Fusion de l’audiovisuel public
Les grands reporters inquiets

Cérémonie de remise des prix du Festival International du Grand Reportage d'Actualité, à Douai, le 1er juin 2024 (vidéo FIGRA)

Au cours de la 31ème édition du Festival International du Grand Reportage d'Actualité (FIGRA) organisée à Douai (Nord) du 28 mai au 1er juin, Plusieurs figures du grand reportage télévisé se sont inquiétées du projet gouvernemental de fusionner l'audiovisuel public.

"Holding". En cette soirée de remise des prix de la 31ème édition du Festival International de Grands Reportages d'Actualité (FIGRA), le 1er juin dernier à Douai (Nord), les figures du grand reportage appellées à remettre des prix sur scène semblaient n'avoir que ce mot à la bouche.

Président du prix Albert Londres et longtemps figure de l'investigation à France Télévisions, le journaliste Hervé Brusini a mis d'emblée les pieds dans le plat « À quoi sert cette holding dénoncée par plusieurs anciens ministres de la culture ? » a-t-il interrogé, avant de lire un texte dénonçant le fait de bombarder des enfants (une allusion à la guerre qu'Israel mène depuis 9 mois à Gaza, avec un bilan approchant déja les 50 000 morts).

Maître de la cérémonie et par ailleurs patron de Complément d'enquête (France 2), la dernière émission d'investigation généraliste de l'audiovisuel public, Tristan Waleckx s'est également intérogé sur ce projet de "holding". Confié par Emmanuel Macron à Rachida Dati, cette fusion annoncée de France Télévisions, Radio France, l'Ina et France media monde en 2026 a été adoubée par Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions. Mais elle est très contestée par les salariés de l'audiovisuel public, qui redoutent un contrôle accru du gouvernement sur leurs lignes éditoriales.

En janvier, la société des journalistes de France Télévisions avait déja exprimé de sérieuses critiques contre l'interdiction faite à Complément d'Enquête d'enquêter sur des macronistes comme Gabriel Attal ou Rachida Dati ou de redifuser une émission embarassante pour Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée, mis en examen en septembre 2022 pour "prise illégale d'intérêt".

Interrogée quelques semaines plus tard à l'assemblée nationale par des députés Rassemblement National sur le "deux poids deux mesures" de Complément d'enquête, Delphine Ernotte avait pretexté - sans convaincre - un problème de "temps de parole durant les élections européennes".

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Des budgets "difficiles" pour l'investigation

Pour revenir au palmarès du FIGRA, le "grand prix du jury - de 40 minutes" a été attribué à "Sénégal, l'exode des pêcheurs", Fabien Fougères et Thomas Pham-Hong. Après la remise du "prix SCAM de l'investigation" à « Victimes de l’église, l’impossible réparation », un documentaire réalisé par Julie Lotz, son producteur Eric Colomer (Dreamway) a estimé que les budgets actuellement alloués par France Télévisions aux documentaires d'investigation étaient modestes, et qu'ils ne permettaient pas de rémunérer les journalistes correctement durant leurs enquêtes. « Les budgets de l’investigation sont difficiles, pour les réalisateurs, les sacrifices financiers sont durs. Julie a travaillé un an, c'est un choix, un sacrifice financier ». On sort d’un âge d’or de l’investigation, on a connu pendant 20 ans une belle épopée, il y a de moins en moins de cases d’investigation. Je suis néanmoins content, comme Hervé Brusini, de continuer à « porter le fer dans la plaie ». 

Off investigation primé

Même esprit de résistance pour Gaeëlle Borgia. Journaliste, Prix Pulitzer 2020 avec The New York Times (Madagascar) elle a annoncé ainsi l'attribution du "Prix du jury + de 40 minutes" à "Guerre des arbres, Macron derrière la déforestation" (Clarisse Feletin, Off investigation) : « On a aimé que ce soit un reportage de terrain, à hauteur d’homme, émouvant, drôle, un vrai reportage, et aussi une enquête très solide, aboutie, qui montre de façon précise les conflits d’intérêt entre le monde des affaires et la politique ».

Émue, Clarisse Feletin a rendu hommage à Georges Marque-Bouaret, défenseur acharné du grand reportage et infatigable organisateur du FIGRA depuis 1993. « Merci à Georges, je retrouve la famille. Quand on bosse seuls, on pense à la communauté. Quand on entend Hervé (Brusini) évoquer Albert (Londres), cela redonne du courage. J’espère qu’avec ce prix, les combats des défenseurs du vivants seront plus médiatisés. C'est un beau coup de projecteur sur ces personnes très courageuses qui pensent à l’avenir de nos enfants. Le réchauffement climatique s’impose à tous ». 

Revenant sur les problèmes de financement évoqués par Éric Colomer, Tristan Waleckx s'est montré concerné par le problème : « Faire du journalisme indépendant, cela ne paye pas toujours. On a des contraintes budgétaires, on voudrait des « bonus investigation » du CNC ».

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