Jean-Baptiste Rivoire
Quand Nicolas Sarkozy est élu à l'Elysée, deux talentueux humoristes, Didier Porte et Stéphane Guillon, sévissent sur France Inter. A l'instar des Guignols de l'info, sur Canal +, ils pointent les dérives populistes et sécuritaires du nouveau président, mais aussi ses fragilités psychologiques. Devenue culte, la chronique matinale de Guillon finit par embarrasser l'Elysée. Nicolas Sarkozy fait alors appel à Jean-Luc Hees et Philippe Val pour mettre au pas l'humour, mais aussi l'orientation éditoriale de l'impertinente radio publique.
Une fois Nicolas Sarkozy à l’Élysée, le grand reporter de France Inter Benoît Collombat, qui l’avait déjà exaspéré en donnant la parole à Raymond Avrillier en 2004 (voir chapitre 4), aggrave son cas. Connu pour ses investigations, notamment sur le meurtre maquillé en suicide du ministre Robert Boulin en 1979, il s’intéresse désormais à Bernard Kouchner, qui a été nommé au Quai d’Orsay à l’instigation de Nicolas Sarkozy. En ce début 2009, le journaliste Pierre Péan vient de publier un ouvrage estimant qu’entre 2002 et 2007, le french doctor avait été grassement payé par les dictateurs gabonais Omar Bongo et congolais Denis Sassou N’Guesso pour rédiger des rapports de complaisance sur leurs systèmes de santé. Selon Pierre Péan, le rapport sur le Gabon (131 pages cosignées par Bernard Kouchner et quelques collègues) aurait été payé près de 2,6 millions d’euros. Le 25 février 2009, Collombat publie ces rapports sur le site de France Inter. En alimentant ce feuilleton embarrassant pour l’un des ministres « chouchou » du Président, il a pris le risque d’indisposer l’Élysée.
Sarkozy contre Cluzel : « Ce type est fou ! »
Deux jours après, devant ses conseillers, Nicolas Sarkozy laisse éclater sa colère contre Jean-Paul Cluzel. Prenant prétexte que le PDG de Radio France, qui ne cache pas son homosexualité, ait posé – masqué et sans mentionner son nom – dans un calendrier d’Act-Up contre le sida, le président de la République aurait commenté comme le rapporte le Canard enchainé : « Ce n’est pas digne d’un patron de service public. Ce type est fou. Il se croit tout permis. Sa vie privée, c’est sa vie privée. Il en fait ce qu’il veut, mais il n’a pas à s’afficher comme ça. » Comme si Nicolas Sarkozy n’affichait pas depuis des années sa « vie privée » dans les médias… Son ressentiment ne trouve-t-il pas plutôt sa source dans la ligne éditoriale de Radio France, paradoxalement plus indépendante de l’exécutif que celle des radios privées Europe 1 et RTL ? Outre Collombat, France Inter emploie notamment Stéphane Guillon et Didier Porte, deux humoristes qui moquent les hypocrisies « bananières » de la France de Sarkozy. « Cluzel n’en fait qu’à sa tête et il se laisse manipuler par la gauche et les syndicats », aurait conclu Nicolas Sarkozy.