Taxis : l’Agence France Presse a minimisé le blocage de Paris

Des chauffeurs de taxi bloquent partiellement la circulation sur le périphérique de Paris, le 3 décembre 2024  | Capture d’écran sur X (@LucAuffret)

Alors qu’une fronde de milliers de chauffeurs de taxi provoquait une nette augmentation des bouchons habituels en Île de France mardi matin (500 km contre une moyenne d’à peine 300km à cette heure), l’AFP a dissimulé, puis minimisé cette information majeure pourtant relayée par d’autres médias dès les premières heures de la matinée.

Sur le pied de guerre partout en France depuis quelques jours contre une tarification à la baisse du transport de malades par la sécurité sociale, plusieurs milliers de chauffeurs de taxi ont instauré des barrages filtrants lundi 1er décembre en Rhône-Alpes et dans le sud de la France. Ce soir là, ils annonçaient clairement leur volonté de converger vers la capitale tôt mardi matin.

Mais alors qu’ils étaient des centaines à se rapprocher de Paris ce matin là dès les premières lueurs du jour, au point de multiplier par deux les bouchons habituels en Ile de France (près de 500 km contre à peine 300 km en moyenne à cette heure, selon le Centre national d’information routière Bison futé), l’Agence France presse a dissimulé cette information capitale durant plusieurs heures. La première dépêche évoquant ces bouchons n’a été diffusée que peu avant 12h30, soit plus de quatre heures après le début des blocages. Mauvaise appréciation de la profondeur de ce mouvement des taxis, qui alertaient sur l’impact social dévastateur d’économies envisagées sur le dos de malades fragilisés vivant souvent en zône rurale ? Ou façon de protéger un gouvernement Barnier déja sur la selette ?

Ce délai est en tout cas difficilement compréhensible au vu de la mission de l’agence, qui consiste à informer avec rapidité et exactitude de l’actualité. Quand elle a enfin évoqué ces 500 km de bouchons, vers l’heure du déjeuner, l’AFP l’a fait en catimini, au sixième paragraphe d’une dépêche, sans les mentionner en titre, contribuant ainsi à invisibiliser l’ampleur du blocage de Paris survenu dans la matinée.

Cette minimisation de la fronde des taxis par l’AFP est d’autant plus incompréhensible que l’agence disposait de plusieurs reporters sur place, comme en attestent des photos mises à disposition de ses clients sur son fil dès avant 9h. Ce matin là, en dépit des lacunes de l’AFP, certains médias sont tout de même parvenus à alerter le public grâce notamment au site Sytadin, qui répertorie quotidiennement les embouteillages. Vers 9h mardi, BFMTV ou France bleu rapportaient par exemple les premières répercussions de la fronde des taxis sur le trafic routier, faisant état de près de 500 kilomètres d’embouteillages.

En pleine crise politique, l’AFP minimise la fronde des taxis

Au cours de la même matinée, il apparaît que l’AFP – dont les dépêches sont quotidiennement reprises par l’ensemble du paysage médiatique français ne produit même pas une brève dépêche sur l’exceptionnel encombrement matinal de la région parisienne.

Pourtant, le taux d’embouteillage inhabituellement élevé ce jour là engendre sur certains axes un temps de trajet considérablement allongé, comme l’indique alors Sytadin, au point de mettre des centaines de milliers d’automobilistes en retard, voire en difficulté vis-à-vis de leurs employeurs. Car comment justifier un retard si la plupart des médias, qui font confiance à l’AFP, n’ont pas été informés de l’ampleur des bouchons ?

Après s’être fait l’écho de la mobilisation nationale de la profession les jours précédents, difficile d’imaginer que l’AFP puisse à ce stade ignorer les développements de la situation, d’autant qu’elle bénéficie sur le terrain de plusieurs envoyés spéciaux pour lui rapporter faits et images.

La hiérarchie de l’agence a-t-elle cherché à minimiser la fronde des taxis ? Contactée pour connaître les raisons qui l’ont poussée à attendre 12h25 pour évoquer enfin les bouchons monstres provoqués ce matin là, l’AFP n’a pour l’heure pas donné suite à notre sollicitation, comme c’est malheureusement (trop) souvent le cas.

Temporairement suspendue ce mercredi 4 décembre à Paris (où la préfecture a par ailleurs interdit les manifestations du jour prévues près de l’Assemblée nationale), la mobilisation des chauffeurs de taxi a manifestement de quoi embarrasser l’exécutif, déjà confronté à une fronde des professeurs et à des menaces de censure à l’assemblée nationale.

L’exécutif veut serrer la ceinture aux chauffeurs de taxi

Depuis le début de semaine, la profession est mobilisée à l’échelle nationale contre une coupe budgétaire de près de 300 millions d’euros sur les transports sanitaires, portée par le gouvernement Barnier. Un choix qui ne passe pas pour des chauffeurs très actifs dans le transport médical, particulièrement en milieu rural. « 98% de l’activité d’un taxi en zone rurale c’est du médical »,  soulignait ainsi le patron de Taxi Croix à Tonneins (Lot-et-Garonne), auprès de la Dépêche, en janvier dernier. Les chauffeurs de taxi protestent à la fois contre la baisse des tarifs kilométriques pour le transport des patients, mais aussi contre la mise en place généralisée du transport médical partagé.

Pour rappel, au début de l’année déjà, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) avait annoncé une modification des prix des services de transport médical accordés aux chauffeurs de taxis conventionnés. Désormais, la loi du budget de la Sécurité sociale défendue par l’exécutif français prévoit qu’un patient ne pourra plus refuser le partage d’un moyen de transport sanitaire avec une autre personne, sauf si son état de santé est incompatible avec cette mesure (par exemple s’il s’agit d’une personne immunodéprimée). En cas de refus non justifié, il devrait alors lui-même avancer ses frais de transport et ne serait remboursé qu’a posteriori, avec un coefficient de minoration…

Nous dévoilons les dérives de la politique et des médias, grâce à vous.

Fondé fin 2021 en marge du système médiatique, Off Investigation existe grâce au soutien de plus de 6000 personnes.
Résultat : des centaines d’enquêtes écrites déjà publiées sans aucune interférence éditoriale et douze documentaires d’investigation totalisant plus de 7 millions de vues !
Cette nouvelle saison 2024-2025, nous faisons un pari : pour maximiser l’impact de nos articles écrits, TOUS sont désormais en accès libre et gratuit, comme nos documentaires d’investigation.
Mais cette stratégie a un coût : celui du travail de nos journalistes.
Alors merci de donner ce que vous pouvez. Pour que tout le monde puisse continuer de lire nos enquêtes et de voir nos documentaires censurés par toutes les chaînes de télé. En un clic avec votre carte bancaire, c’est réglé !
Si vous le pouvez, faites un don mensuel (Sans engagement). 🙏
Votre contribution, c’est notre indépendance.