Depuis le 30 décembre, le hashtag #FreeDrHussamAbuSafiya prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux. De nombreux professionnels de santé, dont des soignants français, dénoncent la détention par l’armée israélienne du docteur Hussam Abu Safiya, directeur de l’hôpital Kamal Adwan dans le nord de Gaza. Contacté, l’ancien président de Médecins Sans Frontières Rony Brauman estime qu’Israël cherche à « faire fuir l’intégralité de la population » du nord de l’enclave palestinienne, afin de s’y « réimplanter ».
Le 1er janvier 2025, Zoé, médecin généraliste dans l’ouest de la France, poste une photo d’elle sur X tenant une pancarte sur laquelle on peut lire : #FreeDrHussamAbuSafiya, #EndTheGenocide. Sous sa photo, elle demande la libération immédiate du docteur Hussam Abu Safiya et la protection des hôpitaux et des soignants à Gaza. A l’heure où nous écrivons ces lignes, sa publication a été vue plusieurs centaines de milliers de fois. Celle de son confrère canadien qu’elle a également repartagée en est déjà à cinq millions de vues. De part et d’autre du monde, de nombreux professionnels de la santé relaient leur solidarité avec le directeur de l’hôpital Kamal Adwan, sous le feu de l’armée israélienne depuis plusieurs mois.
Je m'appelle Zoé, je suis médecin généraliste.
Je demande la libération immédiate du Dr Hussam Abu Safiya, otage dans une prison israélienne.
J'appelle à la protecion des hôpitaux et des soignants à Gaza et partout dans le monde, et à la fin du génocide.#FreeDrHussamAbuSafiya https://t.co/LXT7uA3uor pic.twitter.com/Qyvsm698tJ
— Docteur Zoé (@Dr_Zoe_) January 1, 2025
En France, une publication semblable à celle de Zoé a été observée sur le compte du docteur retraité Christian Lehmann (près d’un demi million de vues), ou encore sur celui de l’urgentiste et militante de gauche Sabrina Ali Benali qui « demande la libération immédiate du Dr Hussam Abu Safiya, otage dans une prison israélienne » (presque 100 000 vues).
Le docteur Hussam Abu Safiya est, depuis le 28 décembre, détenu par l’armée israélienne dont les premiers relais médiatiques se sont empressés de dénigrer sa personne, assurant qu’il serait « faux de le considérer comme un simple médecin » en raison de ses liens présumés avec le Hamas (i24, 30 décembre 2024). Une séquence lors de laquelle les commentateurs de la chaîne de Patrick Drahi ont en revanche omis de préciser que l’hôpital du docteur Hussam Abu Safiya était considéré jusqu’à peu par l’OMS comme le dernier grand centre de santé du nord de Gaza. Il serait désormais hors service depuis le dernier assaut de l’armée israélienne.
Bien qu’il ait la nationalité russe, le directeur de l’hôpital avait refusé d’abandonner son travail en quittant l’enclave palestinienne. Il avait alerté ces derniers mois à plusieurs reprises sur la situation alarmante de son établissement.
🚨Le directeur de l'hôpital Kamal Adwan (nord de #Gaza) a filmé ce 10 octobre son établissement que l’armée 🇮🇱 menacerait d'un assaut imminent.
— Off Investigation (@Offinvestigatio) October 10, 2024
👉Une situation d'urgence qui ne semble pas encore avoir été évoquée à la télévision 🇫🇷
💥ISRAËL-PALESTINE : CES TÉLÉS QUI ONT CHOISI… pic.twitter.com/npuq6nV5WV
Contacté, Rony Brauman (médecin, militant humanitaire français et ancien président de Médecins Sans Frontières) s’est exprimé sur les appels à la libération du docteur Hussam Abu Safiya.
Que pensez-vous de cet appel des soignants à libérer le docteur Abu Safiya ?
Rony Brauman : Je pense que c’est une mobilisation absolument salutaire. Le personnel de santé est plus sensible aux attaques qui sont perpétrées contre les collègues, le personnel de santé. Il y a quelque chose d’un peu corporatiste, mais aussi de la solidarité humaine.
Rony Brauman, ancien président de Médecins Sans Frontières« C’est un cran de plus dans la descente aux enfers »
Et puis, l’attaque contre les centres de santé est une forme de crime de guerre particulièrement grave, à la fois moralement, juridiquement, politiquement. Il faut donc aussi se dresser contre cela. C’est un parmi des milliers de crimes commis par Israël à Gaza et je pense qu’il est vraiment très important de maintenir une mobilisation active.
Que symbolisent à la fois ce récent assaut israélien sur l’hôpital Kamal Adwan, et l’emprisonnement du docteur Abu Safiya ?
Rony Brauman : C’est un cran de plus dans la descente aux enfers. Déjà, les problèmes médicaux dépassent de très loin les problèmes de destruction des hôpitaux : des enfants meurent de froid, la famine progresse, les épidémies se répandent dans des conditions d’entassement, dans le froid, l’humidité, le stress, la promiscuité… Symboliquement, la destruction de cet hôpital vient signer la violence extrême, débridée, de cette politique.
« Le véritable objectif est d’implanter une stratégie de terreur pour faire fuir l’intégralité de la population du nord de Gaza »
Je pense qu’Israël, d’autre part, se ridiculise puisqu’il prétendait, dès le début, être venu à bout du Hamas dans la partie nord de Gaza. Ils ont déjà arrêté ce médecin il y a deux mois, ils l’ont relâché, ils l’arrêtent, ils le frappent, ils le mettent dans un centre de torture. Tout ça est totalement incohérent. La destruction du dernier hôpital encore à peu près fonctionnel montre que le véritable objectif est d’implanter une stratégie de terreur pour faire fuir l’intégralité de la population du nord de Gaza – et se réimplanter militairement ou civilement, je ne sais pas, dans cette partie.
« La France continue de soutenir Israël en dépit de l’apartheid, du génocide, de la boucherie, en dépit de toutes les exactions et les crimes dont Israël se rend coupable »
L’horreur continue, le génocide se produit, et malheureusement, à part la société civile, où les réactions sont nombreuses et actives, du côté de la classe politique en Europe, aux États-Unis, dans les pays qui se disent amoureux de la démocratie, aucune réaction n’a été entendue et c’est révoltant.
Le ministère français des Affaires étrangères a condamné le dernier assaut israélien visant l’hôpital de Kamal Adwan. Pourtant, l’hôpital était dans un état de siège depuis octobre. Pourquoi il n’y a aucune anticipation de la France sur les crimes commis à Gaza ?
Rony Brauman : Je pense que la France, comme la plupart des pays européens, continue de soutenir Israël en dépit de l’apartheid, du génocide, de la boucherie, en dépit de toutes les exactions et les crimes dont Israël se rend coupable. Pas tous, heureusement, on pense à l’Espagne, l’Irlande, la Norvège se sont manifestés de façon un peu plus active, même si c’est encore timide. Mais le soutien à ce pays reste très fort.
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