Alors que la justice est saisie pour des "faux en écriture publique" commis par des policiers du commissariat d’Auch, le Directeur départemental de la sécurité publique cherche à sanctionner… le lanceur d’alerte. Off investigation a eu accès à des échanges de mails qui trahissent ces petits arrangements entre amis au sein des forces de l’ordre.
« Mais enfin, Maître, pourquoi les policiers mentiraient ? » Cette phrase-là, tout avocat pénaliste l’a au moins une fois entendu lors d’une audience face à des magistrats accordant une présomption de bonne foi aux personnes dépositaires de l’autorité publique. Elle a par exemple dû être prononcée devant le jeune Alexandre C. (prénom d’emprunt) lorsqu’il a été condamné pour refus d’obtempérer… sur la base d’un procès-verbal frauduleux établi par des policiers.
Deux PV différents en une heure
Rappel des faits. Le 10 avril 2021, Alexandre C., 15 ans, emprunte la voiture d’un proche et roule sans permis dans Auch, la préfecture du Gers, au mépris du Code de la route si l’on en croit les premiers procès-verbaux des policiers qui le repèrent en patrouille. Poursuivi, Alexandre percute un trottoir faute de pouvoir freiner. Alors qu’il tente de s’enfuir à pied, les policiers le bloquent avec leur véhicule de fonction contre sa voiture. Sa jambe est alors écrasée sous l’impact, et, comme le révèleront nos confrères de La Dépêche du midi et du Canard enchaîné, il crie de douleur, ce qui pousse les policiers à reculer. Alexandre parvient finalement à s’enfuir, mais il est rattrapé à domicile peu de temps après les faits, puis déféré au tribunal et condamné sur la base des déclarations de Samuel et Elisa (prénoms d’emprunt), les policiers l’ayant pris en chasse.
Seulement voilà : il y a deux versions du procès-verbal dressé par ceux-ci, avec une différence flagrante entre les deux documents. Sur le premier PV, établi à 15 heures 57, les policiers écrivent : « Décidons à l’aide de notre véhicule […] de stopper sa progression en venant au contact de son véhicule pour éviter toute autres manœuvres dangereuses qui mettraient en danger les personnes se trouvant sur la voie publique. » Une heure plus tard à 16 heures 57, les policiers du commissariat d’Auch changent cette phrase : ils remplacent « en venant au contact » par « en bloquant son véhicule ».
Choqués par cette reformulation, plusieurs policiers font remonter l’information à un de leur collègues, Vincent (prénom d’emprunt), alors titulaire d’un mandat syndical chez Unité SGP Police-Force ouvrière. En octobre 2022 celui-ci dépose un signalement auprès de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Cette dernière saisit alors le procureur d’Auch au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale (CPP) qui oblige tout fonctionnaire à saisir sans délai le procureur de la République lorsqu’il a connaissance de faits pouvant constituer un délit ou un crime. Le procureur d’Auch choisit de dépayser l’affaire et transmet le dossier à son homologue d’Agen (Lot-et-Garonne), qui ouvre une enquête pour « faux et usage de faux en écriture publique aggravé ».Mais un des policiers impliqués dans l’affaire va encore faire parler de lui.