Les Soulèvements de la terre appellent à « démanteler l’empire Bolloré »

Vincent Bolloré
Vincent Bolloré, président du groupe éponyme (photo DR)

En ce lundi 15 juillet où les dirigeants de Cnews vont être auditionnés par l’Arcom pour le renouvellement de leur fréquence TNT, Les Soulèvements de la terre, qui avaient appelé à la manifestation de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en mars 2023 (200 blessés) appellent à « démanteler le groupe Bolloré ». Échaudées par ses pratiques « coloniales », estimant que « Bolloré est de tous les ravages », une quarantaine d’organisations ont signé cet appel à saboter l’empire du milliardaire breton d’extrême droite qui met depuis quelques années son empire médiatique au service du Rassemblement National.

« Unir nos forces contre les vecteurs de fascisation de la société », et donc contre le groupe Bolloré, « acteur du ravage écologique, de l’exploitation néocoloniale » et « levier majeur de la conquête du pouvoir par l’extrême droite ». C’est en ces termes que les Soulèvements de la terre, collectif informel luttant contre les atteintes à l’environnement et à la démocratie, démarre son appel à « désarmer le groupe Bolloré ».

En mars 2023, les Soulèvements s’étaient fait connaitre du grand public en appelant avec la coordination paysanne et « Bassines non merci » à manifester contre la mégabassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Face à près de 20 000 manifestants, plus de 3500 gendarmes avaient reçu de Gérald Darmanin l’ordre d’empêcher coûte que coûte l’accès au chantier, quitte à tirer sur la foule à l’arme de guerre. En quelques heures, plus de 5000 munitions avaient été utilisées, faisant plus de 200 blessés. Plus grave: les autorités avaient bloqué l’arrivée des secours durant près de deux heures, aggravant le sort des blessés. Ce fut la plus grave répression organisée sous la Vème République depuis le 17 octobre 1961, comme nous vous le racontions dans cet épisode :

Sainte-Soline, autopsie d’un carnage, Clarisse Feletin et Maïlys Khider, Off Investigation, mars 2024.

Suite à cette manifestation, le ministère de l’intérieur avait tenté de « dissoudre » les Soulèvements de la terre. Mais le Conseil d’Etat avait retoqué cette dissolution, démontrant que s’ils assumaient de s’en prendre aux biens, les Soulèvements n’avaient « jamais appelé à s’en prendre à des personnes ».

Depuis, à l’instar de nombre d’organisations de défense de la planète, l’organisation est particulièrement surveillée par l’Etat. Un Etat macroniste qui collabore largement avec le système Bolloré, notamment en choisissant ses médias comme principal vecteur de sa communication. En ce 15 juillet, Les Soulèvements appellent néanmoins à « enquêter minutieusement sur l’empire Bolloré ». À « afficher partout ses crimes, dans les rues, sur les réseaux et dans ses entreprises ». Conformément à leurs habitudes, Les Soulèvement vont plus loin : « Bloquons ses plateaux télés, occupons ses dépôts pétroliers, soutenons les luttes syndicales à l’intérieur de ses entreprises et médias, vendangeons ses vignes, redistribuons son fuel domestique à celleux qui galèrent à se chauffer, traquons le traceur, tissons des alliances internationales, organisons des boycotts, virons ses chaînes de la TNT et soutenons la création et l’assise de contre-pouvoirs médiatiques puissants !« .

Nul doute qu’au regard de ces projets, les services de renseignements risquent d’accentuer leur surveillance des Soulèvements de la Terre.

Appel à désarmer l’empire Bolloré

Alors que l’Arcom étudie ce lundi 15 juillet la réattribution des fréquences TNT pour la chaîne Cnews,  une centaine d’organisations syndicales, antiracistes, féministes et écologistes lancent  une campagne d’action contre le groupe Bolloré. Si l’on peut se réjouir provisoirement que le Rassemblement National n’ait finalement pas réussi à l’emporter lors de ces élections, celui-ci compte bien poursuivre sa conquête des territoires et des imaginaires. Nous devons, sans attendre de prochaines échéances électorales, unir nos force contre les vecteurs de fascisation de la société. Nous appelons en ce sens à mener partout bataille contre Bolloré : parce que c’est un acteur du ravage écologique, de l’exploitation néo-coloniale mais aussi parce qu’il est devenu en quelques années un levier majeur de la conquête du pouvoir par l’extrême droite. 

Bolloré, directeur de la propagande

Bolloré met un ensemble toujours plus grand de médias de masse à disposition d’une politique ouvertement raciste. Sur des chaînes, les Éric Zemmour, Pascal Praud et autres commentateurs radicalisés disent qu’ils œuvrent pour une mission « civilisationnelle ». Leur projet est clair : nourrir le fantasme d’une nation pure en organisant la grande remigration.

