Vincent Bolloré, employeur d’un chef du GUD

Marc de Cacqueray-Valmenier, militant d’extrème droite multicondamné pour des violences et figure du GUD, est rémunéré par Vincent Bolloré pour du gardiennage (photo DR)

C’est le média « La Lettre » qui a révélé l’information cet été : Marc de Cacqueray-Valménier, chef de file du GUD, groupuscule violent d’extrême droite, est employé par le milliardaire Vincent Bolloré. Officiellement comme gardien de son île privée au large du Finistère. Son profil de militant violent, multi-condamné, aurait pourtant de quoi effrayer celui qui se qualifiait il y a quelques mois de « démocrate chrétien ». Portrait d’un activiste dangereux.

Incontestablement, le bigot Vincent Bolloré a l’âme charitablement chrétienne. En janvier 2023, selon des informations de la Lettre qu’aucun des protagonistes n’a démenti, il a embauché, via une entreprise de sécurité privée, un homme qui avait bien du mal à trouver du travail, malgré son diplôme de l’école de commerce Neoma Reims, bien cotée : Marc de Cacqueray-Valménier. À 25 ans, il a déjà un lourd passé de militant violent.

Issu d’une famille d’aristocrates d’extrême droite

Fiché S et ayant à maintes reprises défrayé la chronique judiciaire et médiatique, le chef du GUD (Groupe union défense, groupe d’extrême groupe violent apparu peu après mai 68), se plaignait ces dernière années de payer cher son activisme politique sur le plan professionnel : « Il disait qu’il en avait marre de ne pas trouver de boulot. Il voulait se calmer au moins quelques temps et se faire un peu oublier et trouver du travail », nous confie un militant d’extrême droite. 

Une simple recherche google sur son nom a en effet de quoi dissuader un employeur tant son activisme violent est aujourd’hui public. Issu d’une famille noble d’extrême droite, qui compte en son sein un abbé intégriste, un ancien conseiller municipal RN du Mans et un militaire signataire d’une tribune des généraux nationalistes dans Valeurs actuelles en avril 2021, il commence à militer chez les monarchistes de l’Action française au moment des manifs pour tous. « La doctrine, c’était pas trop son truc. Il était plus porté sur le service d’ordre et l’action coup de poing. Il nous trouvait trop mous », nous glisse un ancien dirigeant du mouvement maurrassien.

De multiples condamnations et deux mois de prison

En 2018, avec des hooligans néo nazis, des néofascistes du GUD, tombé en désuétude, et des jeunes de l’Action française, Marc de Cacqueray-Valménier fonde « les Zouaves », un groupe exclusivement dédié à l’action violente. Il est condamné une première fois à de la prison avec sursis en janvier 2019, pour des dégradations commises autour de l’Arc de Triomphe lors de la manif des Gilets jaunes du 1er décembre 2018. Ce jour-là, De Cacqueray et ses sbires s’étaient fait remarquer en déployant des croix celtiques et cette banderole provocatrice, « Le peuple aux abois, tuons le bourgeois ». 

À peine quelques jours après cette condamnation, à l’occasion d’une autre manif Gilets jaunes le 26 janvier 2019, les Zouaves attaquent à coups de pavés le cortège du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, le parti de Philippe Poutou et Olivier Besancenot). Marc de Cacqueray est photographié en train de jeter une barrière de chantier en direction des militants d’extrême gauche.

Le 26 janvier 2019, à Paris, un groupe de « Zouaves » incluant Marc de Cacqueray-Valménier attaque des militants du NPA de Philippe Poutou à coup de barrières et de pavés (Crédit photo : La horde)

En janvier 2021, il est condamné à un an de prison ferme pour avoir participé le 7 juin 2020 à une attaque du bar le St-Sauveur à Paris, fréquenté par la mouvance antifasciste. Il bénéficiera d’un aménagement de peine et n’ira pas derrière les barreaux, du moins pas tout de suite. Mais cette nouvelle condamnation ne le dissuade toujours pas d’être violent. Le 5 décembre 2021, il participe à l’agression de militants de SOS racisme venu faire un happening lors du meeting de lancement de campagne d’Eric Zemmour à Villepinte. 

