
Enquête | Pédocriminalité : un cas d’école (1/3). A Toulouse et à Paris, des dizaines d'enfants de 3 à 8 ans ont été agressés sexuellement durant des années, sans que les autorités ne mesurent la gravité de la situation. Quand ils ont compris que leurs enfants avaient été victimes de pédocriminels dans un établissement scolaire public, des collectifs de parents se sont heurtés à l'omerta de l'éducation nationale.
En matière de pédocriminalité, les agresseurs ne frappent pas que dans les internats catholiques. Dans les établissements publics, malgré les protocoles et procédures, les élèves ne sont pas toujours à l’abri. Des affaires s’engluent dans le silence et il faut parfois des années pour confondre les prédateurs, après des alertes et des classements sans suite.
« On a identifié un coté systémique, le système permet que des drames arrivent et quand ils arrivent, le système ne permet pas de corriger la situation », estime, sous couvert d'anonymat, la fondatrice de SOS Périscolaire, association qui aide les familles d’enfants victimes depuis 2021. Des parents se sont confiés à Off Investigation. Certains pour la première fois, sur des affaires parfois encore jamais révélées.
À Toulouse, un baiser forcé qui aurait dû alerter
A Toulouse (Haute-Garonne), les parents d’élèves de plusieurs écoles (Lakanal, Matabiau, Fabre, Fourtanié, Port-Garaud, Sermet et Olympe de Gouges) ou dont les enfants fréquentent les centres de loisirs Saint-Jean et des Sept-Deniers ont vécu ces dernières années des heures sombres. Car 80 enfants, au minimum, y auraient été victimes de « C. », un animateur pédocriminel.
En 2023, ce jeune homme de 29 ans est arrêté et écroué. Mais il avait déjà sévi et été repéré bien avant, dès mai 2016. À L’Union, petite ville proche de Toulouse, lors d’un déjeuner familial, une petite fille de cinq ans avait confié avoir un « amoureux » au centre de loisirs, qui l’avait « embrassée sur la bouche ». Invitée à en dire plus sur l’amoureux en question, elle avoua que ce n’était pas un petit garçon mais « C., l’animateur ». Le lendemain, très inquiet, son père Stéphane (la plupart des prénoms cités dans cet article ont été changés à la demande de nos interlocuteurs) se rend à l’école pour questionner la responsable du centre d’animation, puis porte plainte. Lors d'une confrontation à la gendarmerie, C. reconnait que ses lèvres ont touché celles de l’enfant, mais "par accident".