Ce projet glaçant suit un plan précis dont Bolloré est devenu l’aiguille et le fil à coudre. Qui Éric Ciotti va-t-il voir avant d’appeler à l’alliance du RN et de LR ? Qui met Cnews, Europe 1 et Hanouna au service de cette « union des droites » ? Vincent Bolloré, comme le révélaient récemment Le Monde et Arrêts sur images. C’est une question d’habitude pour le milliardaire déjà mis en cause pour la manipulation de plusieurs scrutins présidentiels en Afrique. Au-delà du déluge xénophobe,la bollosphère fait chaque jour la promotion de discours sexistes et homophobes légitimant les violences contre les femmes et les personnes LGBTQI+. Elle alimente la négation de la crise climatique et oeuvre sans relâche à ce qu’il ne soit pas fait obstacle à ceux qui tirent profit de la dévastation écologique. Bolloré est en guerre pour l’hégémonie culturelle, la conquête des imaginaires et la fabrique du consentement au pire. Si le RN est passé tout prêt de gagner les élections et prendre le pouvoir, c’est en partie son œuvre, comme le montrait récemment Arrêts sur images et Le Monde. Il est la cheville ouvrière de l’union des droites, de l’alliance objective entre le bloc libéral et le bloc néo-fasciste. Cette alliance colle parfaitement à ses intérêts de classe et à ses convictions politiques.

Bolloré, un empire industriel climaticide, néo-colonial et sécuritaire

Pour tirer les ficelles, il faut s’en donner les moyens. Avant de se révéler propagandiste en chef, Bolloré est bien un capitaine d’industrie. Il dirige un groupe international aux multiples filières dont les activités se divisent en plusieurs branches.

  • La plus connue est la branche « communication » avec Vivendi et Universal. En 20 ans, Bolloré a patiemment construit sa machine à communiquer et façonner les esprits. Journaux gratuits, institut de sondage, groupes publicitaires, puis chaînes de télévisions, radios, magazines et maisons d’édition. Avec la brutale prise de contrôle de Canal + et Europe 1, les licenciements massifs à I-Télé et la montée de CNews, ce puissant appareil s’est mis de plus en plus ouvertement mis au service des idées les plus réactionnaires. Les sanctions financières de l’ARCOM, (instance de régulation de l’espace audiovisuel), suite aux appels à la haine, aux visées monopolistiques, et à la partialité des médias du groupe se multiplient, mais n’ont fait jusqu’alors ni chaud ni froid à Bolloré. Il possédera aussi bientôt l’édition de la moitié des livres de poche et plus de 70% des livres scolaires du pays. L’impact possible sur ce secteur en cas de ministre de l’éducation d’extrême droite est tout simplement alarmant.
  • La branche historique est la branche industrielle, qui se concentre autours de Bolloré Energy, qui détient plusieurs dépôts pétroliers, vend du fuel domestique, et de Blue qui rassemble des activités liées aux flux de déplacements et de données. Il est sans surprise un acteur majeur de diverses entreprises qui ont pour point commun le développement et l’automatisation des moyens de surveillance en tous genres : automatisation du contrôle d’accès et de la gestion des flux (Automatic Systems), sécurisation de l’espace public (Indestat), puces RFID et tracking (Track & Trace), conseil en numérique au service de la ville connectée (Polyconseil)…
  • Sa branche logistique en a fait un des poids lourd du fret aérien, maritime et routier mondial, organisant le transport de marchandises aux dépends des productions locales, des conditions de travail comme du climat. La vente récente de ce pôle à CMA CGM patrons pour leur part de BFM-TV et RMC,  a offert à Bollore les moyens d’influencer considérablement la politique française.
  • Enfin, une grande partie des profits de Bolloré se fait depuis sa branche « agricole ». Il a bâti sa fortune sur la culture et la vente de tabac en Afrique. Outre ses domaines viticoles de prestige en France, il est le second actionnaire de la holding luxembourgeoise Socfin qui contrôle environ 390 000 ha de concessions de palmiers à huile et d’hévéa en Afrique et en Asie. Déforestation, spoliation des terres, mauvais traitement des populations riveraines, conditions de travail inhumaines, etc. Malgré la procédure judiciaire en cours pour ces violations répétées des droits humains sur ses plantations, malgré la reconnaissance formelle de ces violations par diverses institutions financières, malgré des missions d’évaluation commanditées par Socfin auprès de la Earthworm Foundation pour « réfuter ces accusations » mais qui n’ont pu que constater et prendre acte de la réalité de ces violations, Socfin n’en continue pas moins de prospérer en toute impunité.

