Un récent entretien d’Edouard Philippe accordé au Parisien a massivement été repris au sein du paysage médiatique français, où la repousse des cheveux de l’ex-Premier ministre s’est imposée comme une aubaine pour redorer la stature présidentielle d’un « revenant ». A ce stade, marques de presse et chaînes de télévision (privées et publiques) soignent également l’image de Gabriel Attal.
19 janvier 2025. Le Parisien (propriété de Bernard Arnault) vient d’offrir à Edouard Philippe un format privilégié : un entretien exclusif en une, qui s’étale sur plusieurs pages. A défaut de se targuer d’un programme finalisé pour représenter son parti « Horizon » en 2027, l’ancien chef du gouvernement a le luxe d’y confier « les grandes lignes de sa vision ». Et, parmi les multiples sujets abordés (formation du gouvernement Bayrou, réforme des retraites, dette de la France, etc.), celui qui s’impose en ce week-end de mi-janvier : la repousse soudaine et étrange de ses cheveux, deux ans après l’annonce de son alopécie, une maladie auto-immune qui provoque la chute des cheveux et des poils.
Edouard Philippe, un « coming back » un poil encensé
Breaking news : les cheveux d’Edouard Philippe repoussent, et ça, « sans traitement ni opération », comme il l’explique au Parisien. L’homme politique qui avait vu son physique se transformer sous le coup de son alopécie et de son vitiligo – dépigmentation de la peau et des poils – est de retour, une houppette noire en haut du crâne.
Le Figaro (famille Dassault) et Sud Ouest (famille Lemoîne) s’empressent de revenir sur cette « nouvelle puberté », soulignant l’humour dont fait preuve l’ex-Premier ministre sur le sujet. Du côté de BFMTV (Rodolphe Saadé) et du Parisien – qui, depuis la publication de son entretien avec Edouard Philippe, a remis le couvert dans deux articles consacrés à son miracle capillaire (ici et là) –, on explique que cette expérience l’a marqué et a « changé son regard sur lui-même ». Chez Libération (Patrick Drahi) on titre « Edouard Philippe « revenu d’entre les chauves » : après une pelade, la repousse est « classique » mais pas acquise ». Sur le service public de l’information, c’est même un « mystère que la science n’est pas capable d’éclaircir », relève la matinale de franceinfo…
Edouard Philippe, personnalité (absente) préférée des Français ?
À cette affection toute particulière des médias pour le personnage, une seule raison est avancée : Edouard Philippe serait, depuis plusieurs années, une des personnalités préférées des Français. Il est aussi celui qui a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2027, dans un entretien exclusif au Point (famille Pinault) en septembre 2024. Parfois attrapé « entre deux convocations à l’Élysée », Edouard Philippe apparaît généralement dans les médias comme cet homme qui n’a pas peur de l’autodérision, discret quand il le faut et jamais trop partisan ou trop à dos de la majorité. Il est celui qui lit des pavés de 1 000 pages en anglais lors de ses vacances familiales en Toscane, un sourire serein aux lèvres. Une image stable et agréable, qui bénéficie d’un coup de pouce non-négligeable dans les médias.
🔴 Dans un entretien exclusif accordé au Point, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe (@EPhilippe_LH) s’engage officiellement dans la course à l’Élysée ➡️ https://t.co/FRJHyh71wU
— Le Point (@LePoint) September 3, 2024
Par @Mathilde_Sd et @valerietoranian pic.twitter.com/JnAV50twEq
En septembre 2023 déjà, quatre ans avant les prochaines présidentielles, Le Parisien et Challenges (Arnault / Perdriel) plaçaient Edouard Philippe en tête de leurs sondages. Même son de cloche du côté de Public Sénat, qui le présentait, cette année aussi, comme favori pour succéder à Emmanuel Macron. La chaîne parlementaire le qualifiait alors de « meilleur candidat pour mener les troupes de la majorité en 2027 ». Un an plus tard, en septembre 2024, Challenges enfonce le clou, en brandissant un sondage d’Opinion Way qui en fait le « champion naturel du bloc central », et le présente d’ores et déjà comme vainqueur d’un second tour contre Marine Le Pen.
