En amont d’une potentielle prescription partielle de l’affaire de « prise illégale d’intérêts » qui vise Alexis Kohler, le journaliste Marc Endeweld a révélé de nouveaux éléments susceptibles d’affaiblir la défense de l’actuel secrétaire général de l’Élysée. Publiées par Marianne, les révélations de notre confrère se heurtent pour l’heure à un écho médiatique limité.
L’affaire Kohler refait surface à l’approche d’une décision de la cour d’appel de Paris qui doit se prononcer sur la prescription d’une partie des faits qui sont reprochés au bras droit d’Emmanuel Macron. Mis en examen en 2022 pour « prise illégale d’intérêts », il est soupçonné d’avoir participé à des décisions concernant la compagnie maritime italo-suisse MSC, avec la direction de laquelle il entretient des liens intimes de longue date et dont il fut directeur financier d’une filiale, de 2016 à 2017, avec un salaire allant de 28 000 à 40 000 euros brut par mois.
PNF et avocats de Kohler, main dans la main ?
La cour d’appel de Paris sera donc amenée à trancher le 26 novembre 2024 la question d’une prescription de certains points relatifs à l’affaire. Selon une source judiciaire citée par l’AFP, la chambre de l’instruction a examiné le 1er octobre à huis clos la requête de la défense d’Alexis Kohler qui continue d’affirmer qu’il s’est toujours tenu à l’écart de toute décision relative à MSC, et qu’il a informé ses supérieurs de l’existence de liens familiaux « très au-delà de ses obligations déontologiques ». Les avocats du bras droit d’Emmanuel Macron font par ailleurs valoir un calcul juridique selon lequel une partie des faits, antérieurs à 2014, seraient prescrits. Cette prescription avait été contestée en 2023 par les juges d’instruction chargés du dossier et selon qui le début du délai de prescription doit être fixé au moment des premières révélations de Mediapart, en mai 2018.
Dans les colonnes de Marianne, notre confrère Marc Endeweld notait cette semaine que « Les juges d’instruction se retrouvent bien seuls en s’opposant au parquet général de la cour d’appel, qui prône une position comparable à celle de la défense d’Alexis Kohler et du PNF [Parquet national financier, dont le procureur est nommé par décret présidentiel ndlr], qui est d’approuver la prescription de [certains] faits [afin] de réduire l’affaire aux seules fonctions occupées par le haut fonctionnaire au sein des cabinets des ministres Moscovici et Macron entre 2012 et 2016 donc ».
Kohler-Denormandie, un discret duo…
Spécialiste de ce dossier, Marc Endeweld est à l’origine de nouvelles révélations qui pourraient fragiliser la défense du secrétaire général de l’Elysée. Compte-tenu de l’importance de l’affaire et du peu d’écho médiatique que ces récentes révélations ont suscité, Off-investigation se propose d’en faire ici brièvement écho.
Exclusif @MarianneleMag Un nouveau volet de l’Affaire Kohler ? En 2013, la Commission européenne enquêtait sur les montages financiers des paquebots STX alors que MSC négociait pour en acheter 2. Et Kohler était dans la boucle. Article à lire 👇 https://t.co/XJ6CNALb52
— Marc Endeweld (@marcendeweld) September 30, 2024
Notre confrère explique notamment avoir mis la main sur de nombreux messages échangés de 2012 à 2014 entre les conseillers de Pierre Moscovici, alors ministre des Finances, et Alexis Kohler. À L’époque directeur adjoint du cabinet du ministre, Alexis Kohler était simultanément administrateur du constructeur naval STX (désormais « les Chantiers de l’Atlantique »), dont l’armateur MSC était l’un des principaux clients. Kohler était également membre du conseil de surveillance du Grand port maritime du Havre. Ces échanges tendent à démontrer que contrairement à ce que le secrétaire général de l’Élysée a toujours affirmé, « il n’existait pas de déport [ce terme désigne un ensemble de mesures qui visent à faire cesser ou à prévenir toute situation de conflit d’intérêts (legifrance, mars 2022), ndlr] du haut fonctionnaire pourtant lié personnellement à la famille propriétaire de MSC. »
Marc Endeweld révèle dans son article comment Julien Denormandie, alors conseiller à Bercy, a transféré à Alexis Kohler ses échanges de mails avec les dirigeants de STX, de MSC et de l’Agence des participations de l’État (APE). « Au cours de ces échanges, il est notamment question de l’achat par MSC de deux paquebots de croisière pour 1,4 milliard d’euros et de leur financement. MSC pose justement deux conditions : « avoir accès à la liquidité publique pour une durée plus longue que 12 ans » et « bénéficier d’un leasing opérationnel ». Julien Denormandie propose alors de faire adresser par le cabinet du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, un mail de réponse à la fille du propriétaire de MSC. Il écrit que « Pierre Moscovici et ses équipes (en copie) sont en train d’élaborer les solutions financières pouvant être présentées à court terme ». Un mail de relance est adressé au seul Alexis Kohler avec la mention « ok pour toi ». Rémy Rioux adresse lui-même la réponse deux heures plus tard, Alexis Kohler est en copie », relate notamment le journaliste.
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« Dès le 19 juillet 2012, Alexis Kohler est destinataire d’un mail de Julien Denormandie sur les schémas financiers que l’État pourrait mettre en place pour soutenir l’activité de STX France. Alors que les chantiers de Saint-Nazaire sont en concurrence avec une offre allemande, il est évoqué dans ce mail la possibilité que l’État français puisse adresser une lettre aux éventuels clients pour leur confirmer un soutien financier public », révèle également Marc Endeweld.
Le journaliste note encore qu’en avril 2013, alors que la Commission européenne vient d’envoyer une série de questions au gouvernement français à propos de ses interventions en faveur de STX (à cette époque en négociation avec MSC pour l’achat de deux nouveaux paquebots), Alexis Kohler adresse un courriel à Julien Denormandie, visiblement soucieux de la démarche de l’exécutif européen : « Le nombre et le degré de précision des questions tendent à montrer qu’ils vont […] regarder le sujet de manière un peu approfondie (même si je doute qu’in fine ils déclenchent une procédure) », écrit-t-il.
Autant d’échanges par mail qui tendent à démontrer que contrairement à ce qu’il a toujours affirmé, l’actuel bras droit d’Emmanuel Macron à l’Élysée s’est constamment mêlé de dossiers impactant MSC, la compagnie maritime Italo-Suisse de ses cousins. C’est précisément ces mails qui deviendraient caducs si le 26 novembre prochain, la Cour d’appel de Paris considérait que les faits antérieurs à 2014 devaient être déclarés prescrits.
« Affaire Kohler, le scandale qui menace Macron », Yanis Mhamdi, Jean-Baptiste Rivoire, Off Investigation, 1er novembre 2021
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