Quand C8 fantasme la mort d’un député LFI

Le 10 septembre, à l’antenne de C8, le chroniqueur Yann Moix a fantasmé la mort du député LFI Aymeric Caron, déja menacé pour son soutien à la cause palestinienne. L’épisode s’est heurté au silence de l’« Arc républicain », qui défendait pourtant récemment Ruth Elkrief, placée sous protection policière à la suite d’un post de Jean-Luc Mélenchon sur les réseaux sociaux.

Les codes de Pascale, Eric, Yann et les autres, nouvelle émission quotidienne de C8 diffusée avant Touche pas à mon poste (Cyril Hanouna) sont les mêmes que d’autres programmes de la chaîne de Vincent Bolloré : des couleurs criardes, des chroniqueurs au rire gras et des thématiques traitées avec beaucoup de légèreté. L’émission est animée par Pascale de la Tour du Pin (Ex-BFMTV) aux côtés des chroniqueurs Yann Moix et Eric Naulleau.

« Je souhaite sa mort, c’est tout »

Yann Moix, chroniqueur sur C8 à propos d’Aymeric Caron, député LFI de Paris

Mardi 10 septembre sur C8, lors d’une discussion sur la dernière déclaration du Pape à propos de la baisse de la natalité, Yann Moix a une nouvelle fois exprimé son mépris envers Aymeric Caron, député insoumis de la 18ème circonscription de Paris. « Je préfère passer ma vie dans un corps de moustique qu’en Aymeric Caron », a-t-il déclaré, avant d’ajouter que « la vie d’un moustique est brève, alors que celle d’Aymeric Caron paraît beaucoup trop longue ». Profitant de l’hilarité générale provoquée par sa réplique, le chroniqueur continue : « Oui, je souhaite sa mort c’est tout. ». Il est aussitôt rappelé à l’ordre par Pascale de la Tour du Pin, sourire aux lèvres : « Vous ne pouvez pas dire ça ». « On peut souhaiter quelque chose comme un fantasme, et on n’a pas envie que ça advienne pour autant », tente-t-il de se défendre ensuite. Le ton pour le moins léger de la réprimande et les rires du public n’auront pour effet que de lancer les deux animateurs de plus belle, toujours aux dépens du député. Amusée par ses interlocuteurs, Pascale de la Tour du Pin clôturera son émission d’un « bravo, ne changez rien. »

Sur les réseaux sociaux, la séquence a beaucoup tourné. En soutien au député LFI de Paris, plusieurs internautes disent l’avoir signalée à l’Arcom. Sollicité par Off-investigation, le gendarme de l’audiovisuel n’a pour l’heure pas donné suite à nos questions, ni au téléphone, ni par écrit.

Yann Moix : " Oui, Je souhaite sa mort d'Aymeric Caron"
Signalement #ARCOM
Tout est permis sur les chaînes Bolloré !!! pic.twitter.com/tSqppDpBt7

— 𝗦ꔋ𝙍𝗘𝗘ꔋ 𝝡𝗘𝖣𐌉𝖠 (@StreetMediaFree) September 13, 2024

Des courants politiques plus protégés que d’autres ?

L’épisode ne semble avoir choqué ni le paysage audiovisuel français, ni les personnalités politiques se revendiquant de l’« Arc républicain », silencieux sur l’incident. Pourtant, le monde politico-médiatique s’était véritablement insurgé contre Jean-Luc Mélenchon en décembre dernier suite à un post virulent à l’encontre de Ruth Elkrief. Après un vif échange entre la journaliste vedette de LCI et le député LFI Manuel Bompart, le chef de file des insoumis l’avait qualifiée de « manipulatrice » et de « fanatique ». À droite comme à gauche, de telles accusations avaient largement été pointées du doigt comme irresponsables. Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, avait été jusqu’à réagir à la polémique en adressant sur RTL un « ferme ta gueule ! » à Jean-Luc Mélenchon. Une formule qui, sur le moment, n’avait visiblement pas froissé les journalistes présents sur le plateau… Le ministre de l’intérieur de l’époque Gérald Darmanin avait d’ailleurs annoncé, en direct sur BFM, le placement de Ruth Elkrief sous protection policière, accusant Jean-Luc Mélenchon de lui mettre « une cible sur le dos », se référant à des menaces visant la journaliste.

Or, Aymeric Caron est lui aussi la cible de nombreuses menaces depuis plusieurs mois en raison de son engagement pour la cause palestinienne et les civils de Gaza. En novembre dernier, le député avait été menacé de mort par un homme au téléphone après avoir récupéré son numéro dans un groupe Telegram (Europe 1, 6 novembre 2023). En mai 2024, c’est sa permanence qui avait été vandalisée, obligeant l’élu à fermer boutique quelques jours pour protéger ses équipes (Le Parisien, 13 juin 2024).

Aymeric Caron a réagi à l’intervention de Yann Moix sur le réseau social X : « Ardent défenseur de la liberté d’expression, et donc d’apprécier ou de détester, et de le dire, je pose la question : quand la limite est-elle franchie ? », avant de souligner la facilité avec laquelle il a été insulté, sur une chaîne de grande audience.

Ardent défenseur de la liberté d’expression, et donc d’apprécier ou de détester, et de le dire, je pose la question : quand la limite est-elle franchie?
Peut-être quand un chroniqueur annonce souhaiter la mort d’une personne pour laquelle il nourrit une aigreur certaine, sous le… https://t.co/R0Fj2zM7SQ

— Aymeric Caron (@CaronAymericoff) September 13, 2024

L’Arc républicain a-t-il des raisons de considérer que les menaces reçues par Aymeric Caron sont moins préoccupantes que celles visant Ruth Elkrief ? Force est de constater que les deux séquences n’ont aucunement reçu le même écho politico-médiatique, malgré la violence des récents propos de Yann Moix.