Pourtant, depuis son départ de Matignon en 2020, Edouard Philippe est en retrait de la scène politique nationale. En novembre 2024, Challenges signe un édito : « Mais où est donc passé Edouard Philippe ? », appelant l’homme de droite à ne pas « laisser les Français en plan », eux qui souhaitent tant « retrouver [leur] ancien Premier ministre ».
✍️ EDITO – Depuis sa déclaration de candidature, Edouard Philippe, unique candidat déclaré à l’élection présidentielle 2027, ne donne pas signe de vie. Il n’est plus temps de rester à quai si l’on se prétend devenir le chef suprême.https://t.co/YSW8u7Uw5V
— Challenges (@Challenges) November 17, 2024
Malgré une posture qui lui permet de rester à distance, Edouard Philippe est l’homme de la situation, un « tacticien », une « force tranquille » « sans précipitation, sans excès » s’obstine Le Point en décembre 2024. Pour Les Echos (Bernard Arnault), il fait partie des personnalités qui ont marqué 2024. En couverture de l’article, Edouard Philippe apparaît en haut d’une pyramide d’hommes politiques, bandeau rouge derrière lui, drapeau français à ses côtés, et surtout Gabriel Attal à hauteur d’épaule. Le premier intertitre qui lui est dédié affiche « Edouard Philippe, l’indétrônable préféré des Français ». Pour le quotidien économique, le maire du Havre « conserve sa pole position ». Comment, ce n’est pas dit.
En janvier 2025, rebelote : Edouard Philippe est la troisième personnalité en tête d’un classement de satisfaction concernant une hypothétique présidence de la République. Dans ce baromètre réalisé par Ipsos pour La Tribune Dimanche, le maire du Havre, derrière Marine Le Pen et Jordan Bardella, devance de deux places Gabriel Attal.
Toujours début janvier 2025, Le Figaro s’émerveille pour sa part d’une dynamique politique autour d’un Edouard Philippe « rassembleur ». « Il l’a dit, il le fait », commente le quotidien de la famille Dassault au sujet du ralliement des troupes du parti Horizon à Bordeaux le 26 janvier pour préparer la présidentielle 2027. Comprendre : Edouard Philippe, un homme de parole.
Philippe, Attal ou l’écurie des oligarques ?
Ces derniers mois, un autre homme est également adoubé par les médias dominants : Gabriel Attal. Largement mis en avant par Les Echos – « Popularité : Gabriel Attal détrône Edouard Philippe » –, ou encore Le Parisien – « Municipales à Paris : Gabriel Attal s’invite dans la partie » –, celui qu’Emmanuel Macron qualifiait encore récemment de « petit frère » a le vent en poupe. Comme évoqué plus haut, un récent documentaire dithyrambique de C8 (Vincent Bolloré) dresse le portrait d’un Gabriel Attal devenu présidentiable.
🗯️ « Il est devenu un présidentiable »
— Off Investigation (@Offinvestigatio) January 9, 2025
👉 @GabrielAttal désormais célébré sur télé Bolloré @C8TV !
🧐 C'est le moment de repartager notre papier : « Quand la presse de Bernard Arnault encense Gabriel Attal » ⤵️
🔎https://t.co/FShQ2d4N7apic.twitter.com/PytNoAWCsa
Quoi qu’il en soit, les propriétaires de grands médias ont tout intérêt à ne pas miser sur un seul et unique poulain. Dans les faits, leurs marques de presse et chaînes de télévision (tout comme l’audiovisuel public) soignent à ce stade simultanément l’image d’Edouard Philippe et de Gabriel Attal. Tous deux ont savamment appris à ne pas froisser le patronat français jusque dans ses plus hautes représentations. Alors que Gabriel Attal vantait en juillet 2023 la contribution aux finances publiques de Bernard Arnault (voir notre intertitre « Le jeune Gabriel dompté par tonton Bernard », ici), Edouard Philippe a, en juin 2024, rappelé son orientation pro-business devant le Medef, et son soutien à la politique économique d’Emmanuel Macron (L’Obs, juin 2024).
Soigner l’image d’un candidat est important, et les grandes fortunes de France le savent : si les différentes pathologies d’Edouard Philippe ces dernières années l’ont humanisé, elles font moins de lui un leader sur la scène politique. En tout état de cause, les propriétaires de grands médias ont appris à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier.
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