Le 7 octobre, le Hamas attaque l’Etat d’Israël. Depuis, le conflit polarise les médias français. Daniel Schneidermann, ancien grand reporter au Monde et fondateur du média indépendant Arrêt sur Image, tente de décrypter le traitement de cette guerre sur nos écrans.
Rarement, un conflit n’avait autant électrisé le champ médiatique français. Comment parler d’un conflit vieux de 75 ans, en particulier en France, ou nous comptons les plus grandes communautés juives et musulmanes d’Europe ? Quels sont les mots les plus justes pour parler des massacres de civils commis par le Hamas ou des crimes de guerre commis par Israël à Gaza ? Les médias français ont-ils déjà choisi leur camp ? Daniel Schneidermann nous livre son regard.
Clémentine Mariuzzo : Y-a-t-il une asymétrie du traitement médiatique entre les victimes civiles israéliennes et victimes civiles palestiniennes ?
Daniel Schneidermann: Je pense que les médias audiovisuels et notamment les chaines d'infos, sont plutôt du côté israélien que du côté palestinien. Si on mesurait chaque soir le temps d'antenne consacré aux victimes israéliennes et celui consacré aux victimes palestiniennes des bombardements israéliens à Gaza, il y aurait davantage de temps consacré aux souffrances israéliennes qu’à celles des Palestiniens. Ça ne joue pas seulement sur les temps d'antenne, ça se joue aussi sur des détails de narration parfois inconscients.
Par exemple, désigner les victimes israéliennes en parlant de « civils », pour appuyer le fait que le Hamas sort des règles de la guerre : c’est tout à fait normal. En revanche les victimes des bombardements israéliens à Gaza sont rarement désignées comme des victimes civiles, mais seulement comme des « morts palestiniens ». Pourtant ce sont de la même manière des familles civiles qui sont frappées dans les bombardements, des enfants, des vieux, des femmes. Comparé à la presse audiovisuelle, dans une dépêche d'agence le procédé est plus discret et donc plus sournois.