Révolte des retraites
France Télévisions déprogramme l’enquête Kohler

Jean-Baptiste Rivoire

Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée, témoignant en 2018 devant une commission d'enquête sur l'affaire Benalla (photo DR)

En septembre dernier, l'affaire Kohler débouchait sur la mise en examen du secrétaire général de l'Élysée pour "prise illégale d'intérêt". En décembre, une remarquable enquête de l'agence américaine Bloomberg confirmant que MSC était utilisée pour du trafic de cocaïne relançait l'affaire. Puis, la mise en examen de deux anciens patrons de l'Agence des participations de l'État (APE) achevait de fragiliser le principal collaborateur d'Emmanuel Macron. France Télévisions, qui devait diffuser ce soir un Complément d'enquête sur Alexis Kohler, en raison de son "rôle pivot dans la réforme des retraites", l'a finalement déprogrammé. "En raison de l'actualité", selon Tristan Waleckx. Remplacé par une émission spéciale sur la crise des retraites, le documentaire de France 2 devrait être reprogrammé le 30 mars. Dans ce contexte, nous avons actualisé l'article qui accompagnait le documentaire que Yanis Mhamdi avait réalisé en novembre 2021 sur l'affaire Kohler (accès libre) et le republions ci-dessous.

C’est l’un des hommes les plus discrets du quinquennat Macron. On a découvert son rôle auprès du président en 2018, quand le Sénat enquêtait sur l’affaire Benalla. Ce jour-là, Alexis Kohler explique sa fonction à l’Elysée : « Le Secrétaire général est le collaborateur direct du Président de la République, probablement son principal collaborateur. Il pilote l’action de la présidence, et des équipes de la présidence. En particulier, en ce qui concerne les politiques publiques. » Énarque pointilleux et méthodique, c'est la "tour de contrôle de l'Élysée". L’un des homme politique les plus influent de la République en Marche, puisqu'il filtre tout ce qui passe sur le bureau d'Emmanuel Macron. 

Marconiste de la première heure, Aurélien Taché, aujourd’hui député écologique du Val D’Oise, le décrit comme un pur technocrate au parcours irréprochable : « À mon avis, il pense que c'est aux experts, à la technocratie et aux fonctionnaires de décider. Parce qu'en gros, ce sont les “sachants”. Quand les élus et les citoyens sont un peu la plèbe qu'il faut contenter, mais qu'il ne faut surtout pas trop écouter. »

Pourtant, le secrétaire général de l'Élysée se retrouve dans de beaux draps en mai 2018 : l’association anti-corruption « Anticor » porte plainte contre lui pour « prise illégal d’intérêts » et « trafics d’influence ». ll aurait pendant des années continuer de travailler voir de favoriser la société MSC, sans jamais mentionner les liens familiaux qui le liaient à cette compagnie maritime Italo-Suisse. Une procédure qui entache l’image du Président Macron, puisque ce dernier a toujours proclamé vouloir en finir avec des pratiques douteuses de "l'ancien monde". 

Alexis Kohler au service de MSC

Pour comprendre l'origine de cette histoire, il faut remonter à 2010. A l’époque, Alexis Kohler est en poste à L’agence de Participations de l’État, l’APE.  Depuis son bureau à Bercy, il représente le gouvernement au conseil d’administration de grandes entreprises dont l’État contrôle une partie du capital, comme la RATP ou France Télévisions. C’est dans ce cadre qu'il siège au conseil de surveillance du port du Havre et des chantiers navals de l’Atlantique à Saint Nazaire. Parmi les clients de Saint Nazaire, la « Mediterranean Shipping Company », le géant maritime Italo-Suisse contrôlé par des proches d'Alexis Kohler. Laurent Maudit, journaliste à Mediapart confirme qu’il s’agissait de son unique client. « Il représente l'État à une époque où les chantiers navals sont en crise. Et ce n'est pas le client principal MSC, c'est l'unique client pendant un temps. » Un "unique client" donc Alexis Kohler aimerait servir les intérêts. 

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