Thierry Vincent
EXCLUSIF : Diabolisés par les télévisions contrôlées par des milliardaires ou par l'État, les "Blacks bloc", ces jeunes manifestants radicaux qui veulent en finir avec le capitalisme refusent de parler aux grands médias. Auteur de "Dans la tête des Black blocs" (édition de l'observatoire, 2022), le journaliste Thierry Vincent a recueilli en exclusivité pour Off Investigation le témoignage de trois d'entre eux.
Paris, 19 janvier, première manifestation parisienne contre la réforme des retraites. Ils sont une quinzaine, jeunes filles et garçons, à tenir la banderole de leur lycée parisien qu'ils ont bloqué le matin même, avant d'en être dégagés, sans violence mais fermement, par la police. Pour beaucoup, c'est leur première manif. Certains sont vêtus de noir, avec capuches et masques sanitaires dissimulant leurs visages, adoptant le code vestimentaire des black blocs. Ils n'en sont pas, mais marquent par leur tenue un certain soutien. Parmi eux, Brian, 15 ans, en seconde. « J'ai pas forcément envie que des profs ou ma famille me voient dans la manif, voilà pourquoi je m'anonymise. Je n'ai pas l'intention de commettre de violences, mais comme certains de mes camarades, j'ai adopté ce look pour montrer une certaine radicalité et une certaine solidarité avec les black blocs, même si je n'ai pas leurs pratiques. Mais je comprends ».
" Tout le monde déteste la police "
Slogan repris par les manifestants contre la réforme des retraites
Dans la manif, ces jeunes lycéens défilent juste derrière le cortège de tête, composé de manifestants radicaux, pacifiques ou pas. Eux défilent hors des cortèges syndicaux traditionnels, marquant ainsi leur défiance à l’égard de ces derniers, voire une certaine sympathie pour les black blocs. Juste derrière eux, Brian et ses camarades reprennent en chœur les slogans classiques entonnés par les radicaux : « Tout le monde déteste la police », « Ha, ha, anti, anti capitaliste », « siamo tutti antifascisti » (nous sommes tous antifascistes). A son assurance, on devine que Brian connaît la musique. « Je suis allé en manif plus jeune avec mes parents, ma première fois seul c'était le 1er mai dernier, et depuis je n'ai raté aucune manif sociale, je connais un peu ».
Que l'on ne s'y trompe pas : malgré cet air de joyeux chahut qui flotte sur le cortège lycéen, les jeunes, à l'image de Brian, ne font pas que reprendre bêtement les slogans entendus. Politiquement, Brian se situe clairement à l'extrême gauche anti capitaliste et ne croit ni aux votes, ni aux luttes classiques : « le capitalisme n'est pas réformable, et il y a urgence à s'en débarrasser, c'est un système injuste et destructeur à assez court terme pour la planète. Le vote, si c'est pour choisir entre l'ultra capitalisme de Macron et le fascisme, non merci. Et quand la puissance médiatique est détenue par quelques milliardaires capitalistes qui défendent leur camp social, eh ben c'est pas avec des élections qu'on risque de changer radicalement les choses ».