En étendant son empire médiatique, le “Goliath” Vincent Bolloré offre à l’extrême-droite des canaux grand public pour gagner la bataille des idées en vue de conquérir le pouvoir politique. Dans la perspective des élections européennes, cette droite Bolloréenne, au substrat catholique identitaire, s’incarne en la personne de Marion Maréchal, tête de liste du parti d’Eric Zemmour, Reconquête ! Mais nombre de chrétiens y voient un "christianisme sans Christ".
« Pour moi, le contenu de la foi de Marion Maréchal, c’est un mystère. Dans ses paroles, je ne reconnais pas du tout les textes évangéliques », nous lâche d'emblée Guillaume Dezaunay, un catholique de 35 ans, professeur de philosophie à Metz.
Elisabeth, une protestante de 36 ans, paysanne dans le Tarn, est tout aussi perplexe : « Je ne comprends pas, nous dit-elle, quand on lit l’Evangile, on voit bien que Jésus ne fait que ça, d’aller parler avec les étrangers ! On ne peut tout simplement pas être chrétien et passer à côté de ces textes-là ».
Un avis partagé par le pape quand, interrogé en 2016 au sujet du projet de mur USA/Mexique porté par Donald Trump, il répondait : « Celui qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétien ».
Dans Cathos, ne devenons pas une secte (éditions Salavator, 2018), l'ancien journaliste Patrice de Plunkett offre l’analyse du « repenti ». Ancien de Valeurs actuelles et du Figaro Magazine, ce septuagénaire chrétien livre aujourd'hui un diagnostic sévère sur ce milieu qu’il a bien connu : ces catholiques "ne pensent pas avec l'Eglise, mais avec leur milieu", leur christianisme étant en définitive une "religiosité de classe".
En avril dernier, Guillaume Dezaunay a eu l’occasion d’y voir un peu plus clair quand l’association La Maison du Bien Commun, un haut lieu parisien de la philanthropie chrétienne, l’invite à présenter son livre Le Christ rouge. Il hésite. Pour lui, la philanthropie est « une parodie de justice », proche de « l’argument socialiste de base » : « On saupoudre un peu de charité pour alléger les structures d’injustice, ce qui évite de les remettre en cause et permet de déculpabiliser les riches en rendant en plus les pauvres reconnaissants ! »
Ce grand lecteur de l’anarchiste chrétien Tolstoï partage cette critique avec l’ancien monarchiste Patrice de Plunkett, qui lui, préfère citer Saint-Augustin : « Tu donnes du pain à qui a faim : mais mieux vaudrait que nul n’ait faim, et que tu ne donnes [de pain] à personne ».
Mais le jeune prof de philo messin finira par accepter l’invitation : « Je vous avertis, si je viens, c’est pour critiquer la philanthropie ! ». « Pas de problème », rétorque son interlocuteur, « on a justement envie d’être provoqués ! ». Et voilà ce jeune “David”, au programme des conférences de la Maison du Bien Commun, entre deux “Goliaths”, le fils de Villiers, président du Puy du Fou, et un représentant de Meeschaert, une société gestionnaire de fortunes.