Y. Mhamdi | Jb. Rivoire
➡️ En février 2017, en pleine campagne présidentielle, Emmanuel Macron se rend à Alger. Mais au lieu de rencontrer des représentants de la société civile, il se contente de voir des officiels et, plus discrètement, des affairistes proches du pouvoir. Dès lors, il va constamment soutenir le régime, même au plus fort du « Hirak », quand treize millions d’algériens défilaient dans toute l’Algérie contre un cinquième mandat du vieux président Abdelaziz Bouteflika. Emmanuel Macron a-t-il offert sa protection à un régime militaire corrompu et discrédité, en échange de soutien politique, voire financier ?
A en croire le témoignage de l’ancien vendeur d’armes français Bernard Cheynel, recoupé par celui d’un responsable algérien proche des services de renseignement, le voyage d’Alger en février 2017 a permis au candidat d’en Marche de s’attacher le soutien de puissants oligarques algériens. En marge des rencontres avec les officiels, Emmanuel Macron aurait en effet discrètement diné avec Issab Rebrab, première fortune d’Algérie. Il aurait également pris le temps de rencontrer secrètement Redha Kouninef, troisième fortune du pays et « bébé » du clan Bouteflika. Quand à Ali Hadad, patron du Forum des chefs d’entreprises (équivalent algérien du MEDEF), il l’a rencontré officiellement le 14 février, mais il l’aurait également vu plus discrètement quelques heures plus tôt. Selon le journaliste Marc Endeweld, le sulfureux intermédiaire franco-algérien Alexandre Djouhri, soupçonné par la justice d’être mêlé au supposé financement libyen de Nicolas Sarkozy en 2007, aurait été présent lors de ce rendez-vous. Selon le vendeur d’armes français Bernard Cheynel, proche des services algériens depuis les années 1980, l’enjeu de cette rencontre secrète était de négocier le soutien des milieux d’affaires algériens à la candidature d’Emmanuel Macron en échange d’un mea culpa sur les atrocités commises par la France en Algérie. A la fin de son voyage de 48h, le candidat d’En marche avait d’ailleurs été jusqu’à déclarer que la colonisation française en Algérie avait été un « crime contre l’humanité ». Un geste qui lui avait été suggérée par Alger, selon une de nos sources, et qui avait choqué des millions d’électeurs français.
Une fois élu à l’Elysée, Emmanuel Macron avait continué à soutenir aveuglément le clan du vieux président Bouteflika, pourtant largement discrédité auprès de la population. Après le début du Hirak, en mars 2019, il avait été jusqu’à déclarer depuis Djibouti que président algérien, qui refusait alors de quitter le pouvoir, « ouvrait une nouvelle page de la démocratie en Algérie ». Ce soutien sans faille d’Emmanuel Macron à la junte militaire algérienne s’est prolongé fin 2019 quand le président Abdelmajid Tebboune a entrepris de réprimer le « Hirak », emprisonnant des dizaines de journalistes, d’opposants, de militants associatifs. Alors que la torture se répandait à nouveau dans les commissariats algériens, le président français déclarait en 2020: « on ne change pas un régime en quelques mois ».
Par cette attitude complaisante, Emmanuel Macron s’est inscrit dans une longue tradition de la Françalgérie: protéger le régime d’Alger en échange de soutien politique, voire financier. Comme l’avaient fait avant lui François Mitterrand, dont la campagne de 1981 avait été en partie financée par Alger, ou Jacques Chirac, qui lors d’un voyage officiel à Alger en 1986 avait demandé à ses homologues d’ouvrir le marché algérien à Daewoo, une firme sud-coréenne qui selon lui, finançait alors le RPR. Conséquence de ces compromissions avec un régime corrompu: chaque année, des milliers de jeunes algériens ayant perdu espoir dans l’avenir de leur pays tentent de rallier l’Europe sur des embarcations de fortune. A 4000 euros la traversée entre Oran et l’Espagne, ces « Harragas » sont devenus rentable pour les hommes d’affaires algériens. En 2021, près de 10 000 d’entre eux avaient risqué leur vie pour tenter de rallier l’Espagne.
Pour éclairer cette face obscure de la Françalgérie, témoignent l’ancien banquier algérien Omar Benderra (Algeria Watch), Marc Endeweld (journaliste), Xavier Driencourt (ancien ambassadeur de France à Alger), Bernard CHeynel (ancien vendeur d’armes français décédé début 2022), Nicolas Beau (Mondafrique.com), Abdou Semmar (journaliste algérien réfugié politique en France), Jean-Pierre Mignard (membre de la délégation d’Emmanuel Macron à Alger en 2017), Antton Rouget (Mediapart).