
Isolé, détesté et privé de poids politique, le président de la république tente désespérément de peser à deux ans de sa fin de mandat. Off Investigation a enquêté sur les coulisses d’un palais présidentiel « où les courtisans restants se déchirent ».
Qui veut tuer politiquement Emmanuel Macron ? Pas besoin de chercher le colonel Moutarde, il est déjà à l’Elysée. « Le président est son propre assassin », a coutume de répéter un ancien conseiller du Palais. Mais le dernier coup de pelle en date sur la tombe du président de la République vient de son « petit frère », Gabriel Attal. « On ne réglera pas les problèmes de 2025, 2026, 2027 avec les idées de 2017 », martèle son ex-Premier ministre depuis la rentrée à l’Assemblée avant de lâcher en prime time sur France 2 : « Je ne me sens l’héritier de personne. » De quoi ulcérer son ancien patron. « Tu te rends compte, après tout ce que j’ai fait pour lui », se lamente le président en privé, oubliant qu’il a nommé « Gaby » à Matignon pour mieux l’éliminer avant 2027.
En difficulté depuis la dissolution, privé de moyens d’actions faute de majorité et cornaqué par François Bayrou qui s’est imposé à Matignon, le chef de l’Etat tente désespérément de prouver qu’il n’est pas encore « mort » politiquement. Son entourage a beau jurer que le « président préside et que le gouvernement gouverne », Emmanuel Macron est partout. Son dernier dada ? L’intelligence artificielle (IA), qu’il a prévu de célébrer lors d’un sommet consacré à l’intelligence artificielle les 10 et 11 février prochains à Paris. « Il va parler Europe, innovation, attractivité, start-up nation, il sera dans son élément », assure un bon connaisseur du dossier.
« Il s’est placé devant la Joconde car c’est encore la seule qui peut lui sourire. »
Jean-Bernard Gaillot-Renucci, ancien conseiller politique
Une intervention sur l’IA calibrée pour la presse et les médias internationaux. Comme sa réponse à l’appel au secours de la directrice du Louvre face à un chef d’œuvre en péril. Super-Macron a fait son retour médiatique, seul, face aux journalistes, devant la Joconde, le 28 janvier, annonçant une « nouvelle renaissance », clin d’œil un peu lourd à son parti. « Il s’est placé devant la Joconde car c’est encore la seule qui peut lui sourire », grince Jean-Bernard Gaillot-Renucci. Cet ancien conseiller politique, détenteur de nombreux secrets de la macronie, ne peut pas s’empêcher de noter « l’incroyable hasard » qui a fait qu’une « note confidentielle » sur l’état de délabrement avancé du plus célèbre musée du monde fuite dans Le Parisien. « Le hasard fait bien les choses », ajoute ce macroniste repenti. De quoi permettre au président de la République de rebondir dans les sondages ? Voire.
La réouverture de Notre-Dame dans les temps, rare promesse tenue par Emmanuel Macron, n’a pas fait revenir les Français dans son giron. Malgré une cérémonie grandiose le 7 décembre 2024 et la présence de tout le gratin international, dont le président élu pas encore investi des Etats-Unis, Donald Trump. « Ses initiatives à l’international font un four », soupire un ancien conseiller, qui souligne les échecs « répétés » du locataire de l’Elysée sur l’Ukraine, la Palestine ou encore l’Afrique. « Il parle beaucoup trop, il s’éparpille et au final, plus personne n’y comprend rien. » La presse a du mal à suivre les toquades de ce président capable d’annoncer l’envoi de troupes en Ukraine, sans avoir prévenu le Quai d’Orsay ou même nos plus proches alliés.
Le recul spectaculaire de l’influence française sur le continent africain en est de loin l’exemple le plus frappant. Faute d’avoir apporté un regard neuf sur les rapports de la France avec le continent africain, son activisme « maladroit » a été perçu comme « une forme d’arrogance et de paternalisme », fustige un rapport du Sénat au vitriol publié le 31 janvier.
Et que dire du fiasco algérien ? Depuis la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental par Emmanuel Macron, la question des influenceurs algériens fait la Une de la presse, amplifié par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. « Autant de cartes postales envoyées au président de la République concernant la campagne de 2017 », souffle l’ancien conseiller Jean-Bernard Gaillot-Renucci. De quoi susciter l’inquiétude du locataire de l’Élysée, qui perdra son immunité présidentielle à la fin de son mandat.
Impopularité et menaces
Preuve de ce marasme politique, ses « stratèges » ont renoncé à tenter d’inverser sa courbe d’impopularité, les sondages se suivent et se ressemblent : Emmanuel Macron plafonne à 21% de taux de satisfaction, selon plusieurs sondages publiés ces dernières semaines. Seul François Hollande avait fait pire avec 13 % de satisfaits en septembre 2014. La « haine » suscitée par Emmanuel Macron fait craindre le pire à ses services de sécurité, selon nos informations. Ses déplacements sur le terrain se font parfois dans le plus grand secret, comme lors de son escapade à Hirson (Aisne), le jeudi 30 janvier. Officiellement, si l’Elysée n’a pas mis les journalistes au courant de cette visite, c’est pour pour « échanger avec les Français sans intermédiaires », suscitant la colère de l’association de la presse présidentielle.
