Jean-Baptiste Rivoire
Sous Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2012, les pressions de l’Élysée ne s’exercent pas que sur Le Monde. À Canal Plus, nous allons découvrir un peu par hasard comment la police des polices est prête à aller très loin dans la violation du secret des sources quand il s’agit de protéger un maillon clé du « clan Sarko » : la très influente Michèle Marchand, amie de Carla Bruni et (déjà) communicante officieuse du couple présidentiel.
C'est en 2009, alors que je viens d'être nommé rédacteur en chef adjoint de Spécial investigation aux côtés de mon confrère et ami Stéphane Haumant, que nous allons découvrir, un peu par hasard, la puissance et l'influence de Michèle Marchand, surnommée "Mimi la marchande" ou "la reine des paparazzis".
Cette année là, le réalisateur Romain Bolzinger, de la société TAC presse, nous propose une enquête sur la presse people. Banco ! Quelques mois plus tard, il nous fait visionner son documentaire : on y découvre notamment que pour récupérer illégalement les numéros et les adresses de stars, ou leurs plaques d’immatriculation, certains photographes people paient des salariés d’opérateurs téléphoniques, voire des policiers !
En guise de démonstration, un paparazzi a emmené notre reporter « planquer » en bas de chez Laurence Ferrari, alors présentatrice du « 20 heures » de TF1, pour vérifier qu’elle habite bien à l’adresse qu’on lui a indiquée. Quand son véhicule sort de l’immeuble, le paparazzi la prend en chasse et appelle un policier pour qu’il vérifie dans le fichier national des cartes grises si le numéro de plaque correspond bien à la voiture de la star. Et le plus incroyable, c’est que moyennant 200 euros, le flic accepte de le lui confirmer ! Manifestement, en France, espionner illégalement n’importe quel journaliste est donc un jeu d’enfant.
"Mimi" au volant d'une camionnette transportant 500 kg de canabis
Dans son excellent documentaire, Bolzinger va également lever un coin du voile sur une grosse pointure du clan Sarko, Michèle Marchand. Avec leur livre Mimi, ce sont mes confrères Jean-Michel Décugis et Marc Leplongeon, avec Pauline Guéna, qui ont publié le meilleur portrait de cette femme aussi puissante que discrète qui gère l’image people du Tout-Paris depuis trente ans. Timidement accueilli par la presse à l’été 2018, leur ouvrage mérite pourtant le détour.
Ancienne femme de braqueur et de trafiquant de drogue, Michèle Marchand a été incarcérée à plusieurs reprises pour « chèque sans provision », puis « constitution d’une société étrangère dans le but d’introduire de l’argent frauduleux en France ». Après avoir passé quelques mois à Fleury-Mérogis en 1985, elle est à nouveau arrêtée en juillet 1994, cette fois au volant d’une camionnette transportant 500 kg de cannabis. Son compagnon, le braqueur Maurice Demagny, échouera en prison pour trafic de drogue. Elle passera deux mois en détention provisoire, puis écopera de trois ans de prison avec sursis. Devenue patronne de boîte de nuit, elle se « maque » avec un policier des RG et grâce à des contacts dans les milieux de la nuit, devient bientôt la papesse de la presse people, comme le racontait Complément d'enquête début 2022.
Une interview "bidonnée" pour Voici
C’est cet aspect de la vie de celle qu’on appelle « Mimi » qu’explore le documentaire de Romain Bolzinger, qu'il évoquait à l'époque ici. En juillet 1998, un an après l’accident mortel de Lady Di, à Paris, elle « vend » à Dominique Cellura, rédacteur en chef de Voici, une « interview exclusive » de Trevor Rees-Jones. Ancien garde du corps de la princesse de Galles, ce dernier a miraculeusement survécu à l’accident du 30 août 1997. Mimi prétend avoir négocié le scoop avec Me Christian Curtil, l’avocat de Rees-Jones. « Cellura m’appelle, se souvient le photographe Jean-Michel Psaïla. Il me dit : “Vas-y, elle va chez Curtil, je veux des photos de Rees-Jones, vas-y !” Je dis OK. J’y vais, je planque. Mimi entre, elle reste environ 1 h 30, elle ressort, et elle me dit : “Tu l’as eu ?
– Qui ?
– Ben Rees-Jones !
– Non.
– Alors il a dû passer par une autre porte”… »
Le lendemain matin, Cellura rappelle Psaïla, qui se souvient : « Il m’a passé un savon ! Je lui ai dit : “Dominique, tu me connais depuis vingt ans, je te dis que je ne l’ai pas vu entrer ni sortir ! Tu crois qui” ? » Michèle Marchand aurait-elle inventé de toutes pièces son « entretien avec le garde du corps de Lady Di » vendu à Voici sous le pseudo « Dominique Leroy » pour la somme de 50 000 francs (un peu plus de 10 200 euros) ? Contactée suite à cette affaire, elle nous a affirmé avoir bien réalisé une interview de Trevor Rees-Jones. Mais quand l’interview paraît, le 6 juillet 1998, Me Curtil porte plainte pour faux : il affirme que Mimi n’a en réalité jamais rencontré son client, qui a perdu la mémoire depuis l’accident, et réclame un million d’euros de dommages et intérêts !
" Elle a maintenu sa version sans ciller. Alors je lui ai demandé de prendre la porte "
Axel Ganz, ancien patron de Prisma