
La condamnation de Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics, l’empêche à ce stade de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Sa peine menace directement François Bayrou, qui sera bientôt rejugé pour les mêmes faits. Le Premier ministre a réitéré son soutien à la patronne des députés du RN.
Coupable sur toute la ligne. Marine Le Pen a été condamnée ce lundi 31 mars par le tribunal correctionnel de Paris, pour détournement de fonds publics. A titre individuel, la patronne des députés RN est condamnée à quatre ans de prison dont deux ans ferme aménageable sous bracelet électronique mais aussi et surtout, à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, autrement dit une application immédiate qu’une procédure d’appel n’interrompt pas. Elle est donc, à ce stade, écartée de l’élection présidentielle de 2027.
🔴MARINE LE PEN INÉLIGIBLE POUR 2027
— Off Investigation (@Offinvestigatio) March 31, 2025
💥@MLP_officiel est condamnée à quatre ans de prison dont deux ferme, ainsi qu'à CINQ ANS D’INÉLIGIBILITÉ assortis d’une exécution provisoire
⚖️ Elle est reconnue coupable de détournement de fonds publics
Soutenez OFF :… pic.twitter.com/FTO2zqMVEW
Au total, ce sont neuf eurodéputés (ou ex-eurodéputés) et 12 ex-assistants parlementaires du FN (devenu RN), qui ont été reconnus coupables d’avoir piqué 4,1 millions d’euros dans les caisses du Parlement européen, autrement dit d’avoir fait des économies illicites sur le dos du contribuable, en déclarant certains de leurs permanents et amis comme assistants parlementaires.
L’élue, qui conserve pour l’instant son mandat de députée, a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel. La décision du tribunal compromet fortement sa candidature à la présidentielle de 2027, même si c’est désormais la Cour d’appel qui a la main sur le calendrier judiciaire et qui pourrait en théorie ordonner rapidement un nouveau procès.
François Bayrou soutient Marine Le Pen
Marine Le Pen peut compter sur la compassion au plus haut niveau de l’Etat, en la personne de François Bayrou. Le Premier ministre lui a envoyé des marques de soutien jusqu’au dernier moment, en échangeant par téléphone mercredi 26 mars avec elle, selon La Tribune du dimanche. Officiellement, il s’agissait d’échanges sur la proportionnelle, la marotte partagée des deux dirigeants.
En réalité, selon nos informations, le Premier ministre avait déjà apporté son soutien à la députée du Pas-de-Calais en janvier 2024, jugeant « dérangeant que des jugements soient prononcés sans qu’on puisse faire appel ». A Matignon, cette audience a été suivie avec attention par l’entourage du Premier ministre, selon nos informations.
« L’affaire Le Pen, c’est l’arbre qui cache la forêt pour François Bayrou »
Un conseiller de l’exécutif
Et pour cause, le Béarnais sera rejugé pour les mêmes faits en appel, après avoir été relaxé dans l’affaire des emplois fictifs du MoDem au Parlement européen. « L’affaire Le Pen, c’est l’arbre qui cache la forêt pour François Bayrou », confirme un conseiller de l’exécutif. S’il n’a à ce stade fait aucun commentaire sur la décision de justice visant Marine Le Pen, François Bayrou n’en est pas moins troublé. Selon nos informations, le chef du gouvernement serait en effet « préoccupé » par le verdict.
Le jugement ce lundi donne des sueurs froides à l’exécutif. « Si les juges confirment l’exécution provisoire, le RN risque de gagner en 2027 », confiait ce matin le conseiller d’un éminent ministre à Off Investigation, craignant la « colère » chez certains électeurs du parti d’extrême-droite. « Elle a triché, elle a perdu, elle est condamnée, observe une ministre de François Bayrou. Ce devrait être la conclusion. Mais dans le moment politique où nous sommes, ils vont être nombreux ceux qui hurleront au déni de démocratie relayés par les médias avec les moyens de Bolloré », craint notre interlocutrice, citant la réaction du Kremlin et du Premier ministre hongrois Viktor Orban, allié de Marine Le Pen. François Bayrou, lui, avait déclaré qu’il serait pour sa part « blanchi en appel comme il l’avait été en premier instance. Simplement c’est d’incroyables dépenses d’argent public. Et pourquoi ? », déclarait-il à Midi Libre en février 2024. Pas sûr que le Premier ministre conserve cette sérénité à la lecture du jugement de la députée RN.
