Arrivé à Mayotte le 19 décembre, quelques jours après le passage du cyclone Chido qui a dévasté ce département français de l’océan Indien, Emmanuel Macron a été sommé de s’expliquer par les sinistrés au cours d’échanges souvent musclés.
À l’aéroport, au centre hospitalier ou encore dans les rues de Mamoudzou et des bidonvilles aux alentours, Emmanuel Macron a été constamment interpellé par des habitants animés par la colère et la détresse face aux travaux colossaux qui s’annoncent pour reconstruire l’archipel. Dernier exemple en date sur l’île de Petite-Terre, à Pamandzi, où plusieurs Mahorais ont hué le président et appelé à sa démission. « De l’eau, de l’eau, de l’eau ! », « Tu racontes des salades »…
Les critiques semblent fuser à chaque déplacement du chef de l’État au sein de ce département le plus pauvre de France, raconte Le Figaro. N’arrivant pas à apaiser ses nombreux détracteurs, le président de la République aurait fini par lâcher : « C’est pas moi le cyclone ! Je ne suis pas responsable ! ».
Emmanuel Macron, Président de la République« Si c’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! »
Une séquence diffusée sur les réseaux sociaux par le média Brut fait particulièrement réagir. On y voit un échange pour le moins enflammé entre Emmanuel Macron et une sinistrée mahoraise, exprimant sa colère un micro à la main. Une fois n’est pas coutume, après avoir tenté de lui arracher le micro des mains, le chef de l’État s’emporte devant les caméras. « Si vous opposez les gens, on est foutus ! Parce que vous êtes contents d’être en France ! Parce que si c’était pas la France, je peux vous dire que vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! », tente-t-il de se faire entendre au milieu du brouhaha. Avant de conclure : « Ça m’énerve, parce que c’est irrespectueux ! ».
🇾🇹 Le président français Emmanuel Macron a été hué et pris à partie jeudi soir par une foule en colère à Mayotte, archipel dévasté par le cyclone Chido #AFPVertical ⤵️ pic.twitter.com/tO4wWvyAkI
— Agence France-Presse (@afpfr) December 20, 2024
« Aurait-il fait ce genre de remarques à des habitants d’un département de l’Hexagone qui auraient été victimes d’une telle catastrophe ? », s’interrogeait France Télévisions le lendemain de ce coup de sang présidentiel.
Dans le département le plus pauvre de France, l’ampleur du cyclone a souvent semé la désolation. Plus de 100 000 habitants, soit un tiers de la population, vivaient dans des habitations précaires selon La Dépêche. Près d’une semaine après le passage du cyclone, l’eau et l’électricité manquent toujours cruellement. Elles seront rétablies au mieux ce vendredi pour certaines communes, pour d’autres, il faudra attendre au minimum « plusieurs semaines ».
Un retour à Paris retardé de 24h
Face à l’importante contestation, Emmanuel Macron a été contraint de renoncer à redécoller pour Paris quelques heures après son arrivée, comme c’était prévu initialement. Il a été contraint de prolonger son séjour. « J’ai décidé de dormir ici parce que je considérais que compte tenu de ce que vit la population », repartir le jour même aurait pu « installer l’idée qu’on vient, on regarde, on s’en va », a-t-il expliqué plus tard dans la soirée. Une allusion voilée à la façon dont avait été (mal) perçu son coup de communication contre la drogue à Marseille ces derniers mois. Dans les prochaines heures, il se rendra dans des zones éloignées de l’île, où les secours mettent plus de temps à intervenir, et où l’eau potable et l’électricité sont plus longues à être rétablies.
Emmanuel Macron en 2023 (source Le Monde)« Le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou ».
La situation est d’autant plus délicate pour Emmanuel Macron qu’il est empêtré dans de nouvelles polémiques après la publication de propos jugés racistes lui étant attribués dans plusieurs enquêtes du Monde. En 2023, évoquant devant son ministre de la Santé Aurélien Rousseau l’etat lamentable des hopitaux publics et notamment des services d’urgences, notoirement en sous effectif, il aurait déclaré que « Le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou ». Des propos qui ont suscité l’ire de la gauche et tombent au pire moment pour l’Elysée. Ils viennent d’ailleurs d’être démentis auprès de la presse.
Pour l’heure, À Mayotte, tout bilan de la catastrophe provoquée par le cyclone Chido semble impossible. Le chaos et les difficultés d’accès à l’archipel entravent l’établissement d’un compte-rendu précis. Selon un bilan provisoire, il y aurait au moins 31 morts et 2500 blessés. Un chiffre probablement très sous estimé. « Il est vraisemblable qu’il y ait beaucoup plus de victimes », a reconnu Emmanuel Macron. Dans un tweet aujourd’hui supprimé, la chaîne Réunion la 1ère donnait une estimation de 60 000 morts, avant de se rétracter.
Bonjour @reunionla1ere pourquoi avez-vous supprimé votre tweet et la vidéo qui mentionnent l'estimation de 60 000 morts à Mayotte ? pic.twitter.com/en9Q2iLJTv
— Mr. Propagande (@MrPropagande) December 19, 2024
L’impréparation de l’Elysée et des services de l’Etat face à cette catastrophe prévisible au vu de l’etat de la situation économique et sanitaire de Mayotte, département le plus pauvre de France, rappelle en tout cas la façon dont le gouvernement espagnol avait (mal) géré les inondations survenues dans le sud du pays il y a quelques semaines. A l’époque, le premier ministre et même le couple Royal avaient été hués par la foule devant les caméras du monde entier. Il serait temps que nos dirigeants prennent la mesure des catastrophes climatiques qui s’annoncent et donc des mesures sanitaires à envisager dans un contexte de grave réchauffement de la planète.
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