Bolloré est de tous les ravages. C’est un groupe fondé sur un système colonial qui perpétue sciemment des pratiques esclavagistes. C’est un industriel qui fait son profit des logiques extractivistes les plus dévastatrices. C’est un expropriateur de terres. Un patron menant pour ses employé·es de violentes politiques de casse sociale et de terreur managériale. Son empire est tentaculaire. Mais pour celleux qui estiment qu’il est temps d’y mettre fin, cela signifie une chose. Il est possible de nous rassembler en un large front à la fois syndical, social, écologiste, féministe, décolonial, antifasciste et international.

Désarmer le groupe Bolloré

Ses dernières années, sur le terrain des luttes écologiques, des campagnes d’actions internationales contre des industriels comme Lafarge-Hocim ou Total ont vu le jour. Des collectifs antifascistes, présents dans de nombreuses villes, quartiers populaires et territoires ruraux, mènent une résistance de terrain. Les derniers mouvements sociaux ont démontré qu’un syndicalisme combatif existe toujours. De larges mobilisations féministes et LGBTQI+ prennent les rues. Des mouvements dévalidistes nous appellent à substituer une culture du soin au culte de la force. De mouvements antiracistes et décoloniaux luttent au quotidien dans les quartiers populaires. Des réseaux de solidarité œuvrent à maintenir des territoires d’accueil pour les personnes exilées. Bolloré est une menace pour nous tous.tes. Mais ensemble, nous sommes fort.es d’une immense expérience de lutte. Nous appelons donc à une campagne commune – dans les prochaines, semaines, mois et années – pour démanteler l’empire Bolloré.
Alors qu’il baillonne la critique de ses activités dans ses propres médias, comme le rappellait récemment Sherpa, nous appelons à enquêter minutieusement sur son empire, à regrouper des témoignages, à ce que des infos fuitent en son sein et à les regrouper, à afficher partout ses crimes, dans les rues, sur les réseaux et dans ses entreprises.
Son agenda politique s’attaque aux vies de millions de personnes. Nous y répondrons dorénavant par des mobilisations, de masse ou décentralisées, qui pointent le groupe et l’impactent concrètement. 
Bolloré ne s’incruste pas seulement dans nos cerveaux, il est souvent présent matériellement – avec ses bureaux et entrepôts – à côté de chez nous. De multiples actions sont possibles si nous les menons ensemble. Bloquons ses plateaux télés, occupons ses dépôts pétroliers, soutenons les luttes syndicales à l’intérieur de ses entreprises et médias, vendangeons ses vignes, redistribuons son fuel domestique à celleux qui galèrent à se chauffer, traquons le traceur, tissons des alliances internationales, organisons des boycotts, virons ses chaînes de la TNT  et soutenons la création et l’assise de contre-pouvoirs médiatiques puissants !

L’extrême droite croît sous perfusion de Bolloré, ensemble coupons-lui les vivres !

Signataires de l’appel :

Action Justice Climat

Action Non-Violente COP21 (ANV-COP21)

Action antifasciste paris – banlieue

Alternatiba

Anti-Tech Resistance

Association Handi-Social

Attac France

Avis de Tempête

BLOOM

Collectif Vietnam Dioxine

Contre-attaque

Decolonial Film Festival

Extinction Rebellion France

fédération SUD-Rail

Front de la jeunesse en lutte

Ingénieurs Sans Frontières France

Le Printemps du CARE

Les Soulèvements de la terre

Makery.info

Palestine Action France

PEPS (pour une écologie populaire et sociale)

ReAct Transnational

Riposte Alimentaire

Scientifiques en rébellion

SNJ Cgt

SNJ-CGT

Survie

Terres de luttes

Union Syndicale Solidaires

Vous N’êtes Pas Seuls (VNPS)

Locaux –

Action Antifasciste Deux Sevres

Action Antifasciste La Roche-Banlieue et Bastyon de Résistance

Action Antifasciste Tolosa

Alerte Pesticides Haute Gironde

Assemblée Populaire d’Auxerre

Association L’Offensive

ATTAC 17 (Association locale de Charente Maritime )

Attac 33

Attac 85 et GP2ï (Grands Projets Irresponsables et Imposés)

Bibliothèque Fahrenheit 451

CNT 34 ESS

CNT-STAF29

CNT66

CNT ETPICS66

Collectif Alsace des luttes paysannes et citoyennes

Collectif Bassines Non Merci 79

Collectif transitions périgord noir

Cristal

Émancipation 17