Tribune d'un Collectif de 75 médias et organisation de défense de la liberté d'expression
Propriétaire de BFMTV, Libération, L'Express, SFR, I24, RMC, ... le milliardaire Patrick Drahi a demandé au tribunal de commerce de Nanterre de censurer le site indépendant Reflet.info qui avait publié des articles sur sa fortune à partir d'informations révélées par des hackers. Le 6 octobre 2022, dans une décision s'appuyant sur la loi "Secret des affaires" votée sous Emmanuel Macron, le tribunal de commerce de Nanterre a interdit à Reflets.info de publier de nouvelles informations sur le groupe Altice. Reflet.info a fait appel de cette décision contestée par 75 médias et organisations de défense de la liberté d'expression.
Pilier de la République, la loi de 1881 sur la liberté de la presse proclame en son article 1 : « L’imprimerie et la librairie sont libres ». C’est ce principe fondamental que le tribunal de commerce de Nanterre vient de violer, saisi en référé par le groupe Altice, basé au Luxembourg et propriété du milliardaire Patrick Drahi.
Dans une décision rendue le 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre condamne le média indépendant d’investigation Reflets-info, spécialisé dans les enquêtes sur le numérique, les données open source et les leaks, à verser 4.500 euros au groupe de Patrick Drahi. Surtout, il lui « ordonne de ne pas publier sur le site de son journal en ligne de nouvelles informations » sur Altice (lire ici l’ordonnance de référé).
Un tribunal de commerce installe ainsi une censure a priori d’articles même pas publiés ! Dit autrement, il s’agit d’une interdiction professionnelle. C’est un effarant retour à l’Ancien Régime qui ne peut que rappeler le rétablissement de l’autorisation préalable de publication par le roi Charles X en juillet 1830. Cela provoquera la révolution des « Trois glorieuses » et sa chute…
Le groupe Altice a poursuivi Reflets.info pour une série d’articles réalisés à partir d’informations issues d’une fuite de plusieurs centaines de milliers de documents internes au groupe et mis en ligne sur le Web au mois d’août. On y découvre, entre autres, le train de vie somptuaire de Patrick Drahi et de sa famille, dont l’usage immodéré de jets privés (le détail est à lire ici). Altice estime qu’il s’agit d’une violation du secret des affaires quand nos collègues précisent qu’il ne s’agit là que d’informations d’intérêt général.