Arnaud Murati
Contre toute attente, l’Allemagne est parvenue à préserver la possibilité de commercialiser des véhicules thermiques sur le sol européen au delà de 2035, à conditions qu'ils utilisent des carburants " synthétiques ". À vouloir aller vite, l’Europe n’a jamais obtenu de réel consensus sur l'électrification totale des véhicules neufs dans... douze ans. Car ce " rêve de riches " se heurte à de lourds obstacles.
Le pays de BMW et de Mercedes n’allait pas s’en laisser compter ! Avec ses grosses cylindrées et ses portions d’autoroutes où la vitesse est encore libre, l’Allemagne a mis les pieds dans le plat au dernier moment pour tenter de sauver non pas son industrie –déjà orientée vers la production de véhicules électriques- mais plutôt son savoir-faire et son parc roulant.
Le 28 mars dernier, le Conseil de l’Union européenne a finalement adopté le règlement « Fit for 55 » qui prévoit que les véhicules neufs ne devront plus, à partir de 2035, émettre de CO2 lors de leur utilisation. De facto, ce règlement impose le véhicule électrique aux industriels et donc au grand public. À ceci près que l’Allemagne, avec la complicité d’autres nations, est parvenue à arracher une exception à ce schéma simpliste. Le règlement voté indique ainsi que « la Commission présentera une proposition pour l'immatriculation des véhicules fonctionnant exclusivement avec des carburants neutres en CO2 » d’après le Conseil.
Le gouvernement allemand aurait convaincu l’Europe que les carburants de synthèse, qui n’engendrent théoriquement pas d’émissions de dioxyde de carbone lors de leur production, permettront aussi de se déplacer de manière propre d’ici une douzaine d’années : « Je voudrais dire que ce n’est pas seulement la République fédérale d’Allemagne, et encore moins le ministre fédéral des Transports, qui appelle à l’ouverture technologique. Beaucoup d’autres pays qui ont des doutes sur l’actuelle proposition de règlement réclament une ouverture technologique » s’était auparavant justifié le ministre allemand des Transports Volker Wissing dans une interview accordée à Deutschlandfunk.
Peu de bornes de recharge
Si Berlin a tout fait pour que des carburants de synthèse (sur lesquels Porsche et Siemens travaillent d’arrache-pied) restent autorisés après 2035, les motifs de révolte ont été bien plus prosaïques pour les autres pays d'Europe hostiles au "tout électrique". La Pologne, la Bulgarie, mais aussi la Roumanie, la République tchèque ou encore Chypre voire même le Portugal et d’autres seront en effet parfaitement incapables de faire rouler massivement des voitures électriques d’ici douze ans : « Interdire la vente de voitures à combustion interne après 2035 est une idée NON acceptable pour le gouvernement » a par exemple tweeté le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki le 30 mars, « Nous ferons tout pour protéger les familles polonaises d'une nouvelle invention pseudo-écologique des pays riches et des bureaucrates de Bruxelles ! Nous voulons une transition verte qui comprenne et soutienne les pays membres, et non qui détruise leurs économies et les budgets des citoyens ordinaires. »