout avec des objectifs de contrôle toujours plus élevés pour 2027, afin de repérer les profiteurs des aides sociales…