L’équipe d’Off-investigation est heureuse de vous présenter « Médias de la haine : objectif, guerre civile ? ». Signé Gauthier Mesnier et Emma Feyzeau, cet épisode démonstrateur de notre troisième saison documentaire, qui s’intéressera cette année aux coulisses des médias, sera diffusé en accès libre le dimanche 10 novembre à 19h sur Off investigation et sur notre chaîne Youtube.
Xénophobie sans limites, mépris décomplexé des pauvres, violence outrancière et immodérée contre la gauche… Personne ne semble pouvoir arrêter le grand n’importe quoi sur les plateaux télés des milliardaires. Comment en est-on arrivé là ? Mi-octobre 2016, devant le siège de Canal +, cela fait 15 jours que les journalistes d’I-Télé, la chaîne info du groupe, sont en grève. Leurs revendications ? Pouvoir travailler en toute indépendance vis-à-vis du nouvel actionnaire du groupe, Vincent Bolloré. Depuis quelques semaines, il veut imposer en vitrine de leur chaine d’info un animateur controversé, Jean-Marc Morandini, alors accusé de harcèlement sexuel.
A l’issue de cinq semaines de grève et face à l’obstination de Bolloré, les trois quarts de la rédaction quittent la chaîne. Pour faire rentrer dans le rang les derniers récalcitrants, la nouvelle direction emmenée par Serge Nedjar, un fidèle de Bolloré, va déployer un management brutal et autoritaire. Pour Off Investigation, des journalistes de l’époque ont accepté de témoigner de ce management par la peur. Tous ont requis l’anonymat pour évoquer des humiliations publiques, remontrances, harcèlement professionnel qu’ils estiment avoir subi. Après cette reprise en main d’I-Télé qui deviendra CNews début 2017, toutes les chaînes d’information privées se trouvent désormais entre les mains de puissants milliardaires, tous classés à droite, voire à l’extrême droite.
Cartographie des principaux propriétaires de presse en France, en 2017 (DR Marthe Aubineau)
Ils ne vont pas tarder à instrumentaliser leurs médias pour soutenir la politique pro-business du nouveau président Emmanuel Macron, quitte à pointer du doigt certaines catégories de la population qu’il conviendrait de mépriser, voire de mettre sous pression.
Cibler les précaires
Le mépris des précaires est devenu la grande spécialité des chaînes d’information des milliardaires. Ainsi est-il devenu fréquent de s’en prendre aux chômeurs, qui « profiteraient de notre système ». Autre tendance : minimiser les mobilisations sociales. L’exemple le plus marquant est celui du mouvement des gilets jaunes. Lorsqu’ils montent à Paris, avec des revendications radicales, le pouvoir vacille. Le paysage médiatique, aussi. Un véritable mépris de classe s’observe alors sur les plateaux de télé, envers ceux que l’on n’hésite pas à qualifier de « crétins », dont les revendications sont « débiles », et « méprisables ».
Dans le même temps, les chaînes d’information font la part belle aux discours réclamant l’ordre et la répression, alors que la réponse policière au mouvement fera un mort, et plus de 600 blessés.
Cibler les étrangers
Apeurés par la colère d’un peuple uni, les médias des milliardaires vont tout faire pour le diviser. Quitte à cibler pour cela « l’autre » : l’étranger. A la fin de la révolte des Gilets jaunes, Vincent Bolloré recrute sur CNews Eric Zemmour, polémiste d’extrême droite. Sur la chaîne, le futur candidat aux élections présidentielles jouira d’une liberté totale. Ainsi en septembre 2020, Eric Zemmour essentialise les mineurs isolés, les accusant d’être tous des « voleurs », des « assassins » et des « violeurs ».
Encouragé pour la présidentielle à venir, le polémiste se verra également dérouler le tapis rouge sur un autre média Bolloré, C8. Sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste, c’est 45% du temps d’antenne politique que l’animateur Cyril Hanouna donnera à Eric Zemmour durant quelques mois!
Sur les chaînes du groupe Bolloré, outre l’immigration, c’est la thématique de l’islam et des musulmans qui fait figure d’autre grande favorite. A la fin de l’année 2023, la ligne éditoriale xénophobe de CNews booste ses audiences. Alors, sur les autres chaînes d’information, on lui emboite le pas. Sur BFMTV, et LCI, les intervenants d’extrême droite se succèdent. Les propos islamophobes, également.
Cibler les défenseurs de la cause palestinienne
Depuis le 7 octobre 2023, c’est au tour des Palestiniens de faire l’objet d’un traitement médiatique particulièrement défavorable sur les plateaux de télé. Pendant plusieurs mois, toutes les tentatives de remettre en cause la légitimité des bombardements israéliens sur Gaza génèrent d’intenses campagnes de dénigrement sur les chaînes d’info. Un véritable tribunal politico-médiatique qui ne dit pas son nom s’acharne sur de nombreuses voix qui s’élèvent pour évoquer la souffrance des palestiniens. Ce tribunal est composé de présentateurs, éditorialistes, chroniqueurs, politiques ou encore philosophes qui défendent le prétendu « bien-fondé » de l’offensive israélienne.
Dans ce conflit à l’origine de plusieurs dizaines de milliers de morts, la palme de la propagande revient probablement au patron de BFMTV, Patrick Drahi. Celui qui détient aussi SFR, Libération, L’Express, contrôle également I24 News, une chaîne francophone israélienne, remarquée dans l’hexagone pour d’inquiétants appels génocidaires.
Face à cette propagande pro-israélienne supportant peu la contradiction, une partie de la gauche française va s’insurger. Et en payer le prix… Fin 2023, Pour discréditer la France Insoumise, à l’occasion de la guerre Israël-Gaza, les chaînes des milliardaires vont tenter de faire croire que la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon serait intrinsèquement antisémite, laissant déferler sur ses représentants des torrents de haine.
Des reporters contre la haine
Le paysage médiatique français semble aujourd’hui en bien mauvaise posture. D’autant que nos hommes politiques, ces dernières années, semblent puiser dans les chaînes privées nombre de leurs éléments de langage. Est-ce irrémédiable ? Face à la concentration des médias entre les mains d’une poignée de milliardaires, et à la montée en puissance de discours haineux sur leurs chaînes, des voix s’élèvent.
Parmi elles, celle de l’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) qui a saisi le Gendarme de l’audiovisuel, l’ARCOM (ancien CSA), sur la chaîne CNews afin de dénoncer des « manquements à son obligation de pluralisme ».
A la fin du documentaire, le journaliste et président du prix Albert Londres Hervé Brusini apporte une touche d’espoir à ce sombre tableau : « On ne peut pas vivre qu’avec la haine et la colère. On ne peut pas vivre qu’avec la négation. On ne peut pas vivre dans l’obscurantisme, le journalisme est un pourvoyeur de lumière […]. Ils ne peuvent que gagner quelques petits épisodes, Mais pas le grand récit, pas le grand roman, pas la grande histoire. La grande histoire, c’est nous, c’est pas eux. »
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