Grand malaise dans la classe politique, à droite comme à gauche
La patronne des députés RN est considérée comme se trouvant « au cœur de ce système de financement illicite depuis début 2009 », dans lequel elle s’est inscrite « avec autorité et détermination », selon la présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis. « II y a aussi le confort des dirigeants d’un parti et l’enrichissement d’un parti », a ajouté la magistrate. Et ce, alors que le parti d’extrême-droite tente par tous les moyens de taire cet aspect du jugement, sans doute le plus susceptible de toucher ses électeurs. Contrairement au MoDem, dont les responsables ont été jugés pour les mêmes faits, le RN n’a jamais reconnu une erreur, présenté des excuses ou même un début de regret, devant la cour. La principale condamnée a quitté le tribunal précipitamment, sans un mot ou un regard de solidarité pour ses camarades jugés avec elle.
Marine Le Pen quitte la salle d’audience avant la fin du délibéré et de la lecture de l’énoncé de sa peine. pic.twitter.com/cDiN0WCYbQ
— CLPRESS / Agence de presse (@CLPRESSFR) March 31, 2025
Avec ce verdict, le RN perd-t-il son principal moyen de pression sur le gouvernement que représente la censure? « C’est à double tranchant car Marine Le Pen pourrait décider de l’activer avant l’été pour montrer à quel point Emmanuel Macron et les gouvernements successifs sont faibles », déclare le conseiller politique Jean-Bernard Gaillot-Renucci. A l’automne dernier, d’abord conciliante envers Michel Barnier, Marine Le Pen n’a pas hésité à le faire éjecter une fois les réquisitions connues. « C’est un peu la politique de la terre brûlée mais cela lui permettrait de vendre le RN pour 2027, quel que soit le candidat », ajoute l’expert. L’absence de soutien envers Marine Le Pen de la part de Jordan Bardella alimente les rumeurs sur une possible candidature en parallèle au RN en 2027. « Et si le parti se déchirait à nouveau entre plusieurs courants, par exemple celui des historiques, représenté par Louis Aliot »?
Jean-Luc Mélenchon« La décision de destituer un élu devrait revenir au peuple »
La patronne des députés RN peut cependant se réjouir du soutien qu’elle a reçu, de part et d’autre de l’échiquier politique, sur sa peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. « Nous sommes pour que tous les recours soient épuisés », réagit ainsi le député LFI Eric Coquerel, regrettant le « principe » d’exécution provisoire, tout en pointant les « élus qui ont voté pour aggraver les lois », en la matière. La défense des Insoumis est habile, alors que Jean-Luc Mélenchon est lui même soupçonné d’avoir utilisé ses assistants parlementaires pour son activité politique en France (Libération, 28 mars 2025). « La décision de destituer un élu devrait revenir au peuple », a d’ailleurs commenté le chef des insoumis ce 31 mars.
Procès du RN : « La décision de destituer un élu devrait revenir au peuple », estime Jean-Luc Mélenchon ➡️ https://l.humanite.fr/oUd
— l'Humanité (@humanite.fr) 31 mars 2025 à 14:15
[image or embed]
A droite, Laurent Wauquiez ou encore Gérald Darmanin ont eux aussi publiquement regretté cette mesure. Une position partagée par par Eric Zemmour, qui estime que « ce n’est pas aux juges de décider pour qui doit voter le peuple ». « Le destin démocratique de notre nation confisqué par une cabale judiciaire indigne. La candidate favorite à l’élection présidentielle empêchée de se présenter. Ce n’est pas un simple dysfonctionnement, c’est un système de captation du pouvoir qui écarte systématiquement tout candidat trop à droite en mesure de gagner, de François Fillon à Marine Le Pen », déplore pour sa part Eric Ciotti, allié de la patronne du RN.
Nous dévoilons les dérives de la politique et des médias, grâce à vous.
Fondé fin 2021 en marge du système médiatique, Off Investigation existe grâce au soutien de plus de 6000 personnes.
Résultat : des centaines d’enquêtes écrites déjà publiées sans aucune interférence éditoriale et douze documentaires d’investigation totalisant plus de 7 millions de vues !
Cette nouvelle saison 2024-2025, nous faisons un pari : pour maximiser l’impact de nos articles écrits, TOUS sont désormais en accès libre et gratuit, comme nos documentaires d’investigation.
Mais cette stratégie a un coût : celui du travail de nos journalistes.
Alors merci de donner ce que vous pouvez. Pour que tout le monde puisse continuer de lire nos enquêtes et de voir nos documentaires censurés par toutes les chaînes de télé. En un clic avec votre carte bancaire, c’est réglé !
Si vous le pouvez, faites un don mensuel (Sans engagement). 🙏
Votre contribution, c’est notre indépendance.