
Off Investigation révèle que lorsque l’affaire du compte suisse de Jérôme Cahuzac éclate en décembre 2012 dans Mediapart, le tout Paris politique est au courant depuis des mois. Dès janvier 2012, une meute de « privés » est déjà aux trousses du futur ministre de François Hollande. Un mois avant le premier tour de la présidentielle de 2012, l’une de ces agences établit formellement l’existence d’un compte secret initialement ouvert en Suisse, à l’UBS, avant de migrer à Singapour. Une bombe politique transmise à l’UMP qui restera sans suites… Mais ce secret de campagne se répand immédiatement. Tout le monde sait. Sauf François Hollande, qui découvre l’impensable en lisant Médiapart, sept mois après son accession à l’Élysée. Une version qui résiste mal à la chronologie des faits.
L'affaire Cahuzac demeure dans les mémoires comme l’un des scandales politico-financiers majeurs de la Ve République. Elle éclate en décembre 2012 sous la présidence de François Hollande fraîchement élu à l’Elysée. Jérôme Cahuzac, figure montante du parti socialiste (PS) est alors ministre délégué au Budget et l’un des hommes forts du gouvernement socialiste.
Le 4 décembre 2012, Mediapart l’accuse de détenir un compte bancaire secret à l’étranger sur lequel dorment 600 000 euros. C’est le tollé, l’impensable : le ministre en charge de la lutte contre la fraude fiscale est détenteur d’un compte secret en Suisse depuis des années ! S’ensuit le lendemain, en direct à la télévision, une séquence d’une intensité rare au cours de laquelle lors de la séance des questions au gouvernement, de son banc de ministre à l’Assemblée nationale, Cahuzac répond à cette accusation. Avec toute l’autorité dont il est capable, il le jure : « Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte à l’étranger, ni maintenant, ni avant. »
On connaît la suite. Au terme d’une violente bataille médiatique de plusieurs mois, assortie de quelques savantes manœuvres judiciaires en coulisses, le ministre met les pouces et passe aux aveux en avril 2013. En ce tout début de quinquennat Hollande, c’est un coup dur pour le « Moi Président » apôtre de la « République exemplaire ». C’est peu dire que le cours du « tous pourris » est à la hausse. De cette affaire, naîtront en 2013 une commission d’enquête parlementaire dédiée à l’affaire, et un « Parquet national financier », dit PNF, pour lutter contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière.
Jusqu’à ce jour, la question a certes été effleurée, mais jamais vraiment explorée. Que savait précisément François Hollande du compte secret de Jérôme Cahuzac ? Quand en a-t-il pris connaissance ? Avant la campagne présidentielle ? Pendant ? Ou en lisant Mediapart en décembre 2012, comme il l’a toujours soutenu ? Interrogé à ce sujet, l’ancien Président nous a fait répondre par son attachée de presse qu'il n’avait "pas eu vent de cette affaire avant l’article de Mediapart".
Une certitude, entre la révélation et les aveux, durant six mois, François Hollande est resté singulièrement inerte. Il lui faudra attendre la confession de son ministre pour dénoncer « un outrage à la République ». Pourtant, dès le printemps 2012, un mois avant le 1er tour de la présidentielle, le tout Paris politique était solidement au parfum du compte suisse de Jérôme Cahuzac. A l’extraordinaire exception de celui qui s’apprête à diriger la sixième puissance mondiale : François Hollande…
Tout commence par un « pocket call » fin 2000
L’affaire Cahuzac se déroule en deux temps et deux lieux géographiques bien distincts. A la fin de l’année 2000, alors député du Lot-et-Garonne, Jérôme Cahuzac est victime d’un malheureux « pocket call ». Il transmet – à son insu – une conversation hautement sensible dans laquelle il évoque avec son chargé de compte en Suisse, le souci qu’il a de se débarrasser du compte qu’il détient alors à l’Union des banques suisses (UBS). « Ce qui m'embête, c'est que j'ai toujours un compte ouvert à l'UBS. Ça me fait chier d’avoir un compte ouvert là-bas, UBS, c’est quand même pas forcément la plus planquée des banques. »
Mauvaise pioche, cet échange atterrit sur la boîte vocale du portable de Michel Gonelle, avocat, maire de Villeneuve-sur-Lot (47), ex-député UMP, délégué national de l’UMP pour le Lot. Il est surtout le meilleur ennemi politique de Cahuzac… La durée de vie du message étant de 14 jours, Gonelle s’empresse d’en faire des copies, certifiées par huissier. Par la suite, il n’aura de cesse de suggérer à tous ceux qui, à un titre ou à un autre, sont en position de nuire à son adversaire, de diffuser l’information ou de l’exploiter.