Matzneff, Schérer, Hocquenghem, Boulin
les mousquetaires de la pétition à répétition

O. Annichini

René Scherer et Guy Hocquenghem (photo DR)

Début 1977, pour prendre la défense de trois pédophiles croupissant en détention préventive depuis trois ans pour avoir incité de jeunes adolescents à pratiquer des jeux sexuels en leur présence, Gabriel Matzneff, Guy Hocquenghem et leurs amis René Scherer et Bertrand Boulin vont s'activer pour faire publier dans Le Monde, où Matzneff tient une chronique, une pétition pour la défense des accusés. Elle sera signée par plusieurs dizaines de figures de l'intellignentsia, comme Louis Aragon, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, mais aussi Jack Lang ou Bernard Kouchner.

La veille du procès de Versailles, où les trois lascars vont comparaître fin janvier 1977, « Le Monde » (imité le lendemain par Libération) publie un communiqué titré « A propos d'un procès ». Après avoir rappelé qu'ils ont fait plus de trois ans de préventive pour une « simple affaire de ''moeurs'' », le texte présente l'addition que la justice est en droit de leur réclamer : « Aujourd'hui, ils risquent d'être condamnés à une grave peine de réclusion criminelle soit pour avoir eu des relations sexuelles avec ces mineurs, garçons et filles, soit pour avoir favorisé et photographié leurs jeux sexuels. »

Pour les auteurs du texte publié par Le Monde, l'ardoise a régler est injustifiée :  « Nous considérons qu'il y a une disproportion manifeste, d'une part, entre la qualification de ''crime'' qui justifie une telle sévérité, et la nature des faits reprochés ; d'autre part, entre le caractère désuet de la loi et la réalité quotidienne d'une société qui tend à reconnaître chez les enfants et les adolescents l'existence d'une vie sexuelle (si une fille de treize ans a droit à la pilule, c'est pour quoi faire?) »

« Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit ! »

Les pétitionnaires

En d'autres termes, le crime des majeurs envers les enfants ne serait qu'un délit mineur et la justice se doit de passer l'éponge : « Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit. Nous ne comprendrions pas que le 29 janvier Dejager, Gallien et Burckhardt ne retrouvent pas la liberté. »

La pétition du 26 janvier 1977

Ce « communiqué-pétition » est signé par soixante-neuf personnalités, dont certaines des années plus tard s'en mordront les doigts et opéreront un radical tête-à-queue. Pour défendre les trois pervers qui sont dans les beaux draps, il y a du beau linge. Le poète homosexuel « au placard » Louis Aragon qui a pourtant écrit que la femme est l'avenir de l'homme ; Jean-Paul Sartre et son castor Simone de Beauvoir ; les philosophes Roland Barthes, Gilles Deleuze, André Glucksmann. On trouve également Matzneff et ses amis, René Schérer et Guy Hocquenghem ; la féministe Christiane Rochefort, celle qui a défendu Matzneff sur le plateau d' « Apostrophes ». On note aussi les noms de Philippe sollers et Patrice Chéreau, mais aussi de deux futurs ministres de François Mitterrand, Jack Lang et le docteur Bernard Kouchner. Parmi les signataires, on découvre enfin le nom de Bertrand Boulin, le fils de Robert Boulin, le ministre qui sera retrouvé mort le 30 octobre 1979 en forêt de Rambouillet.   

« Défendre les détraqués à qui les gosses donnent la gaule »

Dans l'histoire, la petite, ce communiqué est resté comme la fameuse « pétition du 26 janvier 1977 ». En 1940 le général de Gaulle a prononcé l'appel du 18 juin pour inviter la France à résister. En 1977, un aréopage d'intellos a lancé la pétition du 26 janvier pour défendre les détraqués à qui les gosses donnent la gaule. Cette pétition est devenue la tarte à la crème des affaires pédophiles. À chaque nouveau scandale, la presse la ressort des cartons pour dénoncer les signataires, enfin ceux encore vivants, qui aujourd'hui font profil bas, la queue entre les jambes. 

En janvier 2021, éclate ainsi l'affaire Duhamel. Dans un petit livre édifiant, intitulé « La familia grande », Camille Kouchner révèle qu'à l'âge de 14 ans, son frère jumeau a été violé par leur beau-père, Olivier Duhamel. Politologue médiatique et très influent, Duhamel est surtout, en tant que président de la Fondation nationale des sciences politiques, un rouage incontournable des jeux de pouvoirs parisiens. Dès la publication du livre de la fille de Bernard Kouchner, il est visé par une enquête pour « viols et agressions sexuelles par personne ayant autorité sur mineur de 15 ans ». Camille et son jumeau sont deux des trois enfants que leur mère Evelyne Pisier, sœur de l'actrice Marie-France, a eus avec son premier mari, l'ancien ministre Bernard Kouchner. 

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