Emmanuel Macron a-t-il été bien accueilli? Sifflé? Vous ne le saurez pas car la presse n'était pas là!
— Association de la Presse Présidentielle (@APresidentielle) January 30, 2025
À nouveau, le Président restreint le suivi de son action par les journalistes.
L'APP proteste. La présence de la presse est un impératif démocratique! https://t.co/IX9DScnsiL
En réalité, c’est bien l’impopularité record du chef de l’Etat qui met sur les dents ses services de sécurité, qui craignent qu’il ne soit pris à partie. « Il y a un niveau de menace élevé sur la personne du président », reconnaît un gradé, qui évoque les multiples agressions déjà subies par le locataire de l’Elysée par le passé. Une gifle, des exfiltrations d’urgence (lors de sa venue au Théâtre des Bouffes du nord, à Paris, début 2020 ; ou encore lors de son déplacement au Puy-en-Velay, en Haute-Loire, fin 2018), des insultes, les mots haineux sur les réseaux sociaux, le visant lui et sa femme. Ce qui était inenvisageable avec les anciens présidents de la République devient la norme à l’ère Macron.
⚡️MACRON INTERPELLÉ À MONTRÉAL SUR LE PILLAGE D'HAÏTI PAR LA FRANCE
— Off Investigation (@Offinvestigatio) September 27, 2024
👉Quasi-simultanément, l'emprise coloniale de la France sur Haïti a été abordée à la 79e assemblée générale de l’ONU :
🔎https://t.co/pAfdAWCeXn @EnglerYves pic.twitter.com/Qabenuw3Zc
Les soutiens du président ne se bousculent pas, y compris les rescapés de son propre camp, qui ont été péniblement réélus avec le soutien du barrage républicain lors des dernières législatives, après la dissolution. « Le président ? Je ne lui parle plus, je n’ai même plus de contacts avec ses conseillers », assure un député Renaissance pourtant classé parmi les « fidèles » du chef de l’Etat et qui faisait partie de ses « antennes » sur le terrain. La dernière fois qu’il l’a rencontré, c’était à l’Élysée l’été dernier, après la dissolution. « Je suis allé l’écouter par égard pour sa fonction mais c’est tout », résume le parlementaire.
Comme lui, la macronie semble désormais sevrée de l’ivresse provoquée par son ancien chef. Au point qu’il est rare de les voir prendre la parole pour le défendre. Au contraire, les langues se délient sur sa personne, et pas en bien. Il y a eu les confidences assumées des proches de Gabriel Attal au Monde, brossant le portrait d’un président frivole entouré d’une bande de beaufs homophobes à l’Élysée, qui ont suscité un tollé. Puis la réponse acerbe de Matignon après son intervention sur la baisse du budget des Sports. Plus récemment, c’est sa vidéo sur TikTok pour donner raison à un influenceur qui protestait pour avoir été verbalisé alors qu’il utilisait son téléphone portable comme moyen de paiement à un péage d’autoroute, qui a suscité l’incrédulité.
@emmanuelmacron Merci pour l’alerte @Saint @MASDAK ♬ son original – Emmanuel Macron
Syndrome de l’Elysée
« C’est quoi la suite, il va faire sauter les PV des Français en colère ? », ironise un ancien conseiller de l’Elysée, qui balance entre incrédulité et consternation. Pire, l’épisode a souligné l’amateurisme de l’équipe présidentielle, le tiktokeur « citoyen » ayant par la suite été épinglé pour avoir, selon Le Figaro (source incorporée après la publication initiale de notre article), prôné la polygamie, le voilement des petites filles et le port de l’abaya à l’école tout en traitant Emmanuel Macron de « nain marié avec sa prof de français qui dirige un pays de la taille d’une chips ». Mais l’Elysée s’est dit « content » du score de cette vidéo sur les réseaux sociaux. « C’est complètement lunaire », soupire notre source, qui décrit le palais comme « une forteresse fermée où les courtisans restants se déchirent ».
Des anciens fidèles qui l’ont conduit au pouvoir en 2017, il n’en reste plus que trois dans son cabinet à l’Elysée. Alexis Kohler, le secrétaire général surnommé le « deuxième cerveau » d’Emmanuel Macron, régulièrement donné sur le départ (découvrez notre série « Alexis Kohler (très) secret ») ; Bruno Roger-Petit, son conseiller mémoire et maître d’œuvre du rapprochement du président avec l’extrême-droite et Tristan Bromet, « conseiller spécial » qui sert de directeur de cabinet à Brigitte Macron.
Le couple présidentiel peut encore compter sur quelques proches comme Soazig de La Moissonière, sa photographe officielle, qui capture avec talent les affres de cette présidence depuis les débuts du candidat Macron. « Elle en a marre comme tout le monde mais elle reste, comme les autres, car l’Elysée est une prison dorée », observe une ancienne petite main, qui a préféré prendre ses distances après le vote de la loi immigration en 2024, qui a contribué à fracturer la macronie. « C’est le syndrome de l’Elysée, à un moment donné, tous les génies ont basculé dans la dinguerie », commente Jean-Bernard Gaillot-Renucci, avant de se reprendre, encore en colère contre son ancien poulain : « Encore eusse-t-il fallu qu’il soit un génie. »
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