Ukraine : Macron oublie de consulter les Français

Emmanuel Macron
Le président de la République Emmanuel Macron, lors de son allocution du 5 mars 2025  | photographie AFP / Ludovic Marin

Dans un contexte marqué par un rapprochement spectaculaire entre Washington et Moscou, Paris affirme vouloir renforcer la défense du Vieux Continent face à la menace russe, tout en augmentant progressivement son implication dans le financement de la guerre en Ukraine. Et les Français dans tout ça ? Nous avons posé la question au gouvernement.

Alors que Kiev vient de valider la proposition américaine d’un cessez-le-feu de 30 jours, le Kremlin indique attendre d’être informé à son tour, par les Etats-Unis, de sa proposition de trêve. L’annonce a eu lieu à l’issue des pourparlers américano-ukrainiens en Arabie saoudite (Franceinfo, 11 mars) qui ont notamment conduit à la levée du blocage de livraisons d’armes américaines à destination de Kiev et à la reprise du partage de renseignements entre les deux pays. Cette nouvelle étape a été saluée par la diplomatie française comme « un premier pas vers la paix » (Jean-Noël Barrot). « La balle est aujourd’hui clairement dans le camp de la Russie », a pour sa part écrit Emmanuel Macron le 11 mars sur X. Faute d’avoir obtenu une place de choix à la table des négociations en question, le chef d’Etat français a ajouté sur le réseau social d’Elon Musk : « La France et ses partenaires restent engagés pour une paix solide et durable, qui soit adossée à des garanties de sécurité robustes pour l’Ukraine. »

Paris va-t-en guerre ?

La question d’une participation accrue des Etats membres de l’Union européenne (UE) à l’effort de guerre ukrainien reste plus que jamais d’actualité. Le 11 mars, Paris a en effet accueilli un sommet réunissant les chefs d’état-major de 34 pays de l’UE et de l’OTAN à pour plancher sur des garanties de sécurité à apporter à Kiev. « Chef de l’État et chef militaire. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron est apparu ce mardi 11 mars, dans l’après-midi, sur les images fugaces de sa réunion avec les chefs d’état-major de trente-quatre pays membres de l’Union européenne et/ou de l’Otan. », pouvait-on lire le soir-même dans les colonnes du Parisien.

Ce 12 mars, les députés français ont de leur côté été appelés à voter une proposition de résolution, portée par le député UDI Laurent Mazaury, sur le renforcement du soutien à l’Ukraine (Franceinfo, 12 mars). La proposition appelait notamment l’Union européenne et l’OTAN à « accroître leur soutien politique, économique et militaire à l’Ukraine ». Parmi les sujets les plus brûlants, elle contenait une demande d’accélérer le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, un appel à « accentuer les fournitures de systèmes de défense aérienne » à destination de l’Ukraine, ou encore l’envoi de troupes françaises sur place en cas d’accord de paix. La proposition appelait également à « utiliser dès à présent les actifs russes gelés et immobilisés. »

« La patrie a besoin de vous, de votre engagement […]. Il faudra des réformes, des choix, du courage. »

Emmanuel Macron, le 5 mars 2025

Autant d’éléments qui induisent une implication progressivement accrue de notre pays dans la guerre. Une implication pour laquelle les Français sont d’ailleurs appelés à contribuer, tout du moins sur le plan économique. S’adressant à ses compatriotes lors de son allocution du 5 mars, Emmanuel Macron avait en effet déclaré : « La patrie a besoin de vous, de votre engagement […]. Il faudra des réformes, des choix, du courage. »

Se serrer la ceinture au nom d’un soutien accru de la France à l’Ukraine ? Le 19 février déjà, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot répondait en ces termes sur RTL : « C’est des choix auxquels tous les Français devront être associés. »

Jean-Noël Barrot sur RTL
Extrait du transcript d’une interview de Jean-Noël Barrot sur RTL (19 février 2025) / Source : vie-publique.fr

Au Palais présidentiel, l’entourage d’Emmanuel Macron se montre d’ailleurs particulièrement soucieux face à la perspective de « perdre le lien avec les Français » : « Il faut toujours veiller à la façon dont les bouleversements internationaux sont perçus par les Français », lâche un conseiller du président.

Le choix des Français relégué au second plan ?

Mais alors, comment et quand les Français vont-ils être consultés sur le rôle de leur pays dans le conflit russo-ukrainien ? A l’issue du conseil des ministres du 12 mars, Off investigation a posé la question à la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas. « Pour l’instant, ce n’est pas déterminé », nous a notamment répondu cette dernière. Emmanuel Macron n’avait-il pas lui-même affirmé, lors de sa traditionnelle allocution de Saint-Sylvestre (31 décembre 2024), vouloir inviter les Français à « trancher sur des sujets déterminants » ? « On est un peu trop tôt, à la fois dans le quoi, et un peu trop tôt, du coup, dans le comment », nous répond encore Mme Primas. Voilà qui tranche avec une situation décrite comme de plus en plus critique, Emmanuel Macron ayant lui-même qualifié la Russie de « menace pour la France et pour l’Europe ».

« Le temps est venu d’assurer la paix par la force. »

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne

En tout état de cause, la position d’Emmanuel Macron colle aux récentes déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui, le 11 mars, écrivait sur X : « Le temps est venu d’assurer la paix par la force », relayant son intervention du jour au Parlement européen.

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