France inter
L’hémorragie du rire

Les humoristes de France Inter
Les humoristes de France Inter

Le 11 juin, l’humoriste Guillaume Meurice est licencié par la direction de Radio France pour « faute grave » et « déloyauté ». Le 2 mai, il avait été mis à pied pour avoir réitéré une blague sur le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou . Dans la foulée, plusieurs humoristes de France Inter ont annoncé leur démission, en soutien à leur collègue et à la liberté d'expression.

C’est l'épilogue d’une affaire qui commence le 29 octobre 2023, dans « Le Grand Dimanche Soir », l’émission satirique de France Inter présentée par Charline Vanhoenacker. Ce jour là, après trois semaines de bombardements des civils gazaouis suite à l'attaque terroriste du hamas en Israel le 7 octobre, l'humoriste Guillaume Meurice qualifie le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou « sorte de nazi sans prépuce ».

Cette blague lui vaut un avertissement de la part de Radio France, une mise en garde de l’Arcom, ainsi qu’une plainte pénale pour « provocation à la violence et à la haine antisémite et injures publiques à caractère antisémite ». Une plainte qui débouchera sur l'audition de Meurice et Vanhoenacker par la police judiciaire, mais qui sera finalement classée sans suite par le parquet de Nanterre.

L’humoriste l’annonce à l’antenne de France Inter le dimanche 28 avril: « Si je dis que Netanyahou est une sorte de nazi sans prépuce, c’est bon, le procureur l’a dit cette semaine. C’est ma première blague autorisée par la loi française. » Paradoxalement, la direction de Radio France se montre moins permissive que la justice. Pour avoir réitéré cette blague, Guillaume Meurice est immédiatement suspendu d’antenne. La rédaction se met en grève pour le soutenir. Cela n’impressionne visiblement pas la direction. Le 11 juin, l’humoriste est licencié, officiellement pour « faute grave » et « déloyauté répétée »

"Déloyauté" 

Dans un mail adressé aux salariés de la station - révélé par Mediapart - Sibyle Veil, la présidente de Radio France, déclare ne pas avoir eu d’autre choix. Elle accuse Guillaume Meurice d’avoir « proféré des insinuations non seulement fausses, mais gravement préjudiciables à France Inter et à Radio France» Présentatrice de l’émission « Le Grand Dimanche soir » et ami de l’humoriste, Charline Vanhoenacker commente jeudi 13 juin sur France Inter l’explication de sa hiérarchie, non sans une pointe de sarcasme: « Je vous dois un mea culpa. Je pensais à tort que licencier un humoriste était une atteinte à la liberté d’expression. Alors que pas du tout. Il est reproché à Guillaume un manque de loyauté envers l’entreprise. On est payé pour être irrévérencieux – et attention, ça c’est nouveau – sans franchir la ligne rouge de la déloyauté. »

De son côté, l’humoriste s’exprime le lendemain de son licenciement dans une interview donnée au média La Relève et La Peste :  « Comme ils n’ont pas grand chose à me reprocher, ils ont empilé plusieurs trucs abscons comme le  “manque de loyauté”, “instrumentalisation de l’antenne à des fins personnelles”, “réitération des propos” ou “dénigrement de la direction”. J’ai comparé Sibyle Veil à une CPE mais pour moi ce n’est pas dénigrant du tout, le métier de CPE est tout à fait respectable. »

Dans sa « Lettre à France Inter », publiée sur X le 12 juin, il utilise des mots forts envers ses anciens employeurs. S'adressant directement à la station radio pour laquelle il travaille depuis 12 ans, il écrit: « Si je suis triste, c’est de te laisser ainsi, dirigée par des âmes de si peu de scrupules. De celles qui ont comme boussole leur soif d’obéir, et un tableau Excel à la place du cerveau. »

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