Marc De Cacqueray-Valménier au meeting d’Eric Zemmour à Villepinte le 5 décembre 2022 (photo DR)

Le 5 janvier 2022, le ministère de l’Intérieur annonce la dissolution des Zouaves. Qu’à cela ne tienne : fin 2022,  il relancera le GUD, le groupe mythique de l’extrême droite violente qui était en sommeil depuis plusieurs années. 

Le 21 janvier 2022, il est interpellé et incarcéré pendant deux mois pour avoir violé un contrôle judiciaire. « Il est dopé à la violence et addict aux sports de combat, estime un antifa. Rien ne l’arrête, pas même les risques judiciaires ». Le 14 décembre 2022, au soir du match de demi finale de coupe du monde France-Maroc, Marc De Cacqueray-Valménier est interpellé avec une quarantaine d’autres militants fascistes à Paris. Ils s’apprêtaient, selon  l’accusation, à « ratonner » des supporters marocains Le procès doit avoir lieu en février 2025. Dernière frasque en date, à Angers, 30 juin 2023, alors qu’il est déjà l’employé de Vincent Bolloré, il est aperçu prenant part à des bagarres avec des militants de gauche après la mort du jeune Nahel à Nanterre.

Cacqueray et les nervis 2.0

Maîtrisant parfaitement les réseaux sociaux, il se met en scène et diffuse des clichés de lui, s’héroïsant et entretenant sa propre légende. A l’automne 2020, on le voit armes à la main au Haut-Karabakh, où il dit avoir combattu aux côtés des chrétiens arméniens contre les Azeris musulmans. 

Il a aussi posté des photos de lui en Ukraine, où il se rend en décembre 2021 pour participer à un combat de kickboxing. Il en profitera pour se rendre au festival Asgardsrei, le plus grand événement mondial de NSBM (National socialist black metal, black metal nazi aux forts relents anti religieux dont on doute qu’ils soient la tasse de thé de son actuel employeur ultra-catholique), qui se tient chaque année à Kiev.

Avec Marc de Cacqueray-Valménier apparaissent les nervis 2.0 et le canal Telegram Ouest Casual, qui diffuse des images d’actions d’éclat, souvent violentes, des nombreux groupuscules d’ultradroite qui pullulent aux sept coins de l’Hexagone. « On s’aperçoit alors que Cacqueray est en train de fédérer ces différentes bandes de hooligans et d’unifier les gros bras », note un membre des services du renseignement. Des photos montrent des actions conjointes des Zouaves avec des hooligans de Reims, de Toulouse, Rennes, ou encore Dijon. « C’est quelque chose de nouveau, nous explique un ancien policier du renseignement : auparavant, nous avions à faire à une multitude de groupuscules locaux, sans lien entre eux. Aujourd’hui, il y a des actions trans-groupuscules et coordonnées ».

Côté face, Cacqueray est donc un chef de meute fasciste, en train de mettre sur pied une sorte d’embryons de SA à la mode 2024. Qu’on ne s’y trompe pas : c’est un activiste franchement néo nazi qu’emploie Vincent Bolloré. Tatoué sur le corps du jeune homme, une Totenkopf (tête de mort), emblème des SS. Et également, un soleil noir, symbole du paganisme nazi qui devrait rebuter une grenouille de bénitier comme Vincent Bolloré. Le 7 juin 2020, les Zouaves se filment lors d’un anniversaire nazi (un « nazi-versaire »), saluts hitlériens à l’appui. Selon mediapart, qui a exhumé la vidéo, Cacqueray est parmi les fêtards, adeptes du bras tendu.

Côté pile, Cacqueray présente le profil d’un jeune homme de bonne famille, fraîchement diplômé en management d’une école de commerce cotée à Reims, qui s’affiche en costume cravate sur son profil LinkedIn et se présente comme « passionné par les ressources humaines ». Il se décrit comme « doté d’un esprit d’équipe mais aussi capable d’être autonome et de prendre [ses] responsabilités ».

Des qualités qui ont apparemment séduit Vincent Bolloré, dont on ne peut imaginer, vu l’extrême prudence des milliardaires quant à leur personnel de sécurité, qu’il ignorait l’autre face, la sombre, du rejeton d’aristo devenu un soudard repris de justice. Sollicités, ni Vincent Bolloré, ni Marc de Cacqueray-Valménier n’ont répondu aux questions de Off Investigation.

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