Après avoir servi pendant plusieurs années des groupes de réflexion parmi les plus influents de Washington, Benjamin Haddad a intégré le gouvernement Barnier. Auprès de la presse allemande, le ministre délégué aux Affaires européennes a récemment prôné des frappes ukrainiennes sur le territoire russe et rappelé que Paris n’excluait pas l’envoi de troupes françaises en Ukraine.
Une dizaine de jours après avoir intégré le gouvernement Barnier en tant que ministre délégué aux Affaires européennes, Benjamin Haddad s’est exprimé dans le cadre d’une interview publiée le 1er octobre par le quotidien allemand Berliner Zeitung. Cet entretien surprise du ministre, qui a largement traité de la guerre en Ukraine, explore l’implication de la France dans ce conflit.
Entre autres sujets abordés, l’éventuel envoi de militaires français sur le terrain. « Le président Macron a dit qu’il ne fallait rien exclure et cela reste vrai », a notamment souligné Benjamin Haddad en référence à de multiples propos déjà tenus en ce sens par le président de la République. Quand il lui a été demandé si la position française restait donc celle de ne pas exclure l’envoi de troupes au sol en Ukraine, le ministre a répondu sans ambiguïté : « oui ».
« Rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre », insistait déjà le chef de l’Etat, le 26 février 2024, cité par BFMTV. « Dans l’année qui vient, je vais devoir envoyer des mecs à Odessa », avait également lâché le président de la République, cinq jours plus tôt, devant une poignée d’invités à l’Elysée, comme le révélait le journal Le Monde, le 14 mars 2024. Le fait d’évoquer l’envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien avait d’ailleurs valu à Emmanuel Macron de vives critiques sur la scène internationale, y compris de la part de plusieurs pays occidentaux (La Tribune, 28 février 2024).
Dans son récent entretien accordé à la presse allemande, Benjamin Haddad a par ailleurs affirmé sa position en faveur de la fourniture à l’Ukraine de missiles longue portée, prônant des frappes en profondeur sur le territoire russe. « Nous disons qu’il faut donner aux Ukrainiens les outils dont ils ont besoin pour se défendre – et cela inclut des missiles à longue portée pour attaquer des cibles militaires en Russie », a-t-il en effet déclaré.
Une position qui, là encore, a déjà été ouvertement défendue cette année par Emmanuel Macron (Radio France, mai 2024). En 2023 déjà, l’annonce par le président de la République de livraisons de ce type de missiles à Kiev avait provoqué de vives réactions au sein de la classe politique française (TF1, 11 juillet 2023).
De nouveau prônées sans ambages par Benjamin Haddad, ces positions se heurtent cette fois à un singulier silence au sein du paysage médiatique français. A l’heure où nous écrivons ces lignes, aucun grand média français n’y a consacré un sujet alors que les déclarations en ce sens du chef de l’Etat avaient donné lieu à de nombreux articles dans la presse et plusieurs éditions spéciales à la télé.
Pour qui roule Benjamin Haddad ?
En avril dernier, pas encore ministre mais déjà député macroniste et président du groupe d’amitié France-Ukraine à l’Assemblée nationale, Benjamin Haddad se félicitait de la participation active de la France à l’effort de guerre ukrainien. Évoquant la décision du ministère des Armées d’effectuer la livraison de nouveaux véhicules militaires à l’Ukraine, il avait notamment salué un « ton de fermeté bienvenu » sur France 2.
Ex-expatrié aux États-Unis où il a travaillé pour des lobbies atlantistes tel que l’Atlantic Council – dont il a été le directeur de la branche Europe et qui est décrit par le New York Times comme l’un des groupes de réflexion les plus influents de Washington –, Benjamin Haddad est désormais ministre français délégué chargé de l’Europe.
🚨BENJAMIN HADDAD ENTRE AU GOUVERNEMENT.
— Off Investigation (@Offinvestigatio) September 21, 2024
👉Ex-directeur Europe de l'Atlantic council, il a été missionné en 2022 pour torpiller la commission d'enquête sur les #UberFiles.
🎥MACRON L'AMÉRICAIN, LA FRANCE LİVRÉE AUX GAFAMS ?
👉https://t.co/txnqM3zVIvpic.twitter.com/2bnfxMmaht
Alors que les Etats-Unis sont les champions des aides financières et militaires accordées à l’Ukraine, l’insistance de Benjamin Haddad vis-à-vis d’un soutien à Kiev qu’il aimerait voir décuplé interroge de façon plus large : son arrivée au ministère des Affaires étrangères pose en effet la question de l’influence étasunienne sur la politique étrangère de la France.
Avant d’intégrer l’exécutif français, Benjamin Haddad a fait des pieds et des mains, de Kiev à Paris, pour multiplier les rencontres avec des représentants de l’exécutif ukrainien. Il s’est montré comme un interlocuteur non négligeable pour le premier d’entre eux : le président ukrainien Volodymyr Zelensky, avec qui il a déjà conversé afin d’évaluer les besoins militaires de l’Ukraine, comme le rapportait France 2 en avril. Le mois dernier, quasiment une semaine avant son arrivée au sein du gouvernement Barnier, il apparaissait également à Kiev au côté de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, en vue d’y rencontrer le chef du gouvernement ukrainien, Denys Shmyhal.
Merci au premier ministre 🇺🇦 @Denys_Shmyhal qui a reçu la délégation de @GabrielAttal aujourd’hui à Kyiv pour évoquer les besoins militaires et énergétiques de l’Ukraine, et la coopération 🇫🇷 🇺🇦.
— Benjamin Haddad (@benjaminhaddad) September 13, 2024
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