À moins de cent jours de l’ouverture de Paris 2024, les habitants de Seine-Saint-Denis continuent de subir la "dépossession" de leur territoire, liée à l’organisation des JO au profit d’intérêts privés. Non sans secousses sociales, économiques et écologiques, raconte Jade Lindgaard, journaliste à Mediapart, dans son livre Une ville face à la violence olympique (Divergences, 2024).
Paris accueillera, cet été, les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). C'est traditionnellement le plus gros évènement médiatique et marketing au monde. Près de seize millions de visiteurs, 10 500 athlètes, 50 000 volontaires, 25 000 journalistes sont attendus. Derrière le faste, il y a les délaissés des stades auxquels Jade Lindgaard, habitante de la Seine-Saint-Denis, a voulu donner un visage. Au cœur de son livre, une question : pour qui construit-on les Jeux ?
1500 personnes délogées
Selon l’estimation de Jade Lindgaard, au moins mille-cinq-cents personnes, majoritairement racisées, résidentes des quartiers populaires, squats ou foyers de travailleurs sans papiers, ont déjà été délogées de manière définitive au nom de cet "intérêt national". Il n’y a souvent aucune solution digne de relogement ou de possibilité d'hébergement d'urgence. Dernière illustration, le 17 avril dernier, avec l'évacuation du plus grand squat de France à Vitry-sur-Seine abritant jusqu'à 450 migrants, pour la plupart en situation régulière selon plusieurs associations.
C’est sans compter les victimes indirectes des chantiers parallèles, difficilement attribuables aux seuls JOP, dont plusieurs lignes de métro du Grand Paris. Dans une note de février dernier, le Secours Catholique craignait un "nettoyage social". "Cette édition s’inscrit déjà dans une longue tradition d’expulsions dans le cadre des grands rassemblements sportifs, JOP en tête", souligne Jade Lindgaard dans son livre. En 2007, un rapport de l’ONG COHRE a estimé à deux millions le nombre de personnes délogées pour cause d’Olympiades. Cette "violence urbaine" accélère en réalité un phénomène de gentrification commun aux métropoles du globe. C’est le même remplacement à marche forcée d’une population, précarisée, par une autre, plus fortunée, répondant à l’idéal de la ville neuve où les quartiers ne serait plus populaires mais attractifs.