L’élection de Donald Trump à la Maison Blanche met un terme aux grandes guerres informationnelles menées par les administrations démocrates sous Barack Obama et Joe Biden. Le premier épisode de cette nouvelle ère se matérialise par les révélations concernant le consortium de journalistes d’investigation OCCRP qui se révèle être un faux nez du gouvernement US. Décryptage.
Et le pot aux roses fut enfin révélé. C’est Mediapart, en partenariat avec Drop Site News (US), Il Fatto Quotidiano (Italie), Reporters United (Grèce) et la télé publique allemande NDR (qui a finalement annulé la diffusion de son sujet), qui a fait œuvre de salubrité publique pour la France. Le média indépendant a rendu public ce qui est acquis depuis longtemps dans les milieux du renseignement : l’OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project), consortium américain de journalistes d’investigation à travers le monde, a vu le jour grâce au gouvernement des Etats-Unis et est majoritairement financé par ce même gouvernement.
Autrement dit, l’OCCRP est un faux nez du soft power américain. Alors même que les dirigeants du consortium clament de longue date leur indépendance, la réalité est toute autre. Ainsi, certains budgets alloués par Washington doivent être utilisés pour enquêter sur les « ennemis » de la diplomatie américaines comme le Venezuela ou l’Iran ; certaines enquêtes sur les Etats-Unis sont interdites et les autorités américaines disposent d’un droit de véto sur les dirigeants de l’OCCRP. Rien que cela !
Des « leaks » ou des opérations d’espionnage ?
Voilà qui jette un voile sur les révélations initiées, coordonnées ou encore alimentées par l’OCCRP depuis une dizaine d’années. Et il y a du (très) lourd : Panama papers (avril 2016), Pandora papers (octobre 2021), Suisse secrets (février 2022), Narco files (novembre 2023), Pegasus project (juillet 2021), Cyprus confidential (novembre 2023)…
Le timing de ces révélations ne doit rien au hasard : tous ces dossiers sont sortis pendant que les Démocrates étaient au pouvoir aux Etats-Unis. Que ce soit Barack Obama (2009-2017) ou Joe Biden (2021-2025).
Pas plus que les méthodes employées. La plupart de ces dossiers reposent sur des fuites providentielles (ou leaks dans le jargon journalistique) dont on peut maintenant craindre qu’elles résultent davantage d’opérations d’espionnage que de courageux lanceurs d’alertes épris de démocratie et de droits humains.
Un dossier est emblématique de ces guerres de l’ombre : le projet Pegasus. En juillet 2021, il dénonce l’utilisation abusive par des Etats du logiciel espion israélien Pegasus conçu par la société NSO. Infiltrant les téléphones portables sans que les utilisateurs ne puissent le détecter, il a été utilisé par des régimes autoritaires et des dictatures pour traquer des opposants avec, souvent, des drames humains à la clé.
Cette passionnante enquête d’envergure mondiale a été coordonnée par la plateforme Forbidden Stories. Sur son site web, celle-ci explique que tout est parti d’une « fuite massive de 50 000 numéros de téléphone sélectionnés comme cibles dans une cinquantaine de pays, depuis 2016, à laquelle ont eu accès le consortium Forbidden Stories et Amnesty International ». L’OCCRP était partenaire de cette opération. Tout comme Le Monde et Radio France, dans l’Hexagone. A l’époque, personne ne s’était interrogé publiquement sur la provenance du fichier miraculeux alors que c’était évidemment la première question à poser après l’émoi des révélations.
Embrouilles israélo-américaines
Selon de nombreux experts de la planète cyber – et comme l’a évoqué la journaliste Sophie des Désert dans un remarquable article consacré cet été par Libération aux relations franco-marocaines – ce seraient les Etats-Unis qui, exaspérés par la prise d’autonomie de NSO Group (dont l’actionnaire principal a été jusqu’en 2019 le fond d’investissement américain Francisco Partners) et par son instrumentalisation par Israël pour jouer sa propre partition diplomatique, auraient piraté le fameux fichier, ensuite remis à Forbidden Stories…
Les révélations ont été publiées en juillet 2021. À l’époque, Israël traversait une période d’instabilité politique avec un Benjamin Netanyahou contraint de quitter son poste de Premier ministre de juin 2021 à décembre 2022. Et où Donald Trump, alors allié n°1 de Netanyahou, avait quitté la Maison Blanche quelques mois auparavant, en janvier 2021.
Plus largement, ce qu’il convient dorénavant d’appeler le scandale OCCRP et l’ombre de Washington qui plane autour du Projet Pegasus lèvent le voile sur un travers qui affecte l’investigation journalistique depuis des années. Ce ne sont plus forcément les médias mainstream qui financent leurs enquêtes – le coût de l’investigation est trop élevé. Mais souvent des ONG ou des consortiums biberonnés aux subsides américains provenant, dans le meilleur des cas, de fondations de type philantropiques.
Cette tendance a donné naissance à tout un eco-système journalistique qui se retrouve maintenant pointé du doigt. Les noms sont bien connus du grand public : OCCRP bien sûr, Forbidden Stories mais aussi Disclose, Sherpa, ICIJ… Toutes et tous produisent certes de l’information de (haute) qualité mais parfois financée de façon opaque ou au minimum de nature à susciter des interrogations.
Un acteur clé de ces financements revient en boucle : les Open Society foundations des milliardaires Georges et Alexander Soros, notoirement proches du parti démocrate américain. Alexander Soros, qui gère maintenant les charités de son père évaluées à 25 milliards de dollars, n’a jamais caché être un opposant enragé au retour de Donald Trump à la Maison Blanche. En vain, visiblement.
Les Trumpistes montrent les dents
Le futur Président américain et son administration républicaine ne sont pas encore installés à Washington que, déjà, ses fidèles se gargarisent du futur grand nettoyage maintes fois promis par le candidat Trump.
Comme l’a partagé Laurence Haim, spécialiste du système politique américain, sur son compte X, le peut-être futur (et controversé) directeur du FBI que Donald Trump voudrait nommer, Kash Patel, déclarait en décembre 2023 : « Donald Trump est « très sérieux » dans son intention de se venger de ses ennemis politiques s’il est élu. Nous trouverons les conspirateurs, pas seulement au gouvernement, mais dans les médias… Nous allons poursuivre les gens des médias qui ont menti sur les citoyens américains, qui ont aidé Joe Biden à truquer les élections présidentielles… Nous allons vous poursuivre. Que ce soit au niveau pénal ou civil, nous trouverons une